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L'atmosphère s'engouffrait par la fenêtre ouverte

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L'atmosphère s'engouffrait par la fenêtre ouverte. Le parfum de Paris en plein cœur de l'hiver. L'étamine des rideaux s'envolait doucement, épousée par le souffle du vent.

Je somnolais parmi le silence et les draps bleus pastel. Étendu à côté de moi, Oliver lisait Huysmans. Même les pages qu'il tournait ne faisait aucun son. Le vert de ses yeux dévorait chaque mot, chaque virgule.

J'adorais le regarder lire. J'adorais le regarder conduire. J'adorais le regarder dormir. J'aurais pu passer le reste de ma vie comme ça. Juste en respirant et en l'observant à la dérobée.

Je pensais à Salomon. Je ne l'avais pas vu depuis des jours. Il ne me manquait pas vraiment ; mais s'il se tenait là, devant moi, je me jetterai dans ses bras sans sursis.

Je pensais à mes amis, à Alice, à Roman ; et puis j'ai aussi pensé à Thérésa. Une lame dans le thorax. J'ai voulu la chasser de mes songes, mais elle restait là, avec ses yeux et son sourire et sa gentillesse et son beau visage. J'ai voulu l'effacer, qu'elle n'existe plus, qu'Oliver ne la voit pas. Quelque chose s'est tendu en moi. Comme un goût amer de déjà-vu, une saveur affolante de peur.

  — Tu l'aimes bien, Thérésa?

J'ai aussitôt regretté. Brusquement tiré de sa lecture, Oliver a cligné des yeux et m'a fixé, les sourcils froncés, comme s'il venait de se réveiller.

Pardon? 

J'ai hésité. Les mots flottaient dans l'air. Ils m'éraflaient. La question me tracassait trop. 

  — Thérésa. Tu l'aimes bien?

Oliver m'a scruté. Je voyais qu'il cherchait ce que je voulais dire par là. Il me connaissait par cœur. 

  — Oui, il a fini par répondre.

Oui.  C'est tout. 

Il a lu la frustration sur mon visage. Il a ajouté après un moment d'indécision

  — Elle est attentionnée et gentille.

Il restait prudent. D'habitude, c'était moi qui avais peur de ses réactions.

Elle te plaît? j'ai continué.

Juste physiquement ou entièrement? 

J'ai haussé les épaules. Je n'étais plus à ça près.

  — Dis-moi tout.

Il a posé son livre ouvert sur sa poitrine. Il fixait le plafond. Il semblait réfléchir sincèrement à la question ; et moi j'avais l'impression de m'éteindre à chaque instant.

Elle est splendide, il a répondu. Je ne peux pas le nier.

J'aurais aimé qu'il s'esclaffe, qu'il la désapprouve, qu'il me dise qu'il n'y avait que moi qui comptait, qu'il n'y avait seulement moi dans la capture de ses regards.

Mon cœur pendait, vacillant au bout de ses fils décousus. Il se balançait, se cognait. J'avais le mal de mer en plein cœur de Paris.

Tout m'apparaissait fade. Les fleurs fanaient dans les vases.

  — Pourquoi cette question, Adèle?

Il me regardait dans les yeux. Je ne pouvais pas lui échapper.

Il a passé son bras autour de moi. Le droit, dénué de tatouage et de fatalité.

Je tremblais. Il avait l'air inquiet.

Qu'est ce qu'il y a? Dis-moi. 

Pourquoi cette question, Adèle?

J'ai réfléchi, moi aussi, au creux de ses bras.

Parce que tu la trouves plus belle? En tous points plus parfaite que toi? Parce que tu es jalouse, parce que tu as peur?

Parce que c'est la petite-amie de Roman?

Je n'ai rien répondu.

Je n'aimais pas remuer les couteaux dans les plaies.


Il me dévisageait. Moi je n'osais plus croiser son regard. C'était difficile en ce moment de plonger dans ce vert que j'aimais tant. C'était l'avenir incertain que je craignais ; c'était le passé que je voulais frapper, démonter, enterrer, réduire en miettes. C'était mon reflet que je ne voulais plus voir ; et le miroitement de ces autres femmes.

Je me suis dit que moi aussi, j'aurais besoin de voir un psy.


Oliver a compris que je n'en dirai pas plus. Il m'avait perdu pour le reste de la journée. Je savais qu'il était étonné par mon mutisme. Je savais que j'allais rester allongée sur le lit, les yeux perdus, la mort dans l'âme, la peur au ventre, le froid dans tout mon corps.

Il s'est penché vers moi. Il souriait, ses cheveux entremêlés aux miens, sa respiration sur mes lèvres, les battements de son cœur dans l'oxygène.

Il m'a dit, d'un ton à la fois amusé et réfléchi

  — Tu as un cœur de trop. 


braises de satinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant