-Mademoiselle Saya, vous êtes appelée à la barre.
Je me lève, les jambes un peu tremblantes et je réajuste ma jupe crayon ainsi que ma veste blazer, cette dernière étant parfaitement accordée à mes talons. J'ai écouté Madame Matthew, mon avocate. C'est ce que "tout le monde met", ici. Quoi de mieux que le cliché ? Je ne réalise pas, je crois, et j'avance d'un pas lent jusqu'au siège que la juge me désigne.
D'après l'avocate, le fait qu'elle soit une femme joue en ma faveur. Ca ne m'a pas vraiment rassuré, "parce qu'elle est une femme"?
C'est comme si, si le juge avait été un homme ça aurait été moins bien consideré, comme si du point de vue de l'homme cela était moins anormal.
Je m'assois sur le siège et je regarde mes mains. Je n'arrive pas à réaliser que j'y suis, enfin. Ma liberté est proche. Mon avocate se lève, d'un pas confiant et me sourit. Elle commence à parler.. A raconter ma pauvre et triste vie. Mais je veux l'arrêter, elle n'en parle pas bien, elle ne met pas assez de conviction. Après tout, me direz vous, c'est un avocat commis d'office. Mon petit salaire de femme de ménage ne me permettait pas le haut de gamme. C'est ça "l'égalité".
Néanmoins elle parle, elle raconte et elle me demande de confirmer ses dires. Je me contente d'hocher la tête, jusqu'au moment où la juge s'adresse à moi.
-Mademoiselle Saya, depuis combien de temps êtes vous mariée à monsieur Ader ici présent ?
A l'entente de son nom, je me crispe. J'ai l'impression d'étouffer et mon coeur commence à tambouriner, quémandant ainsi la sortie de ma cage thoracique. Cela fait maintenant plusieurs jours que j'ai demandé à tout le monde de ne pas prononcer son prénom ou son nom. Ironique n'est ce pas ? Sachant qu'il est aujourd'hui celui que je traine en justice. Pourtant ça n'était pas ce que je voulais.. Je l'aimais tellement. Je l'aime, tellement.
Elle me pose ensuite d'autres questions.
Des questions auxquelles il me semble aujourd'hui plus facile de répondre qu'il y'a une vingtaine de jours. Et elle me pose ensuite l'affreuse question, celle qui fait remonter les larmes, celle qui me fait monter une boule dans la gorge, celle qui me donne envie de crier.
-Mademoiselle Saya, pouvez vous nous raconter ce qu'il s'est passé dans la nuit du treize mai dernier ? Dites nous tout et ne négligez aucun détail je vous prie. J'ose enfin lever les yeux, ceux-ci étaient rivés sur mes doigts, mes pauvres doigts oui.
Ils tremblent de peur, mes ongles sont rongés par le stress, je n'ai jamais semblé aussi blanche de toute ma vie.
Seulement quand mon regard se dresse, je ne me contrôle pas et analyse pour la première fois l'ensemble de la salle. Et je croise son regard. "Monsieur Ader".
Il est là, assis, les mains menotées et il me regarde, moi. Mais ça n'est plus ce regard sombre, haineux et argneux, c'est un regard maintenant faible, innocent et triste. Et puis stop. J'ai envie de crier, de demander au juge, aux avocats, aux jurés, au greffier, aux spectateurs et aux policiers de tout arrêter. J'ai envie de leur dire que je me suis trompée, c'est moi le monstre, c'est moi qui ai menti. Moi. Je n'aurai pas dû. J'ai envie de le sauver, de retrouver mon ancienne vie, de retrouver nos premiers jours, nos premiers moments de bonheur et d'amour. Je veux qu'il me prenne à nouveau dans ses bras et qu'une fois encore, il me susurre de doux mots à l'oreille. Tout comme avant.
Je sais qu'il le peut, regardez le ! Il n'est pas mauvais, il a changé.
C'est bon, il a réalisé maintenant.
J'ai du tout inventer, tout imaginer. Tout est de ma faute, c'est juste moi qui n'ai pas été à la hauteur, c'est moi qui n'ai pas fait resortir le meilleur de lui même. C'est moi.. moi.. moi qui suis coupable. J'ai merité tout ce qu'il m'est arrivé. J'ai été une mauvaise femme, tout simplement, il me l'a dit lui même.
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Dans les étoiles (le june coffee)
Nouvelles[ Terminés : 6 courtes histoires ] Recueil de one-shot : Courtes histoire abordant un thème ou tout simplement une petite histoire. N1: Ella Wayne vient tous les jours après les cours au June Coffee. Depuis le coin de la boutique, elle s'assoit pour...