L'encre à l'âme erre. Du bout de la plume, dégoulinent mille éclats d'un esprit perdu, torturé – ou bien exalté ? La confusion brouille les mots, elle enfonce des ratures sur le papier et va parfois jusqu'à écraser la page blanche sur le bourbier d'un être en pleine agitation. Mais où est l'inspiration ? Où sont les étoiles incrustées dans les mots, où est le diamant qui plonge dans le cœur de ces gens ? Ils ont disparu au même moment où la réflexion a fait place ; cette dure femme a éclaté en un millier de morceaux la pureté des phrases délicieuses pour ensuite embrasser les catins de la littérature. Nous avons tous été infidèles à la création, nous avons tous couché avec la réflexion ; trompé l'origine de nos maux – l'origine de nos mots.
Il n'a longtemps subsisté qu'un murmure. L'écho oublié de ce qui nous avait emmené ici : face à la page vierge et aux lettres perdues. Ce n'était plus qu'une soupe amer de signifiants qu'on lançait à tout va, les signifiés étaient morts. Notre cœur avait creusé leurs tombes, à elles toutes, elles pesaient 21grammes.
Puis c'est devenu un cri. La profondeur, le vrai, les tremblements au fond de la gorge et les paroles écorchées refont surface jusqu'à brûler les lèvres et noyer la langue dans une logorrhée interminable. Tout coule en un flot et tout prend un sens ; un sens non pas réfléchi, un sens non pas logique, mais un sens vécu. Un sens qui sera peut-être imperceptible pour d'autres. Un sens qui ne sera qu'à nous, qu'à celui qui aura décidé de poser un tel mot sur une si simple chose. Et pourtant c'est dans cette complexité si simple, dans ce vécu qui aura été fait au travers d'une mort, dans ce paradoxe qui se mord la queue ; que l'on se retrouve complètement. L'homme reprend place, l'être est reposé. Il a jeté l'encre à la mer.
Tout cet encre. N'est plus si amer.
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