vingt-neuf

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PREMIÈRE ANNÉE

suite

C'est pas une vie, avait dit Roman en me regardant, et je savais qu'il avait raison

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C'est pas une vie, avait dit Roman en me regardant, et je savais qu'il avait raison. J'allais au travail ; je prenais soin d'Oliver et Adèle ; je rendais visite à Salomon. Ma nouvelle routine ; mon métro-boulot-dodo à moi. Pourtant, je n'avais pas l'impression de dépérir. Seulement celle d'être un amas de mélancolie, de tristesse et de nostalgie, avec quelques os et un peu de peau.

Roman, lui, menait sa propre vie, un peu loin de nous. Il n'était jamais vraiment là, ni tout à fait ailleurs. Comme déchiré entre nous, ses amis de toujours, le sang de son sang ; et un nouveau quotidien secret qui lui tendait les bras. Je lui posais quelques questions subtiles, et il me répondait toujours vaguement, avec l'ombre d'un sourire au coin des lèvres. J'avais peur qu'un jour, il ne soit plus là. Qu'il parte là où il méritait d'être, un endroit où la joie résonne de part en part, où l'espoir est permis, où l'on danse, où l'on boit, où l'on rit jusqu'au soleil, où même la nuit n'a pas de bout. Un endroit qui lui fasse penser à ces pays imaginaires où il s'enfuyait avec Salomon, étant petits. J'espérais qu'il soit heureux, qu'il goûte à la vraie vie, celle qu'il avait réalisé ce soir là, ce soir d'horreur, ce soir où tout était arrivé, où tout nous était tombé dessus.


Alors quand il m'a dit qu'il m'emmenait en soirée, je n'ai pas riposté. Il aurait pu m'emmener n'importe où, je l'aurais suivi. Partout où il était, il y avait un peu de Salomon aussi. Et les mois passaient et Salomon était toujours là-bas. Et moi si loin, et pourtant à quelques kilomètres, de lui.

La fête battait son plein dans l'appartement parisien. J'ai revu des visages familiers, qui m'ont tous fait l'effet d'une claque. La plupart étaient des ami-e-s d'avant, ceux des festins, des soirées dans les bars, quand tout allait encore à peu près bien, quand Salomon était encore là. Mais depuis ce soir là, depuis que tout était arrivé, je les avais oublié. Je ne savais même pas qui avait essayé de prendre des nouvelles, qui avait cherché à nous voir, à nous tendre la main. J'avais tout rejeté autour de moi, même Oliver et Adèle, au début. Même ma propre vie.

Mais ma vie, elle, continuait. J'avais le droit de danser, d'oublier, un peu, au moins l'espace d'une nuit. Tant que je restais forte, tant que je ne craquais pas, je me laissais le droit de tout faire et tout croire.


J'ai bu quelques verres, j'ai discuté, j'ai ri une ou deux fois. Mais mon regard ne cessait de se diriger vers le ciel noir et ses quelques étoiles cendrées à travers la baie vitrée ; et mes pensées de se demander si Salomon se sentait bien, ce qu'il faisait, s'il dormait ou s'il cogitait, à quoi, à qui il rêvait, à quoi, à qui il pensait.

J'ai regardé ces personnes que j'avais longtemps considéré comme des ami-e-s ; aujourd'hui ils m'apparaissaient comme des étrangers. Leurs sourires semblaient hypocrites, leurs questions transpiraient les autres qu'ils n'osaient pas poser. Le prénom Salomon, ce soir là, le procès, la peine de prison, toute l'affaire, tous ces derniers mois, tout flottait entre les voix, les verres emplis d'alcool colorés et les musiques trop fortes. 

braises de satinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant