Chapitre huit

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Le réveil est dur. J'ai ce vide qui m'envahit et mes yeux qui me brûlent. Il ne faut pas manger, me répétais-je. C'est ma première pensée du matin et ma dernière de la soirée. Même la nuit, je rêve de nourriture ce qui accentue ma faim au petit matin. Mais je peux combattre la faim. Je passe à la salle de bain et m'enferme dans celle-ci. Je me pèse ; 46,5. J'ai pris deux cent grammes ! Je descends alors de la balance et remonte dessus, mais le chiffre reste le même. Je réessaye une troisième fois, sans mes vêtements cette fois-ci, mais rien ne change, toujours le même chiffre maudit. Je range la balance, énervée et en prenant soin de la replacer exactement comme elle était. Je m'observe alors dans le miroir et j'ai encore envie de pleurer. Je ne ressemble à rien et mes yeux gonflés n'arrangent rien. J'ai de grosses joues bouffies. En fait, tout est gros chez moi. Une fois ma rapide toilette finit, je pars dans ma chambre et révise mon contrôle que j'ai en première heure de cours. Impossible de me concentrer, je pense à mon alimentation de la journée. Je m'allonge sur mon lit et regarde le plafond, en poussant de longues et grandes inspirations. Pourtant, impossible d'enlever toutes ces pensées de mon esprit. Je me redresse rapidement lorsque j'entends qu'on toque à ma porte. Ma mère entre, un sourire que je devine faux sur le visage.

-On part dans dix minutes. Qu'est-ce que tu fais ?

-Je révise, je réponds sèchement, car sa question m'énerve.

-Tu as besoin d'aide ?

-Tu peux me faire réciter ?

-Pas de soucis, ma grande.

Je lui fais donc réciter mes dates d'histoire et à la fin, elle pose un baiser sur mon front. Au début, ça m'agace puis je la prends dans mes bras. Et d'un coup, je ressens une énorme culpabilité, car je me mets à sa place. Et c'est horrible de penser comme elle pourrait le faire. Elle me serre à son tour dans ses bras de Maman et la chaleur de ceux-ci me réconfortent. J'ai l'impression que depuis que j'ai commencé mon régime, je me suis éloignée d'elle. Comme si, il prenait trop de place et qu'il n'y en avait plus pour elle. Et je m'en veux aussi pour ça, comme pour une tonne d'autres choses.

-On y va ? me demande-t-elle, doucement.

-On y va.

*

Lorsque j'arrive à l'école, je marche instinctivement les jambes serrées, voulant me faire la plus discrète possible. Je me rends au mur où nous retrouvons chaque matin avec Noémie, mais elle n'est étonnement pas présente. Je me rends donc aux toilettes et ne la trouve pas non plus. Je tente d'ignorer les regards des filles présentes et leurs chuchotements, et sors mon téléphone. J'envoie un rapide SMS à ma meilleure amie, étant un peu inquiète. Puis la sonnerie retentit, et je rentre en cours. Noémie n'est toujours pas là. Je prends place et nous commençons directement par l'évaluation qui était prévue. J'éprouve la difficulté à me concentrer puis, lorsque j'y parviens, je remplis successivement ma feuille. Je finis rapidement et l'heure se termine enfin. Je dis enfin, parce que j'ai un mal de chien aux ischions. La deuxième heure de cours semble pire et je lutte pour ne pas dormir, alors je m'accorde le droit de fermer les paupières de temps en temps.

À la récréation du matin, je retourne aux toilettes et vérifie si Noémie m'a répondu, mais ce n'est pas le cas. Rien, le silence et c'est le pire de rien savoir. J'ai peur et cette peur se manifeste par une méchante boule dans mon ventre. Le midi, j'hésite à manger, mais lorsque ma classe passe, je me glisse finalement parmi eux. Je prends mon plateau où seuls une assiette et un verre sont posés. Je me rends ensuite à ma table habituelle, mais c'est vraiment vide lorsqu'on est seul. Je vois Émeline s'approcher dans ma direction et je prie pour qu'elle ne vienne pas me parler. Raté, puisqu'elle s'assoit et regarde mon plateau avec peine. Je ne le sens pas et je suis directement héritée de sa présence.

-Vu que Noémie n'est pas là, tu veux venir manger avec nous ?

Elle désigne du bout de la tête sa table avec ses amies. Je ne sais pas vraiment que répondre alors je lâche un petit :

-Je ne sais pas.

-Ça sera plus cool que d'être toute seule, tente-t-elle de me convaincre, en souriant gentiment.

Je n'aurais jamais imaginé utiliser les mots "Émeline" et "gentil" dans la même phrase. Je finis par me laisser convaincre et la suis à sa table. Évidement, tous les regards sont sur moi et j'y vois surtout de la peine. Je m'assois puis les écoutes. C'est vivant et quelque part, ça me fait du bien. Je ne décroche pas un mot et bois cinq verres d'eau précisément. Une fois que j'estime avoir finit de manger, je me lève et déclare timidement :

-Merci.

Je vide ensuite mon plateau et me précipite dans la cours. Je retourne, pour la troisième fois de la matinée, aux toilettes et je commence à me triturer les peaux de doigts en absence de message de mon amie. Je suis assise à même le sol des toilettes, à attendre désespérément une réponse.

J'ouvre les yeux et réalise avec horreur que je me suis endormie. Sérieusement, dans les toilettes d'école ? Je ne pouvais pas faire pire. Je me relève, les muscles endoloris et regarde l'heure. J'ai loupé vingt minutes de la première heure de cours de l'après-midi. Je me rends au bureau de la vie scolaire et demande un billet de retard, en trouvant l'excuse la plus banale qui soit : je ne trouvais plus mon sac. Mon mensonge marche puisque je n'ai jamais fait d'histoires et suis plutôt "calme" habituellement. Je me rends en cours et mon professeur me lance un sourire, avant de m'envoyer à ma place. Quant aux autres élèves, il me regarde telle une bête de foire et je fonce tête baissée à ma place. Je suis à côté d'Emeline qui me questionne gentiment :

-Tu étais où ?

-Je cherchais mon sac, je feins un sourire.

-Ok.

L'heure passe lentement, alors qu'habituellement, j'aime plutôt bien les maths. Ma fin de journée s'enchaîne et je peux enfin partir du collège. Je cours, je cours et je cours. Je sais où je vais et mon sac vole dans tous les sens, me donnant sûrement un air imbécile. Je finis par arriver à la maison et sonne. J'entends plusieurs instants avant que la porte s'ouvre. Noémie se tient devant moi tel un zombie. Elle tente un sourire, mais ça ressemble plus à une grimace en fin de compte.

-Je peux te prendre dans bras ou je risque d'être contaminée, j'ironise avec un petit sourire sur le côté.

Elle pouffe doucement, puis s'avance et me prend dans ses bras. Je passe mes bras dans son dos et je sens sa colonne vertébrale. J'essaye d'oublier cette impression et entre avec elle à l'intérieur. Nous montons, sans parler, dans sa chambre. À la fin des marches, Noémie respire un peu plus fortement que la normal et je me rends que moi aussi. Nous asseyons sur son lit et je demande, en lui prenant les mains :

-Qu'est-ce que tu avais aujourd'hui ?

-Franchement ?

-Oui.

-J'avais peur.

-Peur de quoi ?

-De voir les gens du collège, les adultes du collège et même le collège en soit. J'ai fait une sorte de crise de panique ce matin, grimace-t-elle.

Et elle me raconte alors comment ça s'est passé et je l'écoute attentivement, captivée par ses paroles. Pour détendre l'atmosphère, je lui raconte ma journée mais en rendant comique le fait que je me sois endormie dans les toilettes. Et même si nous savons que quelque chose cloche là-dedans, nous rions à nous pisser dessus. Et ça fait du bien, purée.

Merveilleux et incroyable dessin de victooo56

Je dois pouvoir voler✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant