15.

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Ange était assise à la table de la salle à manger, chez Valentine. Elle serait dans ses mains une tasse remplie à ras bord de chocolat chaud. Une épaisse couverture recouvrait ses épaules secouées de frissons. La jeune fille avait refusé d'être séparée de son parapluie, aussi était il posé contre sa chaise. Valentine Cohen et Natanaël Brown la regardait intensément. Dans leurs yeux brillait l'inquiétude.
Ange, elle ne desserra pas les levres.  Elle aurait pu craindre une avalanche de questions, mais elle n'y pensa pas un instant. Natanaël et sa mère ne dirent d'ailleurs rien. Ils restèrent une dizaines de minutes dans un silence complet, seulement troublé par les discrets reniflements d'Ange.
Apres qu'Ange l'eut appelée, Valentine, sans même prendre le temps de vêtir quelque chose de plus correct que son pyjama, avait sauté dans sa voiture et avait roulé à toute allure vers Paris. Le trajet était d'ordinaire assez long, une heure et demi environ, mais la vielle femme avait roulé vite, et la capitale fut atteinte et même pas une heure. Le mal de jambes de la vielle femme était apparement une vielle histoire et elle put sans problèmes courir pour chercher sa nièce.
Elle ne savait pas précisément où aller, mais grâce aux indications précises d'un passant compatissant, Ange fut embarquée une  heure et demi après son appel.
Le silence dans la voiture fut pesant. La jeune fille sanglotait, son parapluie serré contre sa poitrine. Valentine était prise au dépourvu et n'avait aucune idée de comment consoler sa nièce. Elles arrivèrent finalement chez les Cohen. Valentine fut incapable de marcher jusqu'à la cuisine, et son fils dut la porter sur son dos. Ils se retrouvèrent finalement assis autour de cette table, silencieux.
Ange n'allait pas bien. Elle voyait des choses étranges. Les visages de Natanaël et de Valentine se déformaient. Des couleurs vives, comme des tâches, apparaissaient a des endroits incongrus.  Le corps de la jeune fille lui paraissait lourd, tellement lourd. Elle avait l'impression de s'enfoncer dans la chaise, toujours plus loin. Soudain, elle vit un vieil homme descendre du plafond et atterrir debout, devant elle. C'était le vieux monsieur du métro, celui de l'accident. Sa peau d'un blanc virant sur le gris détonnait sur la piece entièrement rouge. Le vieil homme aux membres tordus dans des angles improbables s'approcha de la jeune fille. Il entoura autour d'un de ses doigt brisés une mèche de cheveux rousse et sale.
- C'est inutile de te battre. Tu le sais, tu vas perdre. Le rouge gagne toujours.
- Je ne perdrai pas, murmura-t-elle.
- Ange, s'inquiéta Valentine.  À qui tu parles ?
Ange se releva brusquement. Elle hurla de toute ses forces.
- TA GEULE, LA VIEILLE ! J'ai l'air de te parler, la ?
La pièce devenait de plus en plus floue et rouge aux yeux d'Ange. Elle avait perdue toute raison. Qui était elle, où était elle, elle l'avait oublié.
- il faut que je me venge, murmura t'elle. Une vengeance...
Ange se débarrassa de la couverture lui entravant ses mouvements, et saisit son parapluie. Elle s'avança vers Valentine.
- Qu'est-ce qui se passe ? balbutia la vielle femme. Tu es en colère ? Pourquoi ? À cause de ta mère ? Tu as lu le journal ? Je peux me justifier, je l'ai sortie de la cave, tu sais, j'ai presque sauve ta mère...
Ange n'entendait rien. Elle était dans un autre monde. Un monde maculé de sang. Elle était à présent à quelque centimètres de Valentine. Sans rien dire, sans une parole, sans un sourire, sans une larme, Ange leva son arme, et elle transperça la poitrine de la vieille femme. Le sang gicla sur son visage fermé. Elle n'entendit pas les cris de douleurs de sa victime, ni les hurlements de terreur de son cousin.
Valentine s'écroula sur le sol. Ange se coucha sur elle et pencha vers son oreille.
- Tu sais, murmura-t-elle, un jour, j'ai fait des recherche. Avant de lire ton journal, quand j'étais à Lyon,xj'ai été au commissariat et ai demandé si ils avaient quelques informations sur Sophie Delahaie. On m'a alors appris que ma mère s'était suicidée. Son mari, mon père, la battait. Je ne m'en souvenais pas. Il semblerait que je sois née d'un viol. Tu sais, ma mère, elle a recréé encore et encore les moments de son enfance. Elle a choisi un mari violent. Et tu sais quoi ? Elle m'a abandonné.  Tu sais pourquoi ? Pour se venger de toi. Sur moi. Tu as gâché ma vie. Je suis incapable de vivre à cause de toi.
Alors Ange enleva le parapluie planté dans le corps de sa tante, et le transperça de nouveau. Elle poignarda Valentine, sans dire un mot. Le sang chaud maculait les murs de la cuisine et les carreaux blancs. L'odeur était infâme.
Ange assassina Valentine. Même Si elle était morte, elle la tuait encore. Elle était même incapable d'éprouver de la satisfaction.
Ange n'éprouvait plus rien. Elle était aussi morte que Valentine.

Le syndrome du parapluie rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant