Chapitre 1 - Partie 1

492 22 10
                                    


Les sabots de Plume résonnaient sur la terre sèche au rythme de son trot régulier. Le soleil était haut dans le ciel azur et les feuilles des arbres se balançaient tranquillement sous la légère brise. Un jeune elfe aux mèches blondes chevauchait paisiblement et observait les alentours de ses yeux, couleur océan. Il n'utilisait aucun harnachement, se contentant de guider sa monture au son de sa voix et à son assiette. Plume était une petite jument baie, très jolie. Ses oreilles étaient pointées vers l'avant, signe de son attention et son regard pétillait d'intelligence. Le cavalier se nommait Arouas. D'un tempérament plutôt calme, il raffolait de ces ballades quasi-quotidiennes et solitaires en forêt.

- Ho... Ho ! Là... souffla t-il.

Plume ralentit à cette indication puis s'arrêta. Arouas mit souplement pied à terre et, la main sur l'encolure de la jument, il s'avança jusqu'à une falaise surplombant les bois. Un sourire apparut sur ses lèvres et, choisissant ses prises avec soin, il entama l'ascension avec agilité. Il parvint en haut sans se hâter et s'assit au bord du plateau, les jambes pendant dans le vide. Plume, restée quelques mètres plus bas, lui adressa un regard bienveillant et s'élança au galop en sens inverse. L'elfe ne s'en formalisa pas ; elle reviendrait quand elle le souhaiterait ou lorsqu'il aurait besoin d'aide. Après tout, elle était libre. Arouas sortit une flûte en bois d'un étui suspendu à sa ceinture et se mit à jouer. C'était un musicien expérimenté et nul n'avait jamais entendu une mélodie comme celle qu'il improvisa. Les notes s'égrenaient, tantôt lentes, tantôt rapides, pour former une musique très agréable à l'oreille. Un écureuil s'approcha par petits bonds successifs, comme s'il voulait écouter. L'elfe s'interrompit et lança quelques bruits dans une langue étrange au rongeur. Celui-ci le fixa un instant, pencha la tête et émit plusieurs sons. Sans que personne ne puisse l'expliquer, Arouas avait reçu un don étrange à la naissance ; il pouvait communiquer avec tous les animaux, excepté les insectes. Il n'était pas vraiment capable de parler avec eux, il n'utilisait pas de mots. Il pouvait plutôt leur transmettre des émotions ou leur faire comprendre quelques choses simples. Il en découlait trois conséquences : il ne mangeait aucun être qui ait été vivant, de quelque espèce ce soit, préférant la compagnie des animaux à celle des elfes, il était plutôt solitaire et il passait de longs moments à observer la nature.

Ayant joué de la flûte et contemplé un couple d'oiseaux fabriquer son nid pendant plus de deux heures, Arouas décida de rentrer. Il jeta un coup d'œil vers le soleil afin de se renseigner sur l'heure et soupira. Il avait manqué son cours d'apprentissage du combat. Son père, le roi Azigon, allait le tuer. Durant cette leçon journalière, le jeune elfe devait s'entraîner au maniement du sabre et au tir à l'arc. Il manifestait un talent certain pour ces disciplines mais, lui qui prônait la paix, détestait cette heure quotidienne où il devait apprendre le fonctionnement « d'armes de boucherie » comme il les appelait. Azigon tenait beaucoup à ce qu'il sache se servir d'armes, argumentant qu'un prince avait de grandes chances de devoir se battre au cours de sa vie, soit lors d'une bataille soit pour rester vivant. Son père régnait depuis une vingtaine d'années sur l'Aglidöré, un des deux pays composant ce monde, habité par des elfes. L'autre état s'appelait le Notchïnà et était peuplé par des humains. Arouas entreprit la désescalade de la falaise avec aisance. D'une voix claire, il appela Plume. Ne la voyant pas revenir, il partit en courant en direction du palais, où il habitait. Sa foulée était longue, régulière et son souffle, calme. Sa jument vint à sa rencontre alors qu'il était à mi-chemin entre chez lui et la falaise. Il la salua d'une caresse sur le chanfrein et bondit sur son dos avec agilité. Sa course ne l'avait même pas essoufflé. Pénétrant dans les jardins du château, il croisa Nessia, sa sœur âgée de dix-huit ans et de deux ans son aînée. Comme chez tous les elfes, sa silhouette fine et élancée lui conférait grâce et souplesse. De longues mèches noires encadraient un visage d'une perfection absolue. Un sabre, qui ne la quittait jamais, pendait à sa ceinture. Elle sourit quand elle aperçut son frère ; ils étaient vraiment très proches.

- Père est très en colère, le prévint-elle quand il arriva à sa hauteur.

- A cause du cours d'apprentissage du combat ? demanda Arouas.

- Tu aurais pu... commença t-elle.

- Oh ça va, pas la peine de me faire un sermon, Père va s'en charger, coupa Arouas sans colère.

Bien qu'ils s'entendissent à merveille, leurs caractères différaient complètement. Nessia aimait se battre, elle était même très douée pour cela. Elle possédait des qualités de meneuse et pouvait convaincre, même les plus récalcitrants, du bien-fondé de son action. Elle était droite, volontaire et obstinée. Son frère était son opposé. Elle, tenait ses qualités de son père, lui, de sa mère. Arouas était heureux d'être le cadet ; il n'aurait pas à monter sur le trône à la mort de son père. Chez les elfes, contrairement aux humains, les femmes étaient considérées comme aussi capables que les hommes et il n'existait aucune discrimination de ce côté-là.

Le jeune elfe mit pied à terre devant les écuries et effectua le pansage de sa jument. Quand il eut fini, il la laissa gambader où elle voulait. Elle savait la porte de son box ouverte si elle souhaitait se reposer. Traînant les pieds en pensant à l'entrevue avec son père qui l'attendait, Arouas se dirigeait vers l'entrée du palais lorsqu'il entendit des éclats de voix.

Arouas, prince elfe - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant