Chapitre 1

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Dimanche 12 septembre 2010.

L'ascenseur s'immobilise, les portes s'ouvrent, et me voilà au dernier étage du 1136, Cinquième Avenue, à la réception organisée par les richissimes Grayson, des amis de mes parents, pour leur vingtième anniversaire de mariage. C'est dans ce genre d'événements que l'on trouve la crème de la crème de l'élite new-yorkaise : écrivains, hommes politiques, mannequins, PDG de grandes firmes multinationales, basketteurs, et j'en passe. C'est aussi dans ce genre de soirées que les gens de mon espèce se font le plus chier.

— Tu étais vraiment obligée de mettre ces immondices ? me chuchote ma mère, exaspérée, tout en tendant sa veste au personnel chargé des vestiaires.

J'abaisse le regard vers mes bottines en cuir noir :

— Ce sont des Dr. Martens, pas des immondices.

— Laisse-la, Bella, me défend mon père. Tiens, regarde, il y a ta meilleure amie Victoria...

— Oh non, pas elle ! gémit sa femme.

Je profite de la diversion créée par l'avocat pour m'échapper. Je me fraye un chemin parmi les invités, les diamants et la soie jusqu'au bar. Je louche sur l'une des innombrables coupes de champagne, hésite un instant à me servir, puis me décide finalement, quand un bras m'arrête en plein mouvement.

— N'y songe même pas. Ce n'est pas de ton âge.

Absolument éberluée, je me tourne vers mon interlocuteur.

Le beau, le grand, l'immense, le tristement célèbre.

Mon cœur loupe un battement.

— Je te demande pardon ?

— Les filles comme toi ne boivent pas de champagne.

Il fait courir ses doigts le long de ma main jusqu'à parvenir à la flûte qu'il me vole et renverse dans sa bouche. Je tressaille à son contact, sans pour autant me défaire de mon ahurissement :

— Parce que les mecs comme toi boivent du champagne, peut-être ?

Et je m'empare d'une autre coupe que je bois d'une traite, sans ciller. Mon acte de rébellion lui arrache un sourire.

— Nous nous sommes déjà vus, n'est-ce pas ?

Il y a une semaine, le jour de la rentrée, nous nous sommes fixés l'un l'autre l'espace d'une bonne minute. Sans nous parler cependant. Tant mieux s'il n'en a pas souvenir.

— Qu'est-ce qu'un... mec de ton espèce fout ici ?

— Tu es bien grossière pour une jolie fille des beaux quartiers, minaude-t-il, l'air taquin. J'ai été invité par ma meuf, dont les parents ont été invités par des invités du proprio.

— Ta meuf ?

— La grande blonde, là-bas.

Il la désigne du menton, au milieu d'un groupe de filles aux boucles irréprochables – aussi fausses que leurs dents bien blanches. Je manque en lâcher le récipient de cristal.

Evidemment. Cela ne m'étonne même pas.

— Meredith Gould ?

— Un truc du genre, confirme-t-il avec négligence. Comment tu t'appelles ?

— Ça te regarde ?

Il ne parait pas le moins du monde décontenancé par ma réplique cinglante :

— J'aime seulement savoir à qui je m'adresse. Moi, c'est...

— Je sais qui tu es, Jason Bright.

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