Mamie semblait vraiment sérieuse.Moi : Mamie tu veux dire que je ne dois plus donner la main à Tonton Etienne et Tonton Souleymane? Et à mon père non plus?
Raïssa s'est mise à rire.
Mamie : Ce n'est pas du tout drôle Raïssa.
Raïssa : Mamie tu sais très bien que ça ne se passe pas comme ça. Maman m'a déjà tout expliqué.
Mamie : C'est assez délicat. Je ne veux pas que vous voir fréquenter des garçons. On ne tombe pas enceinte facilement, je pensais juste à vous protéger. Malaika t'as tout expliqué donc? C'est bien. Avoir des rapports sexuels ou vous adonner à des jeux intimes peut causer la grossesse. Pour nous éviter tous ces tracas, vous aller me promettre de ne jamais laisser un homme toucher votre jardin secret. Votre corps, vos seins, vos fesses sont vos trésors. Ne les montrez à personne, seul vos futurs maris auront ce privilège. Vous avez compris ?
Raïssa et moi avions répondu oui. Nous sommes retournées dans notre chambre, où je lui ai posées toutes les questions qui me taraudaient l'esprit. Elle m'a expliqué en détails les paroles de mamie.
Moi : Et si quelqu'un te force, te touche et te brutalise?
Raïssa : Oh mon Dieu. C'est du viol.
Moi : Mais qu'est-ce qui se passe après ce viol?
Raïssa : Je n'en sais rien. Tu ne seras plus vierge je crois.
Moi : Vierge? Ça veut dire quoi?
Raïssa : Tu me fatigues Maguy. Je te laisse, je vais rappeler mes parents et parler à Karine. Elle dort chez moi ce soir.
Moi : Ok. Je reste ici, je vais me reposer un peu.
J'avais une sensation bizarre. Mon corps semblait lourd et un peu brûlant. Je me suis allongée. J'ai réfléchi aux paroles de Raï. Donc si je résumais ma situation, je n'étais plus vierge. Mamie disait que c'était important de se préserver avant le mariage. Est-ce de ma faute si mon frère m'a pris un de mes trésors? Comment pourrais-je l'expliquer à mon futur mari? Me croira t-il? Et si je le disais à Mamie? Elle trouve toujours des solutions à nos problèmes. Papa a frappé à la porte de notre chambre. Il m'a sortie de mes pensées.
Papa : Maguy, Pourquoi restes-tu seule dans le noir?
Moi : Rien papa. J'attends Raï, elle parle avec sa famille.
Papa : Sisi, je viens de leur parler aussi. Bon je suis venue t'annoncer que je rentre demain insha'Allah. Je voulais rester un peu plus avec toi mais j'ai des engagements.
Moi : Je sais. Je suis bien avec Mamie. Tu vas me manquer.
Papa : Tu vas me manquer aussi. Allons dans le salon, tu ne vas pas diner dans la chambre quand même.
Moi : Ok papa.
Comme tous les dimanches, Rose avait préparé un plat, accompagné de lait caillé. Cette fois là, c'était du lakh. Après le dîner, j'ai pensé à parler à quelqu'un de mes soucis. Je ne pouvais plus le garder pour moi. Le meilleur confident est le carnet que Raï m'avait remis à son arrivée. Durant presque toute la nuit, j'y ai écris mes malheurs, mes attentes, mes déceptions, mes moments de joie etc.
Je le fermais soigneusement à clé et le rangeais au fonds de mon armoire. Comme je ne priais pas, je profitais du temps que les autres le faisaient pour écrire. Je faisais tout pour que personne ne me voie à l'œuvre. Papa et tata Cathy sont rentrés dans la soirée, comme prévu. Aminata et moi n'étions pas tristes, la séparation était devenue notre quotidien, si nous devions en pleurer, il ne nous resterait plus de larmes.
Ma mère est passée nous voir aussi quelques jours avant l'ouverture des classes. Elle voulait nous remettre des fournitures, habits etc. Elle semblait épuisée et toute pâle. Mamie était aux petits soins avec elle. J'ai compris qu'elle était enceinte. Si sa grossesse lui rappelle ses devoirs de mère, bah tant mieux. Maman nous a fait savoir que sa sœur Khady, allait se marier avec un sénégalais rencontré au Maroc. J'étais contente pour elle. Je l'aimais beaucoup, c'est une battante. Elle n'attend rien de personne et a toujours voulu y arriver toute seule. Quand papa et maman se sont mariés, elle a accompagné sa sœur pour lui tenir compagnie. C'était une pratique courante à l'époque, j'ignore si elle est toujours d'actualité. Toujours est-il qu'elle a rejoint ma mère à Dakar, et papa s'est occupé d'elle comme si elle était sa propre sœur. Elle a arrêté ses études en seconde pour faire du commerce. Je me rappelle que papa lui avait fait un prêt mais elle avait tenu à le rembourser. Tata Khady était très gentille avec nous. Elle nous amenait à l'école et se disputait même avec maman, quand cette dernière nous frappait.
Maman a prié pour nous et m'a donné des conseils quand mamie lui a dit que j'avais vu mes règles.
Maman : Tu as grandi tellement vite. Regardes toi, tu es grande comme ton père. Tu es précoce ma fille, fais attention aux garçons. Ne caches rien à ta mamie. Même si quelqu'un te regarde de travers, dis le lui. Penses à tes études, c'est tout ce qu'on te demande.Moi : D'accord maman.
Maman: Tu es mon aînée et ma plus grande fierté. Tu es si belle. Que Dieu vous protège et vous facilite la vie.
J'avais envie de lui dire que son ainé s'appelle Moustapha. J'avais aussi du mal à croire que c'est elle qui parlait comme ça. Elle n'a jamais été aussi gentille avec moi, je ne comprenais pas. La grossesse avait sûrement de grandes vertus.
Il ne restait plus que quelques jours avant l'ouverture des classes. Je devais faire la 5e, Raï la 4e et Aminata devait passer le certificat. Nous étions tous inscrites dans la même école privée Catholique. J'avais un peu hâte que les cours commencent. Rose et mamie nous fatiguaient avec l'apprentissage de la cuisine. On s'en sortait bien mais j'avais parfois la paresse de cuisiner.Mamie aimait nous punir quand nous faisions des bêtises, en demandant à Rose et Awa de ne rien faire. Raï, Aminata et moi devions soit faire la cuisine, le ménage, la vaisselle ou aider à faire la lessive. Rose, ne nous laissait jamais seules dans la cuisine car nous n'étions pas encore des professionnelles. Lool. Le riz blanc et les sauces n'étaient pas compliqués, ce qui n'est pas le cas du thiébou dieune etc. Awa nous aidait aussi à faire le ménage quand mamie nous punissait.
La chose la plus drôle dans ces punitions, est qu'elle se sentait mal après et nous remettait de l'argent ou nous amadouait. Elle était juste magnifique. Durant l'année scolaire, elle nous accompagnait presque tous les jours à l'école, s'assurait que nous avions nos goûters qu'ils étaient suffisants, et nous souhaitait une bonne journée. Elle vaquait ensuite à ses occupations jusqu'à l'heure de la descente.
Mamie ne nous refusait rien, nous étions plus que gâtées et elle voulait qu'on soit les meilleures. Raï me disait toujours : hey Maguy, essayons d'avoir le maximum dans nos notes, comme ça mamie sera fière de nous.
Nous en parlions avec Aminata et décidions de nous surpasser car on ne pouvait vraiment pas remercier cette brave femme, de prendre le temps et toute son énergie pour élever trois folles comme nous. Elle le faisait sans rien attendre en retour, c'est avec elle que j'ai compris le sens de l'amour inconditionnel.
Mes parents m'aimaient sûrement, mais ils étaient tellement occupés à se déchirer, se disputer, se faire du mal, qu'ils ne prêtaient plus attention à nous. Papa a fait de son mieux, il est si doux et aimant. Il nous embrassait tout le temps et s'amusait avec nous, quand il était là bien sur. Maman aimait l'argent, ça j'en été sure. Elle avait eu un petit garçon. Elle a fait un petit toudou et nous a dit que ce n'était pas la peine que l'on vienne. Elle ne voulait sûrement pas que sa belle famille nous voie. Mamie Anta lui a donné son ndawtal la veille de la cérémonie. Ma mère est une femme un peu froide, les câlins, ce n'était juste pas son truc. Elle ne montre jamais ses émotions (larmes), à part les cris et injures envers mon père. Il m'arrivait, en repensant à leurs disputes, de me demander s'ils se sont une fois aimés. J'ai du mal à y croire en tout cas.
VOUS LISEZ
Chronique de Maguy : le bout du tunnel
Non-FictionC'est l'histoire de Ndeye Maguette, une jeune fille sénégalaise, dont les parents vont divorcer. Cette séparation sera la cause de tous ses malheurs et tourments.