Chapitre 3

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Lundi 13 septembre 2010, 11h50

— Je peux m'assoir ?

Je relève lentement la tête vers le grand garçon tout en longueur, surmonté par une impressionnante tignasse aux boucles blondes, qui vient de m'interrompre dans mon repas. Ses lunettes, à l'armature noire et épaisse, sûrement des Ray-Ban, lui donnent un air de premier de la classe. Ses mains, agrippées à son plateau, tremblent avec fureur. Il semble désespéré. Par pitié, je hoche la tête.

Un soupir de soulagement lui échappe alors qu'il prend place en face de moi.

— Je suis Edouard. Edouard Dunant. Mais tu peux m'appeler Ed. C'est à la fois mes initiales et le début de mon prénom. Comment tu t'appelles ? Tu es nouvelle ? Tu as quel âge ? Tu habites à côté d'ici ? demande-t-il à toute allure avant de commencer à nerveusement enfouir sa salade dans sa bouche.

Un petit nouveau, terrifié à l'idée de se retrouver seul, qui croit pouvoir faire de moi son amie... Il risque de bien vite déchanter.

— Calme-toi, ça va aller. Tu vas très vite te faire des amis, comme tout le monde, et tu n'auras plus jamais besoin de moi.

— Excuse-moi, je suis un peu nerveux. Je... je donne l'impression d'avoir besoin de toi ?

— Tu donnes l'impression d'avoir besoin de quelqu'un, mais pas vraiment de quelqu'un comme moi. Mieux vaut être seul que mal accompagné, si tu vois ce que je veux dire.

Il ouvre de grands yeux apeurés :

— Tu veux que je m'en aille ?

— Non, non, reste, c'est juste un proverbe que j'aime bien, enfin, que je trouve plutôt véridique.

— Ah, d'accord, j'ai eu peur. Je suis mort de trouille, en fait, m'avoue-t-il.

— Déstresse un peu. Respire, ça se passera très bien si tu gardes ton calme.

— Comment tu fais ?

— J'ai des années d'entraînement. Je m'appelle Elena. Elena Wilson. Tu peux m'appeler El'. Tu es en Seconde ?

— Enchanté, El' ! Oui. Je viens d'arriver à New York.

Cela explique son léger accent.

— Tu viens d'où ?

— De Paris, en France.

Un petit français...

— Oh, encore plus loin que ce que je pensais, ça doit être dépaysant. Tu te débrouilles vachement bien en anglais, je tente de le complimenter.

— C'est vrai ? Merci ! Je suis habitué à voyager, c'est pour ça.

— Eh bien, je te souhaite la bienvenue à Manhattan.

— Merci beaucoup ! Vous êtes tellement accueillants, vous, les américains !

— Détrompe-toi..., je grince entre mes dents.

— Non, c'est vrai, je le pense ! se défend-il. Tu es déjà allée en France ?

— Oui, j'y étais cet été. À Paris. J'ai beaucoup aimé. Je parle un peu français, d'ailleurs.

— Oh, c'est vrai ? Génial ! Montre-moi !

Je refuse d'abord par timidité, mais il insiste avec tant de gentillesse que je finis par céder à sa requête :

— Bonjour, je m'appelle Elena Wilson. J'ai... quinze ans. J'habite à New York et je suis américaine. Tu as compris quelque chose ?

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