Je ne reconnaissais pas cette voix au téléphone. Je cherchais dans ma mémoire mais je n'arrivais pas mettre un nom ni un visage a cette voix. Je regardais devant moi les voitures défilées, il y avait beaucoup de circulation. Si jamais j'ouvrais la vitre de ma portière je risquais d'étouffer sous cette poussière et chaleur humide. Le chauffeur tournait déjà vers la rue principale pour se diriger vers le pont Henri-Konan-Bédié.
"Albert, faites demi-tour et déposez-moi à l'hôtel Ivoire. Je n'en aurai pas pour longtemps, vous m'attendrez quelques minutes."
"Oui Madame."Nous arrivions devant l'hôtel et j'ai une hésitation avant d'ouvrir la portière de ma voiture. Un portier se précipitait vers nous pour m'aider à en sortir. Je le remerciais avec un sourire.
Je me penchais vers la fenêtre avant du passager et disait discrètement à Albert:
"Attendez-moi au parking de l'hôtel, je n'en ai que pour quelques minutes. Si dans 10 minutes vous ne me voyez pas, demandez mon nom à la réception et faites-moi appeler au bar de l'hôtel. Surtout n'oubliez pas." Et je lui lançais un regard sérieux pour qu'il n'oublie pas.
"Bien Madame, je le ferai."
"Merci Albert. A tout à l'heure."Je traversais le hall de l'hôtel en me dirigeant vers le bar. Je m'asseyais sur une chaise longue et posais mon sac sur le comptoir.
"Que puis-je vous servir madame?" Disait le serveur de l'autre cote du bar.
"Je voudrais un verre d'eau gazeuse s'il vous plait. Et mettez une rondelle de citron. Merci"
"Tout de suite madame." répondait le serveur en allant de ce pas préparer ma commande.
Ma gorge était sèche et surtout je commençais à transpirer à cause de l'adrénaline qui montait. Je ne savais pas du tout qui je devais rencontrer, qui était ce Paul et surtout que me voulait-il? C'est la curiosité qui m'a poussait à venir. Je me disais au fond de moi que c'était une erreur, mais trop tard, j'étais là et quelqu'un venait de mettre sa main sur mon épaule. Le temps d'un quart de seconde, je me voyais traîner par un homme dans le hall de cet hôtel avec un sac sur la tête et jeter sans ménagement dans une voiture. Mais un sursaut de courage me fit prendre conscience que j'étais dans un lieu public et surtout un lieu où il était quasiment impossible de kidnapper une personne sans que la sécurité n'intervienne. Je me retournais donc tout doucement et voyais un homme noir dans la trentaine, tête rasée, les yeux en amende et une bouche pulpeuse et bien dessinée sur une mâchoire carrée. Son nez épaté avec des narines assez écartées ne jurait pas sur ce visage qui avait beaucoup de charme. Il avait pourtant quelque chose qui me dérangeait. Son charme ne cachait pas un air menaçant dans son attitude. Il était en costume de couleur sombre avec une cravate très élégante, sûrement en soie à petits carreaux jaune doré et bleu nuit. Il me regardait avec un sourire que je n'arrivais pas à déchiffrer, un rictus peut-être serait plus approprié."Bonjour Hélène. Ça fait longtemps."
Il prenait déjà place sur une autre chaise longue vide à ma droite. Je continuais à le regarder sans comprendre qui était cette personne. Je me souvenais vaguement de ce visage mais j'étais sûre de n'avoir jamais parlé à cette personne."Les médecins ne m'ont pas parlé d'amnésie quand je suis revenue à moi après mon accident. Et je crois me souvenir de tous mes amis et... ennemis."
"hahahahahaha!" Il riait fort et montrait ses belles dents blanches régulières et sans aucune caries. "Je ne savais pas que tu avais des ennemis." Disait-il enfin après s'être remis de ma réplique.
"Moi non plus je ne m'en connais pas mais sait-on jamais."
"Je ne savais pas que tu avais de l'humour et la réplique facile. J'aime ça. ça rendra mon travail facile."
"Et quel est-il ce travail?" Disais-je en prenant une gorgée de mon verre d'eau.
"Tu le sauras bien assez tôt. Mais pour le moment je vais te raconter une histoire."
Il marquait une pause et faisait signe au serveur de venir.
"Je voudrais la même chose que madame." Disait-il sans regarder le jeune homme.
"Oui monsieur. Tout de suite."
Le serveur semblait le connaître et avait comme un ton de soumission dans la voix.
Je regardais autour de moi, il n'y avait pas grand monde. Le bar était vide, il y avait juste un client de l'hôtel qui lisait son journal dans un fauteuil près de la porte de la terrasse. Sur la terrasse personne n'y était. Finalement, je commençais à avoir un peu peur qu'il ne me fasse du mal. Le serveur revenait avec le verre d'eau gazeuse. Il le posait devant l'homme et s'en alla du bar. Je suivais du regard le serveur partir et me demandais s'il n'était pas de mèche avec ce Paul."Que me voulez-vous, monsieur ...?"
"On va se tutoyer, et c'est Paul. J'ai perdu un bien qui est inestimable et mes recherches m'ont mené vers toi Hélène. Tu as eu malheureusement de mauvaises fréquentations peu avant ton accident. Tu étais en possession de cet objet il y a de cela un an et je voudrais le récupérer." Il ne m'avais pas regarder une seule fois pendant qu'il parlait. Il fixait son verre d'eau en faisant tourner la rondelle de citron avec une paille.
"Je ne vois pas de quoi vous voulez parler." Disais-je complètement surprise de l'entendre raconter cette histoire comme si c'était sorti tout droit d'un mauvais scénario d'un téléfilm. Et je me levais déjà pour prendre congés.
"Et je vous prie de me laisser tranquille désormais. Vous vous êtes trompé de personne." Je me tournais vers le serveur qui était en train de regarder vers la fenêtre du bar et parlais avec une voix assez forte pour que toute la pièce m'entende:
"Mon verre est sur l'ardoise de monsieur. Merci pour cette invitation." Disais-je en terminant ma phrase en le regardant.
Je prenais déjà mon sac et étais descendu de ma chaise longue pour partir.
"Je ne me trompe pas et tu vas te rasseoir tranquillement sur ta chaise."
Il avait dit cette phrase tout doucement mais assez pour que je l'entende.
Je ne prenais même pas la peine de répondre même si je sentais un soupçon de menace dans sa voix. Je continuais à me diriger vers la sortie de l'hôtel. En même temps que je sentais sa main m'attraper le bras de manière assez brusque, je voyais Albert à la réception parler à la jeune employée de l'hôtel. Je la voyais alors composer un numéro. Je suppliais au fond de moi qu'Albert tourne la tête vers le bar pour me voir mais il était concentré à regarder le décolleté de la réceptionniste. Je faillis tomber en essayant de me dégager de l'emprise de cette main ferme sur mon bras. Il me rattrapait de justesse en m'enlaçant et me chuchotait à l'oreille.
"Ton sauveur est là. Tu as de la chance. Je veux récupérer cet objet, c'est une clé USB. Si tu tiens à ta tranquillité rends la moi et je te promets que j'oublierais jusqu'à ton existence. Il me la faut demain."
Et il m'embrassait dans le coup.
"Cela me dérangerait de faire du mal à ce joli corps."
Il humait mon parfum tout en me lâchant. Je poussais un petit cri qui alertait cette fois Albert et il tournait son regard vers nous. Il était surpris de me voir dans les bras d'un homme autre que mon mari et ne savait pas trop quoi faire. Il se dirigeait enfin après quelques secondes d'hésitation vers nous et L'homme faisait un pas en arrière avec un énorme sourire innocent aux lèvres.
"Attention Hélène, le sol est tellement bien nettoyé ici que ça en devient glissant. A demain même heure et même endroit alors. J'ai hâte qu'on y soit."De retour dans la voiture, Albert me regardait par le rétroviseur. Il voyait bien que j'étais contrariée. Il finissait par poser la question.
"Vous allez bien madame?"
"Oui Albert, ne vous inquiétez pas." Disais-je avec un sourire forcé. "Ramenez-moi juste á la maison et vous pouvez prendre le reste de la journée."
"Oui madame."

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Je reprends ma vie
Fiksi UmumHélène est enfin de retour chez elle, à Abidjan. Reprendre sa vie là où elle s'est arrêtée il y a un an ne sera pas aussi facile qu'elle le pense surtout que tout a changé. Des situations auxquelles elle ne s'attendait pas vont s'avérer être des épr...