Chapitre neuf

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10/06/2015

Le temps qui passe, les jours qui s'écoulent, le poids qui descend. J'ai assez donné. Je n'en peux plus de cette tristesse. Je la sens en moi, je la sens partout. Dans ma tête, dans mon cœur, dans mes poumons. Elle prend beaucoup de place et elle m'étouffe. Mes journées se résument à ça : réveil, collège, dodo, réveil, collège, dodo, réveil, collège, dodo et ça recommence... Je ne supporte plus d'être ici, de vivre tout simplement. Je deviens ces clichés de dépressifs à broyer du noir. Noémie paraît mieux, comme apaisée. Je ne sais vraiment pas comment elle fait. J'écris tandis que nous écoutons de la musique ensemble sur un banc près de l'étang près de chez elle. Elle dessine ce qu'elle voit et c'est magnifique. Aussi bien à regarder qu'à apprécier.

-C'est magnifique, Mimi.

Cette dernière tourne la tête et me sourit. Elle finit par lâcher son crayon et je fais de même. On se met sur le dos, les bras derrières la tête et on discute. De nos vies d'abord, puis de la vie en général. Et c'est effrayant, de ce dire qu'à notre âge on a déjà connu la souffrance. Cette satanée souffrance qui se mélange à la tristesse, à la colère, à la peur, à l'angoisse, à la culpabilité.

Nous finissons par rentrer chez moi, et là, énorme surprise. Mes parents sont assis dans le canapé avec ceux de Noémie. Cette dernière me regarde, toute aussi perdue que je le suis. Les quatre adultes nous fixent et le père de Noémie, Fred(de son diminutif Frédéric) déclare et plutôt fermement :

-Ça ne peut plus durer les filles, ça va trop loin. Je ne sais pas ce qu'il se passe dans vos têtes, mais ce n'est pas possible. Il faut qu'on parle, assez-vous avec nous.

Mais qu'est-ce qu'il raconte celui-là encore ? Que des conneries. Je m'assois, malgré mon avis, sur un des fauteuils que je partage avec ma meilleure amie. Je triture mes peaux de doigts, clairement inconfortable face à cette situation que je ne contrôle absolument pas. Ma mère prend ensuite la parole :

-Votre professeur principal nous a appelés. Lui et certains de vos professeurs s'inquiètent pour vous. Et ce ne sont pas les seuls. Nous quatre aussi, énormément, et même les élèves de votre classe. Si vous avez besoin d'aide, nous sommes tous là.

Je me tourne vers Noémie et en un regarde on se comprend. Je réplique alors, d'une voix mielleuse :

-C'est gentil de vous inquiétez pour nous, vraiment, mais tout va bien. Je ne vois pas ce qu'il vous alarme.

-Tu ne vois pas ? hausse ma mère la voix. Peut-être le fait que tu rentres dans du 34. Du 34, Spencer ! Tu te rends compte au moins ?

Et je souris intérieurement. Bien sûr que je me rends compte et ça prouve que tous mes efforts aboutissement à quelque chose de concret. C'est même merveilleux et tellement incroyable.

-Il n'y a rien d'anormal à ça. Si la taille existe, c'est qu'on peut la porter.

Ma mère semble à bout et lance un regarde à mon père pour qu'il agisse, ce qu'il fait :

-Vous avez besoin d'aide, les filles. Nous sommes tous passés par cette phase pas très drôle, mais il y a des solutions.

Noémie me surprend en répliquant plutôt avec détermination et autorité :

-Nous avons pleinement conscience de nos actes. C'est notre choix de vie et nous faisons ce que nous voulons !

-Je ne crois pas, non, intervient la mère de Noémie, tu es sous notre responsabilité. Il est hors de question que j'assiste à ta destruction ! Vous voulez finir à la morgue, c'est ça ? Parce que vous êtes sur la bonne voie !

Et c'est la première fois depuis le primaire que je vois sa mère avec les larmes aux yeux. Ça me fait de la peine, mais ça en vaut la chandelle. Les parents ne savent plus quoi dire face à notre "entêtement" selon leurs dires. La silence envahit la pièce et la conversation se termine ainsi. Les parents de Noémie partent avec elle et je me retrouve avec les miens. Je suis en train de monter les escaliers lorsque j'entends ma mère me dire :

-Tu joues à un jeu dangereux, Spencer.

-Je ne joue plus, j'ai déjà gagné.

Je dois pouvoir voler✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant