Chapitre 54

32.9K 3.2K 26
                                    

Momar était prêt pour son voyage. J'étais trop excitée. J'ai pris le temps de faire des courses, de changer le décor de l'appartement, choisir des couleurs plus chaudes pour les rideaux et accessoires de la salle de bain, d'acheter des draps blancs en coton ( Suivant les conseils de Raï).  Le jour tant attendu arriva enfin. J'avais pris un taxi pour aller chercher mon mari à l'aéroport. J'étais tellement nerveuse que je n'arrêtais pas de trembler. J'avais certaines appréhensions, surtout au niveau des douanes. Je ne savais pas exactement ce qu'il avait dans ses bagages. Il pouvait facilement avoir des ennuis avec certaines denrées, les douaniers américains étant trop stricts. Heureusement que toutes mes inquiétudes n'étaient pas fondées. Je le voyais apparaître, tout souriant, toujours aussi grand et craquant. Les battements de mon coeur s'accéléraient toujours quand je le voyais. Il me faisait un effet dévastateur. Mes larmes coulaient tout doucement sur mes joues et j'alternais les rires et les pleurs quand il m'a prise dans ses bras. Je n'arrivais pas à croire qu'il était enfin avec moi, dans mes bras. Je l'ai embrassé tout doucement au début, puis avec toute la frénésie et la fougue dont j'étais capable. Nous avions faim l'un de l'autre. Cela faisait huit longs mois que nous étions séparés, huit mois d'abstinence et de nostalgie. J'avais besoin de ses caresses, de sa douceur, de son amour et de sa force. Il me complétait. Nous nous sommes dirigés vers la sortie, avons pris un taxi et sommes allés chez moi. J'avais hâte d'y être, pour revivre toutes les expériences excitantes dont lui seul avait le secret et de me sentir à nouveau comprise et aimée intimement. Arrivés à destination, il a appelé sa famille et la mienne, pour les avertir de son arrivée. Il a ensuite manifesté le désir de prendre une douche et de manger. Je lui indiquais la porte de la salle de bain et lui réchauffait du couscous (son plat préféré) que j'avais préparé à mon réveil. J'avais hâte de lui faire manger mes plats à nouveau. Mes tantes me demandent toujours de m'assurer qu'il y ait toujours de la bonne nourriture pour mon mari, et veiller à ce qu'il n'ait jamais faim. Après son bain, il a mangé avec beaucoup d'appétit et bu du jus d'ananas. Nous avons fait nos prières et avons rendu grâce à Allah, pour nos retrouvailles. Il commençait à faire un peu tard, et j'ai appelé Raï et Papis pour leur passer mon mari. La discussion n'avait pas vraiment durée car nous avions d'autres choses en tête. Mon mari m'avait fait l'amour avec une tendresse, une douceur touchantes. J'en ai pleuré d'émotion. Il ne pensait même pas à son plaisir, il voulait d'abord que je jouisse, que je m'ouvre à lui, me livrant à 100%. Cette générosité me touchait beaucoup. J'en apprenais beaucoup sur lui, il me surprenait chaque jour. Nous avons fait l'amour un certain nombre de fois cette nuit là, afin d'assouvir notre faim. Il en voulait toujours plus, mais voyant que j'étais fatiguée, il est allé prendre une douche froide et est revenu s'allonger à mes côtés. Nous avions eu du mal à trouver le sommeil aussi, nous avions tellement de choses à nous dire, à nous confier, à partager. J'avais l'impression de ne faire qu'un avec lui. J'étais heureuse.

Le lendemain, après avoir pris ma douche et préparé notre petit déjeuner, je vidais les valises de Momar. Il avait apporté plein de choses qui me manquaient comme le "maad", les jujubes fait au Mali, etc. Mamie Anta et ma tante Malaika lui avaient remis du poisson séché (Guedieu) et des crevettes séchées, des graines de néré etc, pour m'aider à lui préparer de bons plats. Sa maman m'avait aussi donné des habits traditionnels, des feuilles d'oseilles rouges et blanches, du pain de singe et du gingembre en poudre pour faire des jus naturels. J'étais vraiment gâtée. Tata Soda et Tata Lissa m'avaient aussi acheté beaucoup de condiments. Momar m'avait apporté des bracelets en or, fins et raffinés, qu'il avait achetés dans une bijouterie dakaroise. Je les adorais. Etant donné qu'il était arrivé un vendredi soir, nous avions donc tout le week-end pour rattraper le temps perdu. Donc à part les prières, nous ne faisions rien de sérieux. Nous nous amusions comme de petits enfants, nous poursuivant à travers l'appartement qui n'était pas trop spacieux. Les poursuites se terminaient toujours sur le lit, ou plutôt sous les draps. Il m'attrapait toujours et me jetait sur le lit, avant de monter sur moi. Nous étions insouciants. Je me sentais vraiment légère.

La réalité du lundi matin était vraiment rude. Je n'avais aucune envie d'aller au travail, ni d'aller assister à mon cours du soir, mais Momar était catégorique. Il m'avait même accompagné jusqu'au centre, afin de me motiver. Il avait pris des notes concernant les itinéraires pour se rendre dans divers endroits et retourner à l'appartement. Je me faisais du souci pour lui, mais il avait promis de m'appeler si jamais il se perdait. Il s'en était trop bien sorti et en une semaine, il connaissait des lieux dont j'ignorais jusqu'à l'existence. Nous vivions bien ensemble et nous entendions parfaitement. Comme tous les couples, il nous arrivait de nous disputer, mais ce n'était jamais bien grave et nous prenions le temps de tout régler avant de dormir. Je me sentais trop mal quand nous nous disputions, je ne le supportais juste pas. Momar devait passer un mois avec moi, puis retourner au Sénégal. Je me sentais mal à l'approche de sa date de retour et j'évitais aussi le sujet. Puis un jour, après mes cours, il a voulu avoir une discussion avec moi.

Momar : Bb, tu sais que mon séjour tire vers la fin. Je dois rentrer le 12.

Moi : (les larmes aux yeux) Ne m'en parle pas s'il te plaît. Peux t'on juste profiter du temps qui reste, sans parler de séparation?

Momar : C'est inévitable ma puce. Écoute, j'ai parlé avec Papis et Moctar ce matin. J'ai eu une longue conversation avec eux et j'aimerai aller à Washington, histoire de les rencontrer et surtout de changer d'air. Tu as aussi besoin de vacances. Qu'en dis-tu?

Moi : Honey, je suis à la fin de ma session. Il me reste des examens à faire. Je ne peux pas aller avec toi.

Momar : Je sais. Mais tu auras un petit break d'une semaine dans quelques jours, je voulais qu'on en profite pour y faire un tour. Mais si tu ne veux pas, je comprendrais aussi.

Moi : Comment puis je refuser d'aller voir ma famille ? As-tu oublié que j'ai un travail? Et une semaine n'est pas suffisante pour moi. Ils me manquent trop.

Momar : J'avais complètement zappé le boulot. Ecoute, j'ignore combien de temps je vais rester avec toi, mais ce qui est sur, c'est que je ne rentre pas le 12. Doyalouma si yow ( Je n'ai pas assez de ta compagnie.) Plus je te voie, moins j'ai envie de rentrer. C'est vraiment fou.

Moi : Je t'ai juste manquée. Ça te passera. Je suis contente que tu veuilles prolonger ton séjour babe.

Momar : Ça n'a rien à voir avec la nostalgie, j'ai tout le temps envie d'être avec toi. Je t'aime trop Maguy.

Moi : Hahaha.. Il ne faut dire ça à ta tante hein, elle pensera que je t'ai fait quelque chose.

Momar : Ne me parles pas d'elle!! Dis moi plutôt, que penses-tu d'aller voir Raïssa et sa famille?

Moi : C'est une bonne idée. Je vais juste en parler à mon supérieur au travail, pour pouvoir me libérer.  Je devrais avoir droit à un congé normalement. Elle n'a pas de problémes.

Momar : Ohh, c'est vrai. Tu es avec eux depuis un bon moment, ils te donneront ce break.

Moi : Si si, tu as raison mon amour. Bon, je dois rattraper mes prières. 

Je retenais ma joie. Momar voulait rester encore avec moi et c'était tant mieux. Mes tatas et cousines m'avaient donné beaucoup de conseils et d'astuces pour le rendre accro et dingue. Ce sont peut-être mes efforts qui donnaient ce fruit. J'étais enchantée en tout cas. Le congé m'avait été accordé très facilement et trois semaines plus tard, Momar et moi nous rendions à Washington. Papis était notre chauffeur et guide comme d'habitude. Je lui ai présenté Momar et ils avaient l'air de se connaitre depuis des années, à ma grande surprise. On n'aurait pas dit qu'ils venaient à peine de se rencontrer, bien qu'ayant eu à parler sur skype et au téléphone. Leur entente me réjouissait vraiment. Les autres membres de la famille étaient tous gentils et ouverts avec mon mari. Ils l'avaient accueilli non comme un étranger, mais comme un frère. Chaque couple voulait nous avoir chez lui, mais nous décidions de rester avec Papis et Raï. Momar passait presque tout son temps avec Moctar, puisque les autres allaient au travail dans la journée. Moctar avait sa petite compagnie d'import-export et travaillait avec beaucoup d'entreprises. Il avait aménagé le sous sol de sa maison en bureaux. Momar s'entendait bien avec Karim et les autres hommes aussi. Ils l'associaient dans toutes leurs escapades entre hommes. Je passais mes journées avec mes petits bébés et tata Amina. Il y'avait aussi la petite Rachida et bb Kader. Ils étaient tous si mignons. Karim était un papa poule, il voulait voir sa fille à chaque pause et m'appelait sur skype tout le temps. C'était très touchant. Il était très gentil et respectueux. Je l'aimais beaucoup, j'ai compris pourquoi il était le meilleur ami de Papis, ils se complétaient. Papis était impulsif et lui était plus calme. Raïssa, Ramata, Assy, Alima et Karine nous retrouvaient après le travail et nous passions d'agréables moments. Momar se sentait vraiment bien à Washington. D'où sa tristesse lors de notre retour à Connecticut.

Je reprenais mes activités et mon mari continuait à profiter de ses vacances. Tonton Hussein nous avait conseillé de faire une demande de résidence permanente pour Momar. Avec son visa K3, il avait la possibilité de travailler légalement en attendant d'obtenir sa green card. La procédure ne devait pas prendre de temps car il faisait partie de ma famille proche. Je ne savais pas quoi faire car avoir la green card et vivre au Sénégal était insensé. Mon mari avait tout au Sénégal. Je ne savais pas ce qu'il avait en tête, mais il m'a donné son feu vert pour commencer la procédure. Je ne savais que penser. Ses parents attendaient son retour avec impatience et ne comprenaient pas pourquoi il n'arrêtait pas de repousser les dates. En effet, cela faisait presque quatre mois qu'il était avec moi, alors qu'il devait juste passer un mois à Connecticut. Je ne me plaignais pas, mais je m'inquiétais pour sa carrière et son avenir. Il me disait qu'il était en train de voir des options avec Moctar et que tout allait bien se passer. Ayant obtenu sa green card, Momar avait prévu de retourner à Dakar. J'étais triste mais je le cachais de mon mieux. J'avais promis d'aller le voir à mes prochaines vacances.

Après son retour, Momar me disait tout le temps qu'il ne supportait pas la vie loin de moi. Il vivait mal notre deuxième séparation. C'était pire de mon côté. Je dormais avec ses t-shirts imbibés de son parfum si viril, et ça me soulageait un peu. J'allais vraiment mal. J'avais du mal à me ressaisir, pleurant beaucoup et j'étais tellement frustrée que je refusais de lui parler, et ignorait ses appels parfois. Entendre sa voix, le sachant si loin et inaccessible était juste insupportable. Je n'en pouvais plus.

Je recevais un jour un appel de sa tante Diatou me demandant des comptes. Donc après les salamalecs, elle entrait dans le vif du sujet.

Diatou : Mane deh, dama beugone niu wakhtane. Diabar mom, dafa wara nekkeu si wettou dieukeureum. Wayer tokkeu fofou rek, nekkeu di loula nekh, rafetoul. Momar dafla sokhla si keur gui. Do diema gnibissi rek? (Je voulais que l'on discute. Une femme doit être aux côtés de son mari. Momar a besoin de toi. Ne penses-tu pas que tu devrais rentrer? )

Moi : Situation bi si nioune niar yeupeu la metti. Mais Yallah bakhna. Dina deff li gueneu. Pour gnibissibi mom, meuneu gumako, parehguma diangueu. (La situation est pénible pour nous deux. Mais Dieu est grand. Il fera ce qu'il ya de mieux pour nous. Pour ce qui est de rentrer, je ne peux pas le faire maintenant, je n'ai pas terminé mes études.)

Diatou : Sa diangeu mola gueneul sa sey? Setal li rek!! Lolou sakh nga waner! Momar defnafa lu matt nienti weer teh eumbo sakh. Mane bama toler ni yow, fekkeu na ma diour niari doom. Bayilene dieul pilules yi, dafay yakkeu sene uterus yi, yow meusso am doom kagne, di dogga seuy, loy planning? (Tu préfères tes études à ton mariage donc. C'est ce que tu as montré d'ailleurs!! Momar a passé presque 4 mois avec toi et tu n'es même pas enceinte. J'avais déjà deux enfants à ton âge. Arrêtez de prendre des pilules, ils ne font que gâter vos utérus. Pourquoi prends-tu des contraceptifs, alors que tu n'as jamais eu d'enfant, et en début de mariage?)

J'étais sidérée. Elle venait de faire ressurgir mes pires craintes. J'étais sous le choc.

Diatou : Annhh!?? Doom dafa nekh si goor. Momar lolou moko manquer, ak topoto. Am diabar, célibataire yeup raww ko. Lolou rafetoul. Dindil sa yi nga deff teh diema eumbeu. Sama Momar deh, niakeu doom ak topoto rek moko diekhlo. (Avoir un enfant est un accomplissement pour un homme. C'est ce qui manque à Momar, en plus de quelqu'un pour s'occuper de lui. Les célibataires sont plus heureux que lui. Ce n'est pas bien. Arrêtes de prendre des contraceptifs et essaie de tomber enceinte. Le manque d'attention et d'enfants ont fait maigrir mon Momar.)

Moi : Sama amm domm, sa yone nekoussi. Mane ak Momar la concerné. Luma meuneti deff, ak dieul, bouko lidieunti!!! Amnga lula doy mboubou ak toubay, lidieuntil sa dieukeur diodiou di weur Claudel ak founeh rek, di eumbeulater, melni ku amul diabar. Buma takha wakh nak!!! Guenal samay affaires ak sama seuy!! (Occupes toi de tes affaires!! Ma grossesse ne concerne que Momar et moi. Ne t'occupe pas de ce que je fais ou prends. Occupes toi plutôt de ton mari, qui traines toujours à Claudel et un peu partout, et engrosse des minettes, comme un célibataire. )

Je lui raccrochais la ligne au nez. Une quinzaine de minutes plus tard, Momar m'appelait.

Momar: Ma tante dit que tu l'as insulté ainsi que son mari. Est ce vrai?

Moi : Je ne suis pas ta pute. Ne me parles pas comme à une moins que rien. Soit tu me dis bonjour et parles correctement, soit tu raccroches.

Momar : (respirant bruyamment) Comment vas tu Maguy? Ça te va comme ça?

Moi : Ça va!

Momar : Qu'est ce qui s'est passé Maguy?

Moi : Elle m'a appelée pour me dire que tu n'es pas heureux, que tu as maigri, que tu es malheureux car je ne t'ai pas donné d'enfants et d'attention.

Momar : Quoi? Comment peut-elle dire ça?

Moi : Je lui ai demandé de s'occuper de ses affaires et de son mari volage, au lieu de se focaliser sur les contraceptifs qu'elle m'accuse de prendre, ou du fait que je ne sois pas tombée enceinte durant ton séjour.

Momar : Pourquoi ne m'a t-elle pas dit tout ça?

Moi : C'est juste une manipulatrice. Elle m'a demandé de rentrer et d'arrêter mes études car tu es plus important qu'elles et que j'étais une mauvaise femme. Tu sais très bien que je ne l'aurais jamais attaquée si elle ne m'avait pas provoquée. Je t'avais dit que je ne me laisserais plus faire. Son mari ne fait qu'engrosser et fricoter avec des jeunes filles et elle trouve le temps de s'occuper de mon ménage. Elle n'est pas blanche comme neige non plus, et par respect pour toi, je n'entrerai pas dans ces détails. Mais demandes lui de m'éviter. Je vais appeler ma mamie pour l'avertir.

Momar : Non, n'en parles pas à Mame Anta. Je me sentirais mal. Je vais parler à ma tante. Elle ne t'importunera plus.

Moi : Elle à intérêt. Je te laisse, j'ai à faire.

Je lui raccrochais la ligne au nez.

Chronique de Maguy : le bout du tunnelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant