Chapitre 6

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J'ai bel et bien fais un rêve, pour la première fois. Un mauvais rêve. Peut-être ai-je atteint un stade au-dessus ? Un niveau supérieur ? Une nouvelle facette de mon anormalité ? Une facette qui lierait illusions et songes. Jours et Nuits. Tromperies quotidiennes et onirismes défaillants. Fourberies éphémères et abus inconscients. Délires paranormaux et simulations époustouflantes. Aptitudes hypocrites et malédictions merveilleuses...

Plongée dans mes pensées, je ne prêtais pas attention au match de football que je menais en tant qu'attaquante. D'après le coach je faisais partis des meilleures joueurs et des plus motivés de l'équipe. Et pourtant je restais plantée au beau milieu du terrain à lorgner le fameux ballon bicolore. J'étais comme pétrifiée lorsque j'entendis les cris angoissés et énervés de l'entraîneur.

- Ryna ! Mais qu'est-ce que tu attends ! Le ballon est à tes pieds, actives-toi ! Oh l'empotée !

Je ressurgis et pris le dessus sur mes rêvasseries. Mais il était trop tard, un joueur de l'équipe adverse fonçait droit sur moi. Il était en sueur et courait d'une vitesse folle. Néanmoins, je ne le lui céderais pas. Je m'élançais droit devant, face au plus balèze des mecs aux maillots rouges et courais, rapide et énergique. J'avançais plus forte que jamais.

Je dois sauver l'honneur de mon équipe. L'équipe des jaunes, murmurai-je

Je passai un rapide coup d'œil au vieux panneau d'affichage du terrain. Une grande ardoise à craie sur laquelle étaient marqués le nom des équipes qui s'affrontaient et le décompte des points.

Rouge : 7 points

Jaune : 5 points

Nous n'étions plus qu'à quelques centimètres. Il attaqua et tenta de me prendre la sphère pleine d'air. Mais j'esquivai, passai le ballon entre ses jambes. Et petit pont ! Le bulldozer se retourna, cria de rage et me rattrapa. Il me suivait de près.

Si le taureau enragé me prend la balle, on est foutu, pensai-je.

La tension montait, les applaudissements fusaient et les encouragements me donnaient puissance et morale. Ça faisait du bien d'être supportée !

Je m'avançai sur le terrain et driblai. Une fois, deux fois, trois fois. J'arrivai en face des cages, devant le gardien rouge monté à bloc. Il ne laissa paraître aucune trace de peur ou de stress.

Si je marque ce point, on se rapprochera de l'égalité. Je n'ai aucune chance si je tire comme ça. Il faut un effet de surprise pour le déstabiliser. Mes rêvasseries ne me rendent pas amnésique, je me rappelle parfaitement de la nouvelle tactique que le coach nous a appris.

J'exécutai donc le plan. Mon coéquipier qui était le plus rapide et le plus précis se tenait derrière moi. Je lui envoyai le ballon par derrière, le faisant passer entre mes jambes. Il réceptionna et courra vers la gauche. Je me plaçai à droite, et attendis notre fameux signal. Celui choisi par l'équipe pour communiquer sans parler. Il tira le lobe de son oreille vers le bas, je fis de même pour lui indiquer que j'étais prête. Il esquissa un sourire et m'envoya la balle d'une rapidité ahurissante. Je bondis, la rattrapai et lui renvoyai.

Nous menions notre petit tour si habilement, on croirait voir une mini-fusée faire des allers-retours. Le gardien, ébahi, perdit ses repère et fit signe à ses coéquipiers de venir l'aider. Mais la dernière passe fut envoyée. La sixième passe. J'avais donc la petite planète à mes pieds.

Je me suis toujours imaginée lors de la première coupe du monde mixte. Je m'élancerai, jetterai mon pied en arrière et frapperai de toutes mes forces, le plus précisément possible. Pour marquer le plus beau but de toute l'histoire du foot !

À ce moment même, le maillot rouge qui se tenait devant moi, transpirait la crainte et l'angoisse à grosse goutte. Nous étions presque nez à nez, lorsque je fis le plus petit et ridicule tire jamais fait en dix-sept ans d'existence. Je poussai légèrement le ballon de mon pied qui fit quelques centimètres avant d'atterrir dans les cages.

Déjà pas mal, pour le début de ma grande liste de records sportifs, pensai-je le sourire aux lèvres.

Mon coéquipier et moi échangèrent un regard victorieux. Il s'approcha de moi et me dit :

- Ce n'était pas mal, pour un premier match. Tu débutes bien l'année on dirait.

- Merci. Ce n'est pas gagné d'avance mais je dois avouer que tu n'étais pas mal non plus.

- On pourrait déjeuner ensemble, après le match. Pour apprendre à se connaître.

- J'suis partante ! Mais d'abord on a un match à terminer.

Il sourit, et partit prendre place au milieu du terrain. Je le rattrapai et dis :

- Ah, et moi c'est Ryna.

- Moi c'est Sylla, on est dans la même classe. Enchanté.

- Enchanté !

Le match s'acheva par la victoire des maillots rouges qui remportèrent avec dix points et nous six. Après l'humiliation donnée par Sylla et moi, ils étaient plus qu'enragés ! De vrais cannibales.

Malgré notre défaite écrasante, je partis me changer pour ensuite déjeuner comme promis avec mon nouveau camarade de classe, souriante et pleine de joie.

J'entrai dans les vestiaires. Mixtes. Ils étaient mixtes. Ce devait être le seul lycée de tout le pays qui, faute de moyen, s'équipa d'un seul vestiaire pour tout l'établissement. Ils pensaient peut être que des adolescents se déshabillant dans la même salle feraient bon ménage ! Heureusement, nous étions la seule équipe qui jouait le samedis matin. Il n'y avait donc pas trop de monde.

Mais il était là. Lui. Sylla. Bizarrement...son petit coup de charme marchait. Non pas que je suis déjà raide dingue de lui ou même amoureuse. Seulement il m'avait fait de l'effet. Il avait l'air plutôt sympathique et assez sociable. Sylla était agréable à regarder. La plupart des filles ne lui trouvaient rien de particulier mais moi je le trouvais beau à sa manière. Il n'était pas le parfait "beau goss" comme on pourrait se l'imaginer. Non. Lui, il était différent. Son originalité et son regard profond faisaient son charme. Sa peau foncée, ses yeux noirs et ses sourcils épais, sa bouche légèrement pulpeuse, ses pommettes hautes, ses cils courbés. J'avais hâte de mieux le connaître.

J'enlevai mon maillot jaune mouillé en essayant de ne rien laisser paraître. Lorsque j'aperçus un grand blondinet qui me fixait de manière terrifiante. Je me tournai rapidement, de sorte à être dos à lui.

Mais qu'est-ce qui lui prend ?

Je me dépêchai de sortir mais il me rattrapa.

Oh celui-là commence à me chauffer ! S'il s'approche plus, je lui ferais l'honneur de rencontrer mon poing !

Il posa sa main sur mon épaule et je me retournai :

- C'est quoi ton problème ? Tu ne vas pas bien ma parole !

- Je suis comme toi.

- Comment ça tu es comme moi ?!

- Ryna...je détiens aussi des pouvoirs. Ils sont différents. Mais j'en ai et j'ai senti les tiens.

Hein ... ?!



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