Travailler. Je devais arrêter de me morfondre dans mon appartement, et chercher du travail pour avancer. Et surtout pour éviter de m'ennuyer pendant la journée et repenser à mon passé. Une vie ancienne et terne.
J'espérai bien avoir assez de courage pour tourner définitivement la page, mais encore je ne me sentais pas prête à vivre heureuse. Au moins, j'étais toujours en vie et je ne m'étais pas insurgée de pensées suicidaires...
Je respirai un bon coup et regardai le journal en quête d'un travail simple. L'argent n'était pas le plus urgent. Avec mes économies, j'avais assez pour tenir quelques années.
En feuilletant, je vis les nombreuses places à pourvoir en tant que secrétaire. J'étais la candidate idéale. En fait, je ne savais faire que cela. Ce travail m'avait pris toutes mes années. Je ne détestais pourtant pas côtoyer les mots, les chiffres, les symboles, mais ce temps consacré au travail m'avait laissée sans autre loisir à exercer.
Je continuai de tourner les pages sans trouver ce que je cherchais. Après un soupir, je levai la tête et admirai le ciel par la fenêtre. Aucun nuage ne venait troubler le bleu clair de ce plafond infini. Le simple fait de voir cette immensité me renvoya à l'image de ses yeux bleus. Je m'étonnai de revoir les yeux de mon inconnu à travers mes souvenirs. Je ne l'avais pourtant croisé qu'une seule fois, et j'y repensai déjà. Peut-être que sa ressemblance avec mon ancien patron me troublait profondément.
Je soupirai puis jetai le journal sur la table basse. Rien d'intéressant.
Je m'étirai et décidai de me promener. Les vitrines de magasins contenaient souvent des affiches de petit boulot que je pourrais peut-être faire. Et l'air frais ferait du bien à mon état morose.
Mes jambes me portèrent à travers les rues où le commerce amenait des habitués. Je regardai un à un les papiers sur les vitres en espérant trouver un poste de secrétaire. Je soupirai quand je ne trouvais que des jobs de femme de ménage, de soutien scolaire ou de garde d'enfants.
J'entrai dans un petit restaurant, et commandai un café. À table, j'attendis patiemment. L'homme derrière la caisse reçut un coup de fil qu'il décrocha aussitôt. Sa femme lui parlait tandis qu'il éclatait de rire. D'après ce que j'avais compris, sa femme n'en pouvait plus de toute la paperasse.
Je ne savais pas si je devais me lever pour annoncer que j'étais là. Une secrétaire. C'était très indiscret de ma part, mais c'était la chance que j'attendais, et peut-être la seule chance que j'avais. Je me levai et m'excusai auprès de l'homme d'une cinquantaine d'années. Il s'excusa de même en certifiant que le café allait arriver.
« Attendez, ne raccrochez pas. Je suis vraiment désolée, mais j'ai écouté des bribes de votre conversation. Et je cherche du travail en tant que secrétaire. J'ai même un CV sur moi. »
Je fouillai avec vigueur dans mon sac à main et sortit la feuille pour la lui tendre. Il restait un moment sans rien dire, ce qui me laissait présager qu'il n'avait pas apprécié mon indiscrétion. Avec un soupir, j'allai m'excuser de nouveau et partir, mais il me surprit en m'indiquant de le suivre.
Étonnée, je le suivis dans l'arrière-boutique et l'entendis annoncer mes qualifications à sa femme. Je déglutis en espérant que celle-ci veuille bien que je l'aide. Il hocha plusieurs fois la tête, puis prit un papier et un stylo pour noter une adresse et un numéro de téléphone. Il raccrocha ensuite et me tendit le papier.
« Voici l'adresse où travaille ma femme. Elle est nounou, mais les enfants dont elle s'occupait ont maintenant bien grandi, dit-il en riant. Un des garçons vit seul dans la maison familiale, et comme ils se sont attachés à ma femme, ce qui ne m'étonne pas, elle continue de travailler en tant que femme à tout faire. »
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Comme un pantin
RomanceTrompée. Trahie. Seule. Terriblement seule. Je l'aimais, et pourtant, il avait réussi à me taillader le cœur sans aucun remord. A cause de lui, j'avais tout perdu.