Chapitre 4

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Parfois, on le voit débarquer dans la salle de classe, son petit skateboard rouge pendu au bout de sa main gauche, l'autre posée sur la bretelle de son sac à dos scotché à son épaule, par-dessus son indémodable veste en cuir

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Parfois, on le voit débarquer dans la salle de classe, son petit skateboard rouge pendu au bout de sa main gauche, l'autre posée sur la bretelle de son sac à dos scotché à son épaule, par-dessus son indémodable veste en cuir. Sur ses lèvres, son éternel petit sourire du mec qui sait ce qu'il fait, qui sait qui il est et quel pouvoir il possède sur les autres.

Cela arrive peut-être trois ou quatre fois dans la semaine, sur les huit heures de maths et d'anglais que nous avons en commun. Il assiste d'ailleurs rarement à une journée de cours en entier. Je suppose qu'il a mieux à faire que de passer sa vie au lycée.

Quand il daigne montrer son nez, il s'assoit généralement le plus loin possible du professeur. Seul. Pour dormir la moitié du cours.

Je crois qu'il n'aime pas les maths, ou qu'il n'y comprend rien, ou que ça ne l'intéresse tout simplement pas. L'anglais, par contre, cela semble le passionner. Il est toujours le premier à lever la main, à émettre son opinion, à citer des livres et des auteurs inconnus à la plupart des mécréants de ce cours, et ses efforts sont en général couronnés par d'excellentes notes.

En cela nous sommes opposés : quand il obtient la meilleure note en dissertation, je récolte l'une des pires, et c'est exactement l'inverse pour les maths.

Parfois, nos regards se croisent. Ses prunelles plus sombres que le néant plongent dans les miennes pour me défier silencieusement de le regarder plus longtemps. C'est alors comme un début d'incendie, cela brûle, et je suis forcée d'abaisser la vue. Ce sont les seuls contacts que nous avons eu depuis notre dernière discussion. Il n'a pas eu l'audace de me reparler, et j'espère qu'il ne le fera jamais.

Comme je l'avais pressenti, Edouard et moi sommes devenus amis. Au tout début extrêmement nerveux, il ne me lâchait que pour les cours que nous n'avions pas en commun – c'est-à-dire tous sauf l'histoire et le français. Puis il a pris ses marques dans la Grande Pomme, et s'est révélé au grand jour : un garçon sympathique et sociable, avec beaucoup d'humour, très bavard et au parler franc, voire même vulgaire. Cela lui a permis de faire plein de rencontres, et de se constituer un groupe de connaissances, voire d'amis.

C'est d'ailleurs avec les amis d'Edouard que je passe la plupart de mon temps libre, au cinéma, au restaurant, à Central Park ou bien dans nos maisons respectives.

Mes notes, quoique très contrastées, sont correctes ; elles seraient meilleures si j'avais la force et l'envie de travailler, mais ce n'est pas le cas. Je n'ai pas le désir de devenir aussi studieuse et insupportable que ma sœur. Je n'irai pas à Yale, je ne serai jamais une grande avocate. Je ne deviendrai jamais la fierté de mes parents. C'est ainsi.

— Tu es invitée à la soirée de Lola Marbles pour Halloween, m'annonce Edouard, un jour que nous sommes à la cantine.

— C'est une question ?

— Une affirmation.

— Je la connais ?

— Aucune idée. Elle m'a donné ton invitation tout à l'heure.

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