Quelqu'un de potentiellement dangereux

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Qui était cet homme ? Il était apparu de nulle part, comme un enchantement. J'avais du mal à croire que la scène à laquelle je venais d'assister n'était pas que le fruit de mon imagination... Eh oui, un des traits de ma personnalité est aussi la méfiance.

《- Depuis quand erres-tu seule, petite ? Demanda l'homme au nom inconnu.

Je haussais un sourcil à son étrange question et lui répondit en joignant la parole au geste en désignant mes amis :

- Je ne suis pas seule, je suis avec eux.

Comme attirés par mes paroles, ils se rapprochèrent machinalement de nous, mais demeurèrent silencieux et conservèrent leurs places de spectateurs.

- Je ne te parle pas de ça..., dit-il en faisant un geste désinvolte de la main comme pour chasser un vulgaire parasite, tu n'as donc aucun attachement ? Aucun lien avec ton espèce ?

À ses paroles, mon visage entier exprima mon incrédulité. Je ne comprenais pas un mot de ce qu'il me disait... et j'avais l'impression de nager en plein délire.

- Heu... pardon ? Je suis pas sûr d'avoir compris.

Son visage devint pire que le mien à ma réponse : il se fendit d'abord d'un sourire, comme si ce n'était pas son discours qui était insensé mais le mien, et que je me moquais de lui. Mais voyant que je ne changeais pas d'expression et que je n'ajoutais rien, il se décomposa et laissa place à une expression proche de l'inquiétude... et de la pitié.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? Ça va pas ? M'enquis-je.

Au moment où il toucha mon épaule, son visage devint mortellement solennel, et je me figeais à son contact.

- Je suis désolé... Oubli ce que je t'ai dis, me lança-t-il, le regard vide, braqué sur moi.

Encore plus décontenancée que l'instant d'avant, j'eus la désagréable impression que son regard me transperçait et qu'il pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert. Mais j'en avais marre de son charabia et de son expression dépité sans que j'en sache la cause. Alors, je m'énervais.

- NON ! C'est quoi ce bordel ?! Quand on commence quelque chose on la fini ! Tu m'as abordé avec des paroles incompréhensibles alors que je ne sais même pas qui tu es ! Alors maintenant, tu vas m'expliquer clairement qui tu es, ce que tu fais là, et POURQUOI MOI !? 》

Après mon coup de gueule, le temps m'a semblé s'être arrêté longtemps... Très longtemps. J'étais à la fois gênée et soulagée. Je daignais plonger mon regard dans le sien, et attendis une réaction de sa part. Mais rien. Il demeura impassible. J'eus presque l'impression d'être devenu subitement invisible, ce qui aurait pu expliquer son expression indéchiffrable... mais ce n'était pas non plus le cas.

Alors que je me tournais vers Vincent, Alexandre, Kevin et les autres en les implorant de venir à mon aide, des images s'imposèrent à mon esprit et m'arracha au monde réel. Je hoquetais de surprise et me retrouvais dans la lisière d'une forêt. Mes sens étaient en ébullition total. Je sentais une douce brise printanière caresser mes poils rêches, les feuilles, les branches et l'herbe fraîche du matin sous mes pattes résistantes qui martelaient le sol à une vitesse incroyable. Autour de moi, il y avait ma famille. Ma meute. Même sans les voir, je sentais leur présence... Leur odeur m'était si familière, et c'était si bon d'être en plein air avec eux !

On était tous surexcités, car on allait chasser. Je sentais le gibier le plus proche qui nous servirait probablement de repas et on avait du mal à se contenir. Mais je devais faire régner le calme au sein de la meute, parce que j'étais l'Alpha. Et à l'instant où cette pensée me traversa l'esprit, je su que ce souvenir n'était pas le mien.

Esprit SauvageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant