Chapitre 10

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Vendredi 3 décembre 2010

(Vals n.2 – Dimitri Chostakovitch)

Je tends mon manteau au portier avant de pénétrer dans l'immense salle de bal en compagnie de ma sœur et de mes parents. Je m'émerveille un instant devant les dorures, les miroirs, les lustres et les peintures dignes de la Galerie des Glaces du Château de Versailles – que j'ai visité l'été dernier.

Je manque soudain l'arrêt cardiaque à la vue d'un Jason Bright en smoking noir posté près du buffet. Que fait-il en costume dans un gala de charité de Noël ?

C'est alors qu'il pose son regard sur moi, esquisse un sourire en coin et me salue brièvement de la main. J'ouvre de grands yeux, panique et recule avec maladresse, à la recherche d'une bonne cachette.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ? me surprend une voix masculine quelques minutes plus tard.

Je sursaute, puis me retourne. Jason. Mince, alors ! Moi qui voulais ne parler à personne... et surtout pas à lui...

— Je te retourne la question.

— Mystère, sourit-il malicieusement.

— Comment es-tu entré ?

— En affichant mon plus beau sourire. Ça marche dans la plupart des cas.

— Le billet d'entrée coûte deux mille dollars, tu ne peux pas juste venir, sourire et entrer, c'est impossible.

— Moi je peux.

Je lève les yeux au ciel. Je n'y crois pas une seconde. Pour son bien, je décide de l'avertir :

— Tu sais que tu risques de t'ennuyer ? Ce n'est pas le genre de soirées dont tu dois avoir l'habitude...

— Je ne m'ennuie jamais, rétorque-t-il. Ou presque. Et, détrompe-toi, je vais souvent dans ce genre de soirées. Pour affaires. Tu es très belle, au passage.

Je ne prends même pas garde à son pseudo compliment, bien trop offusquée par le fait qu'il vienne vendre ses drogues au beau milieu d'un gala de charité, ou plutôt, que les participants à cet événement lui en achètent.

— Tu oses faire ça ici ? Ce soir ?

— Tout à fait. Si tu veux bien m'excuser, mes clients m'attendent.

Il m'adresse un clin d'œil avant de s'éloigner entre les tables. Je l'observe un instant parler, rire et sourire à une dame blonde d'une quarantaine d'années, lui baiser la main, puis l'entraîner à l'extérieur de la salle avec un air de parfait gentleman. Quel bon acteur... Il n'a vraiment aucun scrupule.

Je secoue la tête, refusant d'y croire totalement, puis je vais reprendre place à ma table, aux côtés de ma sœur. Je cherche mes parents des yeux : ma mère semble en grande discussion avec un homme âgé tandis que mon père demeure introuvable.

— C'était qui, le garçon avec qui tu parlais ? me demande Lisa. Je crois l'avoir déjà vu.

— Un mec de mon lycée. Jason Bright.

— QUOI ? OH MON DIEU, ELENA ! hurle-t-elle. Il t'a fait un autographe ? Tu crois que je peux lui en demander un ?

— Mais tu es complètement malade, ce n'est pas une star ! Et parle moins fort !

— Qu'est-ce qu'il t'a dit ? Tu le connais ? Oh mon Dieu ! Je n'en reviens pas !

— Tu veux sortir avec ? Je te le déconseille... Ce n'est pas quelqu'un de fréquentable.

— Tu te prends pour maman ? Je veux juste lui parler, se défend-elle. Tu peux me présenter à lui ? S'il te plaît, Elena chérie d'amour !

Je lève les yeux au ciel, dépassée par la stupidité de ma sœur, avant de céder à sa requête. Qu'il lui brise le cœur, si c'est ce qu'elle souhaite. Je me dirige vers le buffet où se trouve à présent Jason. Je me place discrètement à ses côtés pour remplir mon assiette, de façon à ce que personne ne puisse soupçonner notre échange.

— Ma sœur veut un autographe. C'est la blonde assise à la même table que moi.

Il se tourne pour jeter un coup d'œil à l'endroit désigné.

— La ressemblance physique n'est pas flagrante..., constate-t-il.

En effet, elle est blonde et moi brune. Seuls nos yeux, verts d'eau, permettent d'effectuer le rapprochement. Et encore, Lisa ressemble étonnamment à notre mère, tandis que j'ai beaucoup plus hérité de mon père et de son côté brun.

— Je sais. On nous le dit souvent.

— Demain soir, patinoire ? propose Jason d'un air détaché.

Ma main reste figée en l'air - avec la cuillère remplie de salade.

— Laquelle ?

— Central Park.

— Il y en a deux.

— Celle qui est tout au sud.

— Quelle heure ?

— Je viendrais te chercher vers 19 heures. Ou après manger, si tu préfères.

— 19 heures, ça ira. Tu sais où j'habite ?

— Je trouverai, affirme-t-il avec assurance.

Je pivote pour quitter le buffet et rejoindre ma table. Pourquoi diable ai-je accepté l'offre de Jason ?

— Va le voir. Tu auras ton autographe, j'annonce à cette peste de Lisa.



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Laissez moi des ptits comm ça fait plaiz !

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