Bien qu'épuisé, Molotov n'arrivait pas à dormir. La base de son crâne ainsi que la saignée de son coude le lançait légèrement. Il était oppressé par l'atmosphère lourde et moite du dortoir, et son voisin de gauche ronflait comme un bjork des marais en rut. Le somniseur de la couchette, qui était sensé l'endormir en agissant directement sur les ondes cérébrales, s'avérait insuffisant; il aurait dû demander un somnifère à ce médecin cupide. Quelqu'un dans le fond du dortoir ouvrait lentement une poche à fermeture électrostatique, essayant de faire le moins de bruit possible, avec pour seul résultat de faire durer plus longtemps les crépitements électriques. Bob Molotov soupira et se retourna pour la énième fois, s'entortillant dans son sac à viande. Il se sentait poisseux, vaguement nauséeux, et une migraine commençait à poindre du côté gauche. Trop de gaz carbonique, se dit-il, la ventilation et le recyclage sont insuffisants.
Le bjork en rut sembla s'étouffer, puis repartit de plus belle faisant vibrer le sommier métallique. Au-dessous de lui sur la gauche, deux personnes murmuraient entre elles, tandis qu'elles s'habillaient avec divers froissements de tissus.
Soudain une sirène retentit et le dortoir fut éclairé à giorno. Des verrous claquèrent et toutes les issues furent condamnées. Enfin la sirène s'interrompit, remplacée par une voix féminine et sensuelle qui annonça:
- Attention, attention: alerte sanitaire, code rouge! Veuillez garder votre calme et considérer que vous êtes tous gravement contaminés. Au cas où cela s'avérerait nécessaire, nous vous prions de préparer en espèces les cinq crédits de la taxe d'euthanasie. Les cartes de crédit ne sont pas acceptées. Attention, attention: alerte sanitaire, code rouge! Veuillez gardez votre calme...
Les occupants du dortoir se regardèrent hébétés, puis la panique éclata, une femme hurla et des gens se ruèrent sur la porte verrouillée. Quant à lui, Bob Molotov considéra la situation avec un certain soulagement: le bjork s'était réveillé et avait enfin arrêté ses bramements! Le prospecteur était épuisé et se trouvait dans un état second. Il se sentait complètement extérieur aux événements, et observait avec curiosité l'affolement général autour de lui. Une dizaine de personnes était agglutinées sur la porte et tambourinaient dessus en criant; d'autres restaient figées et hagardes, sonnées par le réveil brutal. Un homme marchait de long en large, les yeux écarquillés, en bredouillant des paroles incompréhensibles. Un autre cherchait tranquillement pour sa taxe d'euthanasie, quelqu'un ayant la monnaie sur un billet de dix crédits.
Cela durait depuis un bon quart d'heure, lorsque les grilles de ventilation diffusèrent un gaz irritant avec une forte odeur d'antiseptique. Tous les occupants se mirent à tousser violemment. Certains vomirent ou perdirent connaissance. Bob Molotov sombrait dans une semi-inconscience lorsqu'il perçut le chuintement de l'ouverture de la porte. Juste après il entendit une voix à proximité:
- C'est ici: sur la deuxième couchette à partir du haut. La numéro 27. Voilà, c'est celui-ci!
Il s'évanouit au moment où on l'empoignait.
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Traitement de Choc, une aventure de Bob Molotov
Science FictionBob Molotov arrive sur la station spatiale Von Smith III où il est appréhendé par le contrôle sanitaire pour cause d'implants médicaux défectueux. Cette nouvelle fait suite à celle du Zarf.