Chapitre 7

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"Je suis comme toi "

"Ryna..."

"... Je détiens aussi des pouvoirs"

"J'ai senti les tiens."

Je le fixai droit dans les yeux et je sentis une sorte de bulle se former autour de moi dans laquelle le son y passait de façon irrégulière.

"... Comme toi"

"Ils sont différents"

"... Les tiens"

"Pouvoirs"

"Ryna ! "

Ces paroles résonnèrent dans ma tête en échos. D'autres s'y ajoutèrent mal ordonnées. Des phrases parfois incomplètes surgissaient. Des bribes. Des mots.

"Écoute-moi"

"N'aie pas peur..."

"... Semblables"

"Ryna, allô !"

"Tu m'écoutes ? "

"Nous sommes semblable !"

La bulle éclata, laissant de petits grésillements écorcher mes tympans. Je reçus des milliers de coups de marteau dans mon crâne. La fatigue, la peur, l'angoisse. Une goutte de pluie dans l'océan des craintes. J'étais envahie. Les cauchemars, Sylla et lui. Son apparition était si soudaine. Ce fut de trop.

Mais une question redondante trottait dans mon esprit, et ne cessait d'occuper toutes mes pensées.

Illusions ? Ou suis-je seulement paranoïaque ?

Je devais en avoir le coeur net. Je respirai profondément, repris mes esprit et bégayai une question :

- De... De quoi veux-tu parler ?

- Ecoute, il est midi. On peut aller manger un bout dehors, que tu ne me fasses pas une crise d'hypoglycémie. Et je t'explique tous.

- Attends, mais tu me prends pour qui ? Dis-je en prenant de l'assurance. Qui es-tu d'abord ? Tu crois vraiment que je vais me laisser embobiner par un pauvre type. Pervers !

- Non, non ! J'suis pas un pervers, je suis du lycée. Et...

- Du lycée ? Il n'y a que les matchs qui se déroulent le samedi matin. Et tu ne fais pas parti de l'équipe. Qu'est-ce que tu fais là ? Pourquoi étais-tu au vestiaire ?

- Arrête de m'étouffer de questions ! Calme-toi deux minutes et laisse-moi parler !

- Mouais. Deux minutes. T'as deux minutes pour te justifier.

- Premièrement je m'appelle Ethan mademoiselle autoritaire. Secundo, je ne suis pas un pervers, dit-il agacé. 

Puis il se justifia en bégayant :

 - J'ai juste eu une intuition, et je me suis ramené. Nan, enfaite c'est bien plus compliqué. Pour être bref, je pense avoir un espèce de don ou de pouvoir. Je sens la présence d'éléments étranges, peut-être même surnaturels. Ce n'est qu'une rapide déduction en soit ! Je ne suis sûr de rien mais j'ai eu un flash, une vision et tu y étais.

- ...

- Je te dis tout ça parce que je sais que tu me comprendras, sinon je n'aurais pas pris le risque.

Je n'étais pas sûr de ce que je m'apprêtais à faire. Mais après ce qu'il venait de dire, j'avais le sentiment que je pouvais lui faire confiance. S'il dit vrai, j'aurais enfin trouvé quelqu'un comme moi. Aussi particulier et à la fois perdu par ces événements incompréhensibles. Un ami.
J'étais peut-être naïve, facilement corrompue, ou juste assez désespérée pour me laisser rouler. Trop lunatique aussi, pour passer de méfiante et énervée à attendrie. Mais après tout, je n'avais rien à perdre et je savais me défendre. Dans le cas contraire, cela me donnerait une bonne leçon et une aventure à raconter à mes futurs petits enfants.

La première question qui me vint à l'esprit fut :

- Toi aussi t'es complètement paumé ? Tu ne sais pas ce qui t'arrives ?

- Bah carrément oui. 

Instinctivement, nous nous assîmes sur le premier banc que nous vîmes. Il y eut un léger silence qui ne dura pas longtemps :

- Pour tout te dire Ryna, c'était vraiment étrange.

- Comment ça ? L'interrogeai-je, inquiète.

- Et bien je traînais dehors, comme à mon habitude lorsque j'eus un atroce mal de crâne. Je m'agrippai au mur et dès que je rouvris les yeux, je te voyais. Une rapide image de toi et puis plus rien. Je sentais seulement une force qui me poussait à venir ici. Aucun son, aucune parole, aucun mouvement. Non, ce fut comme une puissance, une intensité ou une énergie. J'avais déjà vu des images qui apparaissaient dans mon esprit mais je n'y avais jamais prêté une grande attention. Et puis ces maux de tête font partis de mon quotidien alors je me faisais une raison. Mais cette fois-ci ce fut bien différent, c'était la première fois que je me sentais guider de cette manière vers quelqu'un.

- Mais, comment as-tu su pour mon soi-disant pouvoir ?

- Je ne sais pas, je l'ai juste senti. Ça m'a fait comme une révélation, une vérité qui s'imposait à moi. C'est pour ça que j'ai beugué en te voyant. Je ne te connaissais pas et pourtant j'ai su ton prénom. Désolé de t'avoir mis mal à l'aise. J'ai rien vu du tout ! Seulement ton visage. Promis !

Je lâchai un léger rire sourd et il fit de même. Je tournai la tête vers lui, il me regardait intensément. Je fixai ses deux pupilles. Je me noyais dans le bleu océan profond de ses yeux. J'y étais emportée. Comme bercée par le courant doux et calme qui y régnait. Ils étaient magnifiques. Ses cheveux de blé et son large sourire éclatant déposé au coin de ses fossettes constituaient une harmonie parfaite. Ce qu'il était beau. Je m'approchai doucement et caressai délicatement le bout de ses doigts. Pas de poussière, aucun crépitement ni désintégration. Sans une once de déception, il était bien réel. Au contraire, j'en étais bien contente.

****

Je plongeai dans ses yeux noisettes, cernés par de courts cils roux. L'irrésistible envie de passer ma main à travers ses cheveux de feu, doux et soyeux me démangeait. Je voulais caresser ses joues rosées, ses tâches de rousseurs sur sa peau de lait. J'avais envie d'en connaître plus sur elle, de la côtoyer et de la séduire.
Lorsque je sentais le bout de ses doigts m'effleurer, je frissonnais légèrement. J'y baissai le regard, quittai ses yeux intenses et à mon tour passai ma main sur la sienne. Je persistais à penser que l'on pourrait former une bonne équipe...

****

Cet instant apaisant s'acheva lorsqu'il prit la parole.

- Tu veux bien qu'on aille manger maintenant, dit-il de manière totalement décontractée et, à la fois, hyper séduisante.

- Mince ! Sylla ! Euh je veux bien mais on sera trois alors.

- Pas de problème.

Sylla et Ethan firent connaissance. Ils s'entendaient plutôt bien malgré un état d'esprit complètement différent. Nous mangeâmes à notre faim sur une table rectangulaire parmi d'autres non loin du lycée.

Les semaines passaient, et notre amitié effervescente n'en était que renforcée. Le rapprochement fut rapide, presque immédiat. Nous étions tous trois réunis par le destin. Les aléas de la vie nous avaient guidés les uns vers les autres. L'aventure commençait réellement.

Le début d'une histoire sans fin, d'une boucle infinie et tragique. D'une vie pleine d'ambiguïtés et fortement secouée. D'instants prometteurs et définitifs. Tant de sentiments. Doutes et peurs. Tant d'interrogations étouffantes.

Tel l'inconnu. Agressif et effrayant... Il fait partie de mes craintes. Ces craintes naissantes, qui se développent , grandissent avec le temps et ne t'abandonnent jamais. Elles te suivent où que tu ailles. Comme l'inconnu qui te guette. Et cherche le bon moment pour se dévoiler malgré une part de mystère.

Le souffle coupé, le cœur serré, l'esprit envenimé. Une réponse.
Illusion.

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