Chapitre 2

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 Je le regardais. Profondément. Ce spécimen étrange. Il m'attirait. M'intriguait. Ce spécimen irréel. Grand, beau et parfaitement musclé. Il avait un visage fin, soigneusement taillé. De grands yeux verts et une fine bouche déposée délicatement sur sa peau douce et bronzée. Ses cheveux coupés courts, raides et fluides. Ses sourcils naturellement bien dessinés. Sa musculature comme sculptée par des doigts de fée, tout en détail et en raffinement. Il était tout bonnement parfait. Trop parfait. Tellement parfait qu'il tirait du rêve. Il était physiquement l'homme idéal. Mais Dieu seul sait qu'il n'existe pas. Cet homme parfait dont toutes les créatures féminines rêvent. Cette apogée fixé dans le regard de tous. L'excellence est relative ! Et même si j'avais sûrement au fond de moi l'envie de le connaître, je ne savais que trop bien qu'il n'était pas réel. Réel au sens propre. Ce n'était qu'une de mes illusions redondantes. Rien de plus. Rien de moins. Vous auriez peut-être cru qu'il serait le bad boy de l'histoire. L'élément déclencheur. Et bien non. Ma vie se résume à des problèmes moins intéressants. Plutôt de l'ordre de l'imaginaire. Je tentais tout de même de l'approcher mais plus j'avançais, plus il s'effaçait. Le toucher était une faveur que je ne semblais pas valoir. C'était trop demander à la nature. Si seulement je pouvais réaliser l'irréel. Laisser partir en poussière certains et donner vie à d'autres. Mais je n'ai rien offert au monde pour recevoir. Les seuls exploits, si on pouvait les qualifier ainsi, que j'avais accomplis, se résumaient à fumer du shiite, (cela n'est arrivé qu'une seule fois, je ne suis pas droguée !) dans les toilettes du bahut sans déclencher l'alarme incendie. Ce qui je vous l'avoue demande une grande technique et expérience. Mais ces actes de rebelles ne pouvaient mériter qu'une bonne dizaine d'heure de colle un samedi matin pendant un mois. Et oui, j'arrive même à déterminer la punition requise et adéquate pour la bêtise effectuée. Enfin bon, il faudrait peut-être que je pense à mes cours moi !

Je me précipitai pour rattraper mon bus afin de ne pas être trop en retard. Mais quelque chose me chiffonnait. L'étrange impression d'avoir oublié une chose primordiale. Je refis le compte de ce que je devais avoir : chaussures, vêtements, casquette, reste de croissant, téléphone portable, ticket de transport... Mais... Mais oui ! MON SAC ! J'avais oublié mon sac de cours ! Une boule se forma en plein milieu de mon estomac. Ma mère qui me surveillait avait dû se rendre compte de mon oubli monumental. Je regardai mon téléphone : 5 appels manqués et 11 messages !  Pour une fois j'étais d'accord avec le fait que ma mère trouvait mes rêvasseries trop encombrantes. Je le lui accorde. Elle a cette fois-ci une bonne raison de me disputer. Mais le pire n'était pas arrivé. J'étais dans mon bus, presque à destination. Et à quelques minutes de la sonnerie de rentrée des classes. Je n'avais donc pas le temps de retourner chez moi chercher mes affaires. Et bien sûr, ma mère ne laissera pas échapper une telle occasion de taper une incruste digne de ce nom. J'étais donc condamnée à devoir supporter son regard de "maman cool et super sympa" et son air de "mais pourquoi es-tu si méchante...?" qu'elle prenait systématiquement en présence d'autres personnes qu'elle, moi et mon père. Elle ne pouvait jouer la comédie devant lui. Il la connaissait trop pour qu'elle puisse le manipuler comme elle le faisait avec les autres. Ma mère est considérée, pour ma part, comme étant une des rares personnes insupportables, cruelles et mignonnes à la fois. Vous penserez sans doute que j'exagère. Même si je ne mâchais pas mes mots, elle me le rendait bien. Peut-être avez-vous déjà rencontré une personne semblable ? Et bien, du plus profond de mon cœur, je vous souhaite bien du courage. Garder son calme, et ne pas lui sauter au cou chaque fois qu'elle prononce un mot ou qu'elle se recouvre de mimiques agaçantes, demandait une grande maîtrise de soi.

Vraiment.



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