22. Zack

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"Si vis pacem, para bellum"
"Si tu veux la paix, prépare la guerre"

— Bon, qu'est-ce qui s'est passé?

— Oh que je sens que ça va être long, marmonna Gwen en s'asseyant sur le sol, adossée contre le mur de la chambre.

— C'est sûr que si tu ne collabores pas, on sera encore ici demain matin, renchérit Steph, s'asseyant à son tour de manière à ne pas faire face à Gwen.

Jessica roula des yeux et alla s'assoir sur le lit. Elle devait regretter d'avoir demandé de l'aide pour tous mettre dans les cartons.

— Qu'est-ce qui s'est passé? Répétais-je en détachant mes mots pour qu'ils comprennent que je ne rigolais pas.

Je voulais bien blaguer, mais il y avait des moments où le sérieux était requis. Des moments comme celui-ci. Une amitié était en jeu, et si Steph et Gwen refusaient de faire la paix, j'allais devoir choisir entre mes deux meilleurs amis. Hors de question que je laisse ça arriver.

— T'as qu'à demander à monsieur qui n'arrête pas de me chercher.

— Bah si madame la rancunière me pardonnait, il n'y aurait aucun problème.

— J'aurai rien à te pardonner si tu n'avais rien fait, p*tain!!

C'était pathétique, ils avaient l'air de deux gamins qui se chamaillent pour savoir qui auraient le plus gros morceau de gâteau.

Jess tenta une approche plus douce que la mienne, et comprit vite pourquoi j'avais employé un ton aussi ferme.

— Gwen, à moi aussi, il me manque Zack, mais...

— La ferme, tu le connaissais à peine, cracha Gwen.

Quand Gwen était en colère, tenter de la raisonner reviendrait à essayer d'engager la conversation avec un mur. Jess se mordit la lèvre et fixa le sol sans chercher à riposter. Les disputes n'avaient jamais été son fort, et elle considérait que Gwen disait vrai. Elle n'avait connu Zack que pendant un an. Sa meilleure amie était tellement en rogne qu'elle ne semblait pas se soucier de l'avoir blessée. Mais moi, je m'en souciais, et déjà énervé par cette dispute qui ne faisait que raviver des souvenirs et aurait dû être résolue depuis longtemps, attaquer Jess n'améliorait en rien mon humeur.

— Bon, ça suffit. Gwen, moi je l'ai connu, Zack, et il me manque beaucoup, on était très proche, et ça, tu ne peux pas le nier. Je ne sais peut-être pas ce que ça fait de perdre quelqu'un d'aussi proche, mais je sais que si Jess disparaissait je ne m'en remettrai pas, alors je peux imaginer comment tu te sens. Et je peux comprendre que tu en veuilles à Steph, moi aussi je lui en voulais à l'époque.

Mon ton s'adoucissait à mesure que je me remémorais ce qui s'était passé deux ans auparavant. Il y avait une fête chez un élève qui graduait cette année-là. Zack était de cette cohorte de graduants, et il nous avait invités, moi et Gwen, parce que celui qui organisait la soirée était un de ses bons amis et ça ne le dérangerait sûrement pas. Dans ce temps là, Jess n'était pas encore là et je n'étais pas ami avec Steph. Je ne le connaissais que parce que sa réputation de bad boy le précédait . Tout se passait bien, la fête battait son plein, puis un moment donné on a entendu des cris. Steph et Zack se criaient dessus. Les deux saignaient, ils devaient s'être battus, mais pas gravement. Zack sortit en trombe de la pièce. Ce fut la dernière fois qu'on l'ayons vu. Ses parents avaient bien sûr prévenu la police et plusieurs fouilles à avaient été faites, sans résultat, et jusqu'à ce jour, toujours rien. On gardait espoir, un espoir qui diminuait d'année en année, mais qui n'avait pas encore tout à fait disparu.

Tout le monde avait mis le blâme sur les épaules de Steph. Il y avait un problème, il fallait un coupable. Après tout, il était le dernier à lui avoir parlé, et ils s'étaient disputés juste avant sa disparition. Plus personne ne lui adressait la parole, et les professeurs le surveillaient de près. Ils étaient tous habitués à ces mauvais coups, mais là, il était allé trop loin.

— Mais, continuais-je, il a été interrogé par la police et déclaré innocent. Zack avaient bu pendant la fête, plus qu'il n'aurait dû. Évidement, Steph a mal choisi son moment pour lui rappeler la troisième défaite consécutive de son équipe de soccer *foot*, dis-je en lançant un regard noir à ce dernier , qui baissa son regard vers le sol, honteux. Il n'a pas causé la fuite de Zack. Toute l'école lui a pardonné, sauf toi. Même les parents de Zack ne lui en veulent plus.

Il n'eut d'abord aucune réponse après ma déclaration, personne n'osant briser le silence en premier. Steph prit une grande respiration.

— Je... Je suis sincèrement désolé pour Zack, je...

Il ne pleurait pas, et en y pensant bien, je ne l'avais jamais, au grand jamais vu pleurer, mais on sentait dans la manière dont sa voix tremblait qu'il était sincère.

— Ça va, trancha Gwen en murmurant.

Sa voix tremblait et son visage avait beau être enfui dans ses bras, n'importe qui aurait deviné qu'elle pleurait.

— Je sais que ce n'est pas vraiment ta faute, c'est juste que...

Elle éclata en sanglot, et je me rapprochai d'elle pour la prendre dans mes bras. Elle ne faisait aucun bruit, mais son corps tremblait énormément.

— I-il me manque tellement, et J-je...sanglota-t-elle.

Rare phénomène que de voir cette boule d'énergie en larmes et aussi vulnérable. Cette fille pleurait moins souvent qu'il n'y avait de pleine lune par année. Elle était une des personnes les plus fortes que je connaissais, mais tout le monde avait ses moments où toutes ses émotions refoulées devenaient un poids trop lourd à supporter pour une seule personne. Mais Zack était son premier amour, et ça faisait presque cinq ans qu'ils sortaient ensemble. Elle ne s'était jamais remise de sa disparition, et n'avais aimé aucun garçon depuis.

— Désolée Steph d'avoir été rancunière aussi longtemps, dit-elle en reniflant.

Il se leva et la prit dans les bras par derrière, car elle était déjà dans les miens, puis il l'a relâcha et retourna sur le lit. Il sourirait, content d'avoir enfin obtenue son pardon. C'était le dernier qu'il lui manquait pour enfin arrêter de mettre toute la faute de la disparition de Zack sur son dos.

— Jess, désolée de...

— T'inquiètes, c'est tout oublié, coupa cette dernière en souriant.

— J'ai bien choisi mes amis on dirait, rigola Gwen doucement avant de jeter un regard autour de la piece. Bon, allez, cette chambre ne se rangera pas toute seule.

— Malheureusement, soupira Jess.

D'un bon, Gwen quitta le réconfort de mes bras et se mît à ranger les vêtements dans les cartons comme si elle ne venait pas tout juste de pleurer. Enfin, ça n'avait rien de surprenant, elle était ce genre de personne qui se relève après avoir reçu un coup en plein cœur juste pour énerver les gens. Tu croyais m'avoir arrêtée? Surprise, je suis encore là et vais te faire regretter d'avoir croisé mon chemin!

Avec huit bras qui travaillent enfin en équipe, les cartons furent terminés en moins de deux, juste à temps pour l'arrivée des camions. Quand j'arrivais chez moi, j'étais tellement épuisé que je n'avais qu'une seule envie. Dormir. Après avoir fait du rangement et aidé deux personnes à se réconcilier, il y avait de quoi être crevé. En même temps, j'étais content, parce que bien que Gwen cherchait à le nier, elle et Steph s'entendraient vraiment bien, ayant des personnalités semblables. Qui se ressemble s'assemble, comme on dit. En me couchant sur mon lit, je remarquai dans mon camp de vision le livre qu'Evelyn m'avait donné et me souvint soudainement que nous étions vendredi...

|Daisy|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant