huit

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J'aimais ce que je voyais

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J'aimais ce que je voyais. Le salon blanc et beige, l'affiche de Eyes Wide Shut  au dessus du canapé sur lequel j'étais assise. Salomon en face de moi, sa chemise blanche aux manches retroussées, ses cheveux doux, ses sourires légers. Roman était affalé à ma gauche, avec ses cheveux mi-longs, son sarouel, ses cigarettes et son éternel second degré. Je souriais facilement. J'avais été surprise de ne pas voir Thérésa en arrivant, mais surtout soulagée. Je me suis demandé si Roman l'avait déjà quitté pour un autre amour. Je n'ai pas osé lui poser la question. 

Les rayons du soleil étaient gracieux et fragiles. Le printemps attaquait les ruines de l'hiver. 

Salomon s'est levé pour se rendre à la cuisine. Il m'a frôlé en passant, m'a tendu un sourire. Une fois la porte refermée, Roman m'a fixé. Ses traits s'étaient durcis.

 — Oliver m'a dit qu'il était retourné chez la psy, il m'a dit en allumant une autre cigarette, les yeux toujours rivés sur moi.

Je n'arrivais pas à discerner si c'était un reproche ou juste une constatation.

C'est vrai. Il vaut mieux ça que ne rien faire.

Un nuage de fumée s'est échappé de ses lèvres en même temps qu'un soupir.

 — Arrête de parler d'Oliver comme s'il était malade.

J'ai sursauté. Les mots m'ont percuté de plein fouet.

Excuse-moi?

Adèle... Je t'adore, mais tu le gères comme si tu étais sa mère. Laisse le respirer.

Laisse le respirer.

Salomon est revenu dans le salon. Roman m'a jeté un regard entendu, qui signifiait maintenant, on change de sujet.  Ce que j'aurais fait il y a quelques mois, voire même quelques semaines. J'aurais baissé les bras, les armes. Mais aujourd'hui, une rage confuse tremblait en moi. Une colère rouge volcan. Mes poings à deux doigts de se serrer, d'exploser dans un tonnerre de miettes osseuses.

Tu me reprocherai toujours de le gérer comme sa mère si tu étais là quand il se retrouve en sang en plein milieu de la nuit?

Salomon a vivement relevé la tête vers nous, heurté, les yeux affolés. 

Roman a passé ses doigts sur l'arête de son nez. Il a secoué la tête, déjà dépassé. Il regrettait d'avoir posé un pied sur le champ de bataille.

Mais c'était trop tard. Je brandissais le poing, toutes mes armes. Je laissais tomber le drapeau blanc que j'avais porté en écharpe si longtemps.

 — Je me bats pour que tout reste normal, pour que rien n'implose, j'ai dit. Ma voix était chancelante. Je fais ce que je peux. Tu ne peux pas me reprocher ça. Tu n'as pas le droit.

Je ne supporte pas que tu parles de lui comme s'il était sur le point de s'ouvrir les veines à chaque minute. Je le connais depuis que je suis gosse, Adèle. Il est plein de vie. Il est normal. Traite le comme tel. Il n'a pas besoin que tu te battes ou quoi que ce soit. Il a juste besoin que tu sois là.

braises de satinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant