Je reprends ma vie

Chapitre 1

C'était lors d'un déjeuner de famille. Mon mari était une fois de plus en retard, un travail qui n'avait pas d'heure, ni de jours de repos, ni de vacances...

Il était juste en face de moi, ses yeux gris me regardaient et J'avais l'impression qu'il fouillait au fond de mon âme. Je souriais et écoutais sans rien montrer de mon irritation car la place à ma gauche était vide, ni de mon embarras car j'adorais ces yeux qui me regardaient. Il semblait si doux. Je regardais ses mains qui tennaient les couverts. Elles devaient être douces. Non, il fallait que je me concentre sur ce que ma belle mère racontait. Il fallait que je me ressaisisse. Quelqu'un m'appelait. "Hélène, tu rêves encore." Et mon mari m'embrassait sur la joue avant de s'assoire à ma gauche. "Je suis désolé, une réunion de dernière minute avant mon voyage ce soir. Je ne pouvais pas le râter. Mon père, je suis heureux que vous ayez pu venir." Il tendait la main au père Francis, qui posait enfin ses yeux gris sur mon mari.

La journée était déjà finie. J'avais passé l'après-midi à éviter ses yeux gris. Comment est-ce qu'une autre personne pouvait avoir autant d'effet sur moi. J'étais complètement bouleversée. Seule dans la salle de bain, je regardais mon reflet dans la glace. Je revenais de l'aéroport, déposer mon mari. Je ne voulais pas qu'il me laisse seule, pas cette semaine, pas ce soir là.

"Le père Francis m'a été recommandé par James. Il conseille beaucoup de famille. Mes parents le connaissent très bien. Maman le sollicite pour plein de choses. Appelles-le."

"Mais c'est toi qui l'a invité chez les parents ce midi?"

"Oui. Je voulais que tu le rencontres. Ça ne t'embête pas J'espère. Je lui ai parlé de toi. Je lui ai raconté notre histoire, ... enfin... ce qui s'est passé... Ça ne t'embête pas, n'est-ce pas?"

"...Non... Pas du tout."

Un long silence s'installait alors dans la voiture jusqu'à ce qu'elle s'arrête. Je n'aimait pas parler de l'accident. C'était trop douloureux, ma chair était marquée à vie ainsi que mon âme. J'avais perdu une part de moi-même ce jour-là. Rien n'était plus comme avant.

"Je l'appellerai. Pour nous je le ferai."

"Merci mon amour..." Il m'embrassait sur la bouche avec une telle douceur que je ne le connaissais pas après m'avoir murmuré ces mots. "Je t'aime, tu me manques déjà."

"Toi aussi. Fais bon voyage. Et n'oublies pas de m'appeler dès que tu arrives... Je t'aime."

Il n'était que 20h. J'hésitais à appeler mais J'avais envi de le faire. C'était lui qui m'autorisait à le faire.

"Allo?"

"Allo."

"Bonsoir. C'est... C'est Hélène Lo. L'épouse de Charles Lo."

"Oui, bonsoir Hélène. Comment allez-vous?"

"Je vais bien. Enfin, non... Je... Je ne vous dérange pas j'espère?"

"Non pas du tout. Que puis-je faire pour vous?"

"Auriez-vous un peu de temps à me consacrer cette semaine? Ou... Ou la semaine prochaine... Quand vous aurez du temps?"

"Oui cette semaine, je peux. Demain je suis disponible ou alors jeudi dans la matinée."

"Demain dans la matinée m'irait parfaitement."

"Alors, demain 10h c'est ok?"

"Oui, c'est parfait. Merci."

"Bonne soirée et à demain Hélène."

"Bonsoir mon père."

J'étais nerveuse. Mes mains étaient moites. Le voilá qui apparaissait derrière la porte du bureau. Il s'avançait vers moi, me tendait la main mais j'étais déjà perdu dans le gris de ses yeux.

"Bonjour Hélène. Je suis content de vous revoir. Venez, entrez dans mon bureau."

"Bonjour mon père. Merci de me recevoir."

"Alors que puis-je faire pour vous?" Me disait-il après s'être assis dans son fauteuil derrière son bureau.

"Je... Je voulais vous voir à la demande de Charles, mon mari."

Silence.

Il voyait que j'étais gênée, mon sourire était figé.

Il me fixait avec ses yeux gris. Je me noyais dedans.

"Il est en voyage?"

"Oui... Il... Il est absent." ... "Il vous a parlé de nous n'est-ce pas?"

"Oui très brièvement. Il me disait que cela vous ferait du bien de me parler."

"Oui... Enfin, je ne sais pas."

La réalité me frappait d'un coup. Ces yeux gris m'avaient transporté loin dans un brouillard de sensualité. Ces yeux gris me parlaient autrement. Je m'étais trompée, le temps d'un regard. Je ne pouvais pas m'y noyer, ils étaient là pour me sortir de l'eau. Charles me manquait terriblement d'un coup.

"Je vais tout vous raconter."