Chapitre six

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Le lendemain de sa crise de larmes, Noémie est toute souriante et pomponnée. Ça me rassure et m'égaie toute de suite ma journée de collège, malgré la fatigue que je ressens. Elle me fait la bise avant de me dire :

-Merci pour hier, je ne sais pas ce qu'il m'a pris.

-C'est normal, Mimi, et n'hésite pas si tu as besoin de quoi que se soit.

-J'ai besoin de toi pour résister à la nourriture.

Je lui souris et nous nous dirigeons ensemble vers notre salle de cours. Nous prenons les escaliers et je m'étonne d'être fatiguée et épuisée à la fin de ceux-ci. Noémie me regarde, d'abord gênée, car elle est dans le même état que moi, puis ironise doucement :

-De vraies mémés.

Je retrouve Émeline dans la classe et celle-ci me regarde de haut en bas d'un air peiné avant de détourner le regard. Je la détesterai toujours pour tous ses regards en biais qu'elle m'a jetés. Mais lorsque je serais fine, elle me regardera différemment, c'est certain. Une fois que le professeur nous autorise à nous asseoir, nous sortons nos affaires. Nous nous engageons dans des exercices de proportionnalités.

Qu'est-ce que je vais pouvoir manger ce midi ? Et ce soir ? Ce qui est certain, c'est qu'il ne faut pas que je mange au goûter. Hier, j'ai également téléchargé une application de calories et commencé à écrire mes repas dans mes notes de téléphone. En plus des repas, je note le sport effectué et ce que j'ai envie de dire. J'ai aussi trouvé des photos de filles pour m'en faire des objectifs, des Thinspirations. Un jour, ces filles, ce sera moi.

-Euh, Spencer ?

Je me tourne vers Émeline qui porte un air grave sur son visage. Elle commence  à jouer avec ses boucles brunes de cheveux et les tortille, comme anxieuse.

-Oui ? je réponds, étonnée qu'elle m'adresse la parole.

-Est-ce que ça va en ce moment, toi et Noémie ?

-Oui, pourquoi ça n'irait pas ?

-Non, comme ça.

Puis, plus rien durant le cours. Une fois l'heure de cours terminé, je m'empresse de rejoindre Noémie et de lui raconter l'épisode avec Émeline. Personnellement, je préfère me méfier d'elle. Ça serait bien le genre de fille à être jalouse si jamais on devenait plus fine qu'elle. Cette épisode m'a énervé, et encore lorsque nous allons en sport. Nous devons d'abord marcher à la salle et je suis frigorifiée. Pourtant, nous sommes en juin et le temps est plutôt bon. Nous partons ensuite nous changer, une fois arrivés. Une boule se creuse dans mon estomac lorsque nous devons nous changer dans le même vestiaire que les autres filles de notre classe. Heureusement, Noémie vient vers moi et me propose, un peu essoufflée après avoir tant marché :

-Tu veux qu'on aille se changer dans les toilettes plutôt ?

Je lui souris et hoche la tête, lui faisant comprendre que oui. Nous allons donc dans les toilettes et commençons à nous changer. Je suis prise de larmes lorsque je vois le corps de ma meilleure amie. Des os. Elle ne me voit pas et continue.

-Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

Je chuchote d'abord pour moi-même puis répète plus fort :

-Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

Je pose ma main sur ma bouche et explose en sanglots au sol. Noémie se retourne et se précipite vers moi, affolée :

-Qu'est-ce qu'il y a Spence' ?

-Mais, mais, Noémie regarde ce que tu es devenue.

Je sanglote et elle fronce durement les sourcils, contrariée.

-Quoi ? Qu'est-ce ce que je suis devenue de quoi ? Alors ça y est ? T'es jalouse. J'ai toujours su que tu l'étais. Tu ne supportes pas que je sois plus fine, c'est ça ?

Et elle jette son venin sur moi, comme si elle était une toute autre personne :

-Ça ne te suffit pas d'être meilleure que moi en classe et à la course ? !

-Mais Noémie, ne dis pas ça. Je

-Tais-toi. Tu n'es qu'une manipulatrice égocentrique !

Puis elle part en claquant la porte, mais pas fortement parce que je comprends qu'elle n'en a même pas et plus la force. Je reste quelques instants encore sur le sol froid, mais me relève ayant mal aux ischions. Je range mes affaires dans mon sac et vais le poser dans le vestiaire des filles. Aucune ne me regarde, elles ont toutes la tête baissée. C'est étrange, elles ne sont pas comme ça habituellement. Méprisantes, oui mais timides, non, clairement non. Je prends mon sweat avec moi et me rends dans la salle de sport. J'enfile mon épais et chaud sweat noir à capuche. Noémie me jette un regard puis le détourne aussitôt qu'elle me voit la regarder. Je soupire, ennuyée par notre dispute plus tôt. Nous commençons le cours de badminton et je me retrouve dernière contrairement à Noémie qui est dans le milieu. Elle s'en sort bien mieux que moi. Je n'ai aucune force dans les bras et peine à tirer correctement. N'ayant pas assez de filets pour ma classe, je ne joue pas pendant un match avec Morgane.

-Ça va en ce moment, toi et Noémie ?

Mais qu'est-ce qu'elles ont toutes aujourd'hui ? Elles se sont passées le mot ou quoi ?!

-Oui, pourquoi ? je questionne, le plus innocemment possible.

-Ce n'est pas pour t'embêter, au contraire, mais les filles et moi, on s'inquiète pour vous deux.

-Pourquoi ? Tout va bien.

Il est hors de question que je lui révèle notre secret. C'est juste entre Noémie et moi. Elle et moi, et c'est tout.

-Bah, vous avez, comment dire, vachement maigris. Et on se faisait dû soucis pour vous. Si vous avez besoin, vous pouvez compter sur chacune d'entre nous.

Et j'ai envie de pouffer rire. J'avais raison depuis le début. Il suffisait qu'on soit moins grosses pour qu'elles nous acceptent.

-Ça ira, merci.

-Y'a pas de quoi.

Non, mais pour qui elle se prend ? !

Je dois pouvoir voler✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant