Manque

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Je me suis réveillée en sursaut, à quatre heures du matin, l'écho de ton rire dans les oreilles, le goût salé des larmes sur les joues. J'avais ton sourire qui dansait dans mon esprit, me narguait, me torturait, les mains qui tremblaient, le cœur retourné. Ça me déchirait de l'intérieur.

C'est à quatre heure du matin, dans la nuit noire et froide, dans le calme de la ville assoupie, que j'ai éclaté en sanglots. Je crachais ton nom entre deux respirations saccadées, entre les larmes qui secouaient ma poitrine, j'avais le son de ta voix qui m'assaillait, tes yeux vifs qui me brûlaient le cœur, et je suffoquais sous tous ses souvenirs qui affluaient. Tout était embrouillé.

Les yeux embués, le souffle court, j'ai laissé les sanglots m'étouffer, les gémissements se perdre dans les draps froids. Violemment, le manque s'était insinué en moi, s'était logé entre mes côtes, avait pénétré mes pores et envahi mes larmes, douleur insoutenable qui me déchirait la poitrine ; soif de toi, de ta présence. Ton absence m'apparaissait comme pour la première fois, claque brutale, douche froide sous un bain de soleil, prise de conscience péremptoire que tu m'avais été enlevé. Comme un trou que j'avais dans la poitrine, une plaie béante qui me brûlait jusqu'au plus profond de mes entrailles, le vide se muait en calvaire, cruellement, salement.

Tes intonations accaparaient mon être, tes paroles coulaient dans mes veines comme une ancienne drogue à laquelle je n'arrivais à échapper, et les bras ballants, goût de bile sur la langue, je me suis abandonnée à ton souvenir.

Tes traits m'apparaissaient flous, ma mémoire était faussée, et plus je tentais d'emprisonner les débris du passé, plus la douleur était immense. J'étais terrorisée à l'idée que tu te fanes, que plus jamais je ne puisse t'entendre distinctement, plus jamais je ne puisse me remémorer tes éclats de voix, la lueur qui animait tes pupilles joyeuses. Je voulais à la fois saisir chaque fragments et les enfermer en moi à jamais, et rejeter ton souvenir pour ne plus avoir à supporter cette douleur omniprésente à chaque moment, chaque seconde, chaque instant ; à chaque nouvelle inspiration, tu me hantais un peu plus.

Ce manque, il suintait la souffrance et l'insécurité, il me rendait démunie, faible ; j'étais seule face à autant de douleur que jamais je ne pourrais supporter, et ça me terrifiait. Tout mon être te réclamait, dans une délirante attente, dans une détestable tristesse, mon corps se crispait sous ton rire fugitif qui cavalait dans mon esprit, recroquevillé et affaibli, tel le sarcophage qui refermerait les plus beaux des souvenirs et le plus révulsant des supplices.

À quatre heures du matin, le manque me détenait et m'anéantissait, il m'asphyxiait, j'agonisais. Ce n'était pas une simple mélancolie, c'était un manque viscéral, sauvage, intense, un manque qui me bouffait vivante, agressif et cassant, un manque qui me submergeait ; étreinte fatale et amère dont je ne pouvais m'échapper. Mes cris plaintifs lacéraient la nuit comme la douleur languissante le faisait de mon coeur, et de ces entailles s'échappaient gouttes amères aux relents de souffrance, affreux désespoir larmoyant. Je n'étais plus que gémissements.

J'étais le pantin désarticulé de la nostalgie douloureuse, j'étais l'enfant tétanisé face aux assauts des souvenirs.

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Celui-ci est un vieux texte que je viens de retrouver, j'espère qu'il vous plaît...

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