Jamais sang-mêlé

Chapitre 2

C'est dans le sommeil que je trouve mon bonheur. Je suis au chaud, personne n'essaie de me boire, et j'oublie surtout que je suis entre les griffes du diable. Amber nous a quittés avant-hier. Quand James n'est pas là, les dérapages, eux le sont. Ça fait trois jours qu'on ne l'a pas vu. Il est dehors à faire je ne sais quoi, pendant qu'une autre fille a encore été tuée par la pulsion d'un suceur de sang.

– Lève-toi !

Bouboule tambourine à la porte, puis passe à la chambre suivante. J'ai dormi jusqu'au milieu de l'après-midi et pourtant je ne me sens pas en forme. Je me rappelle mes toutes premières semaines, j'ai eu un mal fou à me faire à ces horaires décalés. Je n'ai jamais été une fille de la nuit, et je ne le suis toujours pas. Rodrigo ne devrait pas tarder à venir m'apporter mon petit-déjeuner. Ce n'est pas vraiment cool de se faire servir quand on ne peut pas choisir ce que l'on veut manger. Je fais glisser la petite malle en dessous de mon lit, où mes fringues sont entreposées. Pour éviter les fautes de goût, tout est de la même couleur. Des chaussettes au t-shirt, le noir est de rigueur. Je retire mon pyjama trop grand, et le lance à côté de la porte d'entrée.

– J'ai plus de t-shirts ? Merde...

Je n'ai pas l'air fine en sous-vêtements. Rodrigo ne va plus se sentir s'il ouvre la porte et qu'il me voit dans cette tenue. Je cherche sous mon lit un truc qui pourrait ressembler à un t-shirt.

Il y a un bazar pas possible, un bon coup de balai ne serait pas de trop. Je comprends pourquoi j'éternue autant la nuit, c'est bourré d'acariens. Je tends mon bras au maximum et pousse tout le bordel, espérant trouver un t-shirt qui traîne.

– Quel bel accueil...

Je sursaute et me cogne la tête sous les ressorts en ferraille du lit. James est revenu. Je ne l'entends jamais entrer, à croire qu'il aime surprendre les gens. Je tire ma couette et me couvre avec.

– Tu cherches quoi sous ton lit, les fesses à l'air, à moitié nue ?

Je le regarde en deux fois avant de lui répondre. Il a changé de look, c'est comme si j'avais une autre personne devant moi. Ça le change tellement que c'en est troublant. Il a les cheveux coiffés en arrière, tenus par un peu de gel. Son regard ténébreux est d'autant plus impressionnant le visage dégagé. Ses mâchoires carrées et ses lèvres rosées ressortent sublimement. Il a laissé tomber les chemises trop serrées et les pantalons à pinces, pour les remplacer par un marcel et un jeans bleu foncé.

– Je cherche... un... je cherche un t-shirt, répondis-je en bégayant.

Il jette un coup d'œil rapidement à la cicatrice que j'ai en bas du dos. Mes joues deviennent rouge pivoine.

– De toute façon, aujourd'hui tu n'as pas besoin de t-shirt.

Il finit par poser mon plateau sur la table de chevet.

– Je ne vais pas rester avec une couette autour de moi toute la journée !

Il s'en va sans me répondre. Ça, c'est la meilleure ! Quel culot de me laisser en plan. J'oublie que je n'ai presque rien sur le dos quand l'odeur de chocolat effleure mes narines.

Mon plateau est garni de pains au chocolat et de croissants. J'ai le droit à un jus d'orange avec sa pulpe, de tartines grillées au beurre, et d'un bol de chocolat chaud. Un vrai déjeuner à la française comme j'aime en prendre. Je déguste chaque bouchée. Le positif quand on ne mange pas souvent les choses que l'on aime, c'est qu'on apprécie de les avoir en bouche. C'est un régal, le jus d'orange est délicieux. On pourrait croire que James a cueilli les oranges directement sur l'arbre. Tout ça cache quelque chose, James n'est pas gentil gratuitement sans rien en retour. L'inquiétude commence à me gagner. Il me laisse en sous-vêtements volontairement et me sert un bon petit-déjeuner, c'est louche.