Une lueur m'atteignait, grandissait petit à petit. J'essayais de lui résister, de la combattre à l'aide de mes malheureux dix doigts. Mais je n'étais pas assez entraînée ! Il me fallait trouver une stratégie. Après plusieurs tentatives ridicules, me tournant et retournant dans tous les sens, je finis par choisir la simplicité. M'engouffrer sous ma couette, le plus profondément possible. Ce qui n'était pas si mal après tout. Bien évidemment, toutes les heureuses choses ont une fin. Ma mère souleva ma couette d'une violence excessive. Et comme tous les matins elle me dit : "Ryna ! Réveille-toi ! Tu n'es plus en vacance. Dis-moi, quand je ne serai plus là, comment feras-tu ? Tu ne penses tout de même pas que c'est le pape qui te réveillera ? ". Je ne comprenais pas son manque de zen-attitude. Elle était sans arrêt stressée. Ne faisait que jacasser à longueur de journée sur mon attitude, mon manque d'ambition et mes rêvasseries. Surtout mes rêvasseries. Elle ne supportait pas l'idée que je ne sois pas comme elle. Je n'avais pas les pieds sur terre. Ne pensais à l'avenir qu'à travers de vagues divagations, ne me menant nulle part.
Le soleil ardent traversait mon corps de ses rayons aiguisés. Aujourd'hui est censé être un jour particulier. De "renouveau" d'après ma mère. Le moment pour redémarrer du bon pied et oublier les erreurs passées. Mais aussi, un instant primordial à ne pas négliger. La rentrée des classes. Et oui, les vacances d'été s'achève et le début d'une nouvelle année scolaire débute. Ma deuxième année de lycée commence. Ce qui, je l'avoue, me réjouit. Pas du fait de pouvoir enfin étudier des matières qui, pour la plupart, ne me seront pas utiles. Mais plutôt pour avoir des milliers d'occasions d'échapper à ma mère et ses critiques sans fin. Je décidais donc d'attraper un vieux t-shirt gris et un short noir déchiré pour les enfiler. Je ne comprenais pas les filles qui passaient des heures à se préparer pour une simple rentrée. Qui trouvaient ce jour "décisif", comme s'il allait déterminer leur "statut social".
Mais bon, revenons à nos moutons. Je passai un rapide coup de brosse à mes longs cheveux poil de carotte. Puis je dévalai les escaliers à toute vitesse, arrivant vers la salle à manger. La table était presque vide. Presque. Ma mère buvait sa tasse de thé, comme à son habitude et mon père... Si je puis dire un père, n'était pas là. En fait, il n'était jamais là. Que rarement. Apparemment, il travaillait. Pour tout dire, je n'en savais rien. Il aurait pu mourir de froid sur la plus haute montagne au monde. Ou bien se faire attaquer par des cannibales. Je ne m'en rendrais même pas compte. Mais surtout on ne m'en parlerait pas. Je suis partie depuis bien longtemps de l'univers que l'on qualifie de "cocon familial". Plutôt je n'y ai jamais été. Je ressemble un peu à mon père sur un point. Il n'est pas très bavard. C'est comme si j'étais un fléau pour lui, auquel il ne pourrait échapper. Il choisit d'être le loup solitaire plutôt que de rester auprès de sa meute. Je ne sais rien de lui. Et honnêtement, cela ne m'intéresse pas vraiment. Il ne m'inspire pas confiance, et je préfère ne pas le connaître plus intimement.
J'enfilai mon intemporelle casquette. Une casquette noire avec l'inscription Brooklyn. J'ai toujours admiré ce beau pays que sont les États-Unis. Tout particulièrement ce quartier de New York. Je pris deux chaussettes complètements différentes et attrapai la première paire de baskets qui me tombait sous la main. Je sortis de chez moi, sans dire un mot et remplis mes poumons d'air. Je ne pris pas la peine de manger. Pas parce que je n'avais pas faim mais seulement pour éviter une longue et ennuyante discussion sur l'importance de ma rentrée. Je marchai donc jusqu'à la boulangerie du coin, et m'achetai un croissant. Je le mangeai assise sur un banc grisâtre. Je fixais l'herbe desséchée qui se dressait sous mes yeux. Des enfants couraient dans tous les sens en piétinant le reste de verdure qu'on trouvait à cette saison. La chaleur étouffante ne les perturbait aucunement. Ils étaient là, devant moi. Emplis d'une innocence sans égale. La seule chose que j'enviais chez les enfants était qu'ils ne pensaient qu'au moment présent. Le lendemain les égalait complètement. Ils s'amusaient à longueur de journée. Et n'avaient pas, pour la plupart à supporter une mère psychorigide et un père je-m'en-foutiste.
Je les enviais, comme j'enviais toute personne ayant une vie "normale".
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Illusion
ParanormalElle est particulière. Elle n'est pas comme les autres. Elle est différente. Elle est atteinte. Atteinte d'une chose qu'on ne perçoit pas. D'hallucinations.