L'exil

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Le temps semble brusquement se figer sur le bateau alors que je dévoile enfin le nom du coupable.

Tous les regards se retournent bientôt vers le responsable de tout ceci et ce dernier recule d'un pas, tout à coup effrayé.
« - YeSung, qu'est-ce qui t'a amené à penser ça, me demande HyukJae.
-Déjà, je l'ai vu sortir des cuisines alors qu'il n'avait rien à y faire. S'il n'y était pas allé pour droguer notre prisonnier, pourquoi avait-il l'air inquiet lorsqu'il a compris que je l'avais vu en sortir ? Ensuite, il y a une chose que KyuHyun m'a fait remarquer. Comment les gardes ont pu savoir que tu ne serais pas dans ta chambre pour le protéger ? Demande donc à ton prince si ses gardes avaient l'air de se méfier qu'il puisse y avoir une autre présence dans la pièce. »

Le capitaine se retourne alors vers le prince.
« -Effectivement, Heechul n'avait pas l'air inquiet lorsqu'il est entré, comme s'il savait qu'il ne risquait rien de ce côté-là, confirme LeeTeuk.
-Et donc, dit HyukJae en se retournant à nouveau vers moi.
-Avec qui es-tu sorti ce soir-là ? Qui t'a entrainé loin de ta chambre ? »

HyukJae se retourne alors sans un mot vers le coupable et le plaque violemment contre la porte menant aux cabines, pressant son avant-bras contre la gorge de celui qu'il considérait depuis longtemps comme un ami.
« -Pourquoi, lui demande-t-il d'une voix glaciale qui montre toute sa colère encore retenue. »

Il ne répond rien et se contente de baisser les yeux, devenus brillants. Je sens le capitaine devenir de plus en plus énervé et il lève bientôt le poing, prêt à l'abattre sur le visage du coupable.
« -Il l'a fait par jalousie, l'interrompis-je avant qu'il n'agisse. Parce que le prince a pris la place qu'il convoitait. »

La pression semble soudain redescendre alors que HyukJae relâche le coupable qui s'effondre sur le sol, des larmes coulant le long de ses joues.
« -À la prochaine escale, tu disparais. Je me fous de ce que tu feras une fois à quai, mais ne croise plus jamais mon chemin, annonce HyukJae avant de quitter le pont en entrainant son prince avec lui en direction du gouvernail. »

Je m'approche alors lentement du responsable de cette trahison et m'accroupis à ses côtés.
« -Je te déteste, me dit-il en détournant le regard pour ne plus me voir.
-DongHae, je t'avais prévenu de ne pas faire de connerie. Je t'avais dit que si tu l'aimais vraiment, tu devais le laisser être heureux. Ce prince l'a changé, et pas dans le mauvais sens du terme. Ça, tu ne peux pas le nier.
-Je voulais juste... qu'il me regarde, sanglote-t-il.
-Et tout ce que tu as réussi, c'est à faire qu'il te déteste. Tu dois l'oublier maintenant. Si tu veux t'en sortir, il faut que tu l'oublies et que tu t'ouvres au reste du monde. HyukJae ne sera surement pas le dernier qui fera battre ton cœur. Alors n'ignore pas les autres en ne voyant que lui, tu risquerais de rater quelque chose.
-Pourquoi tu me dis tout ça ? Après tout, je vous ai tous trahis...
-Parce que, malgré tout, tu restes un ami avec qui j'ai passé beaucoup de temps en mer. Avec toutes les aventures qu'on a vécues tous ensemble, je ne peux pas te haïr. C'est pareil pour HyukJae, sinon il t'aurait déjà éliminé pour ta trahison. Mais il ne peut plus avoir confiance en toi. C'est pour ça qu'il a décidé de te débarquer. On ne peut pas naviguer avec quelqu'un en qui on n'a pas confiance. Tu devrais aller dans ta cabine. On devrait arriver à la prochaine escale demain, aux alentours de midi si les conditions de navigation restent bonnes. »

Il se relève alors sans un mot de plus et quitte le pont pour aller s'enfermer dans sa cabine. Je me retourne ensuite et rejoins l'avant du bateau où j'ai repéré Ryeowook. J'entoure bientôt sa taille de mes bras, le faisant sursauter alors qu'il était profondément plongé dans l'observation des dauphins qui nous suivent, plongeant dans l'eau colorée par le coucher du soleil. Je reste à ses côtés le temps que la nuit tombe, aucun mot ne sortant de nos bouches. Parfois, le silence explique bien mieux des sentiments que des paroles.


Le lendemain, dans la cabine de DongHae

Je ramasse mon sac et sors à contrecœur de ma cabine. Remontant sur le pont, je tombe sur tout le reste de l'équipage. Je reste quelques instants immobile, ne sachant comment me comporter avec eux, avant que HanGeng ne se rapproche de moi pour m'ébouriffer les cheveux.
« -Fais attention à toi et ne te mets pas trop dans les ennuis, me dit-il avant de s'éloigner.
-Je suis désolé, murmurai-je pour tout le monde alors que les larmes me montent à nouveau aux yeux. »

Je quitte bien vite le bateau après ça et je disparais rapidement dans une ruelle. Je connais bien cette île et je sais exactement où aller. Il me faut un endroit pour passer quelques nuits, le temps que je retrouve un bateau où m'engager. Je rejoins donc une petite auberge où la patronne m'accueille avec inquiétude, ayant remarqué immédiatement mon état. Elle me fournit une chambre et, voyant que je ne veux pas parler pour le moment de mes problèmes, me laisse seul avec un repas auquel je ne touche même pas avant de me déshabiller et de me coucher dans l'espoir de m'endormir. C'est bien la seule chose que je puisse faire pour éviter de penser à HyukJae et à son amour pour le prince. J'aimerais croire aux paroles de YeSung et oublier cet amour impossible, mais j'en suis incapable. Personne ne pourra remplacer HyukJae dans mon cœur. La preuve, mon regard ne s'est jamais arrêté sur personne ; jamais personne ne m'a plu, même physiquement. Enfin si, il y a bien une image qui m'apparait, mais c'est impossible. Je refuse de me lancer encore une fois dans une histoire aussi compliquée. J'ai bien trop à perdre.

Mais malgré le temps qui passe, je ne parviens pas à m'endormir et mon esprit reste focalisé uniquement sur une personne, toujours la même. Comment parvenir à oublier HyukJae rien que pour un soir, une nuit. Il n'y a qu'une solution qui me vient à l'esprit. Sans attendre un instant de plus, je me rhabille, récupère mon épée et sors dans la rue. La traversant, je m'arrête à mon premier stop, la taverne des "Trois Chênes". Je m'installe au bar et le tavernier s'approche rapidement de moi pour prendre ma commande. Autant commencer doucement, sinon je vais m'effondrer directement et je ne tiendrai pas la nuit. Une pinte de bière ouvre la danse dans mon œsophage. Une deuxième la suit de très près, une troisième, une quatrième. Mon esprit commence à se détendre. Mes problèmes disparaissent et je ne pense plus qu'à l'instant présent. Et pour le moment, l'instant présent est une femme d'une vingtaine d'années, magnifique. Une déesse venue d'ailleurs, la peau mate et l'air sauvage. Mon esprit embrumé ne met pas longtemps à comprendre ce qu'elle cherche et je la suis bientôt à l'étage supérieur. Le plaisir qu'elle me donne m'embrouille encore plus, mais je n'arrive toujours pas à ressentir autre chose que du vide dans mon cœur. C'est pourquoi lorsque je quitte la pièce après avoir laissé quelques pièces sur le lit, je décide de changer d'établissement.

Mes pieds me mènent alors plus près du quai, à la taverne de "l'Olympe". Un lieu de débauche connu dans le monde entier. Juste le lieu parfait pour quelqu'un comme moi. Ici, hors de question de rester à la bière. Le rhum se met à couler à flot et je me laisse entrainer par un groupe de femmes de joie jusqu'à l'une des tables un peu à l'écart. Une fois que je suis installé, l'une d'elle s'installe à califourchon au-dessus de moi et entreprend de détacher ma chemise. Ses mains glissent sur ma peau au fur à mesure qu'elle se découvre jusqu'à arriver à la limite marquée par mon pantalon. Avec un regard empli de luxure, elle plonge sa main sous mon vêtement, mais n'atteint jamais sa cible. La femme se retrouve brusquement éloignée de moi alors qu'une personne que je reconnais bien vite m'attrape par le poignet pour me tirer vers la sortie.

À peine ai-je fait un pas dehors que le froid ambiant me fait reprendre mes esprits et je me libère de l'emprise sur mon poignet avant de sortir mon épée. J'attaque sans réfléchir mon adversaire, mais celui-ci ne sort pas son arme, se contentant de se décaler au dernier moment de la trajectoire. Mon cerveau, ralenti par l'alcool, n'a pas le temps d'analyser la situation que je me retrouve à terre, un coup de poing dans l'estomac m'ayant coupé le souffle. Mon épée, tombé au sol sous le choc, se retrouve balayée d'un mouvement de pied hors de ma portée.
«-Où est le reste de l'équipage, me demande un deuxième homme qui vient d'apparaitre aux côtés du premier. »

Ça, c'est une bonne question...
« -Certainement très loin d'ici à cette heure.
-Ils ne seraient pas partis sans l'un des leurs, à moins d'avoir une très bonne raison, réplique le deuxième homme.
-Peut-être qu'ils en avaient une, répondis-je simplement avant de sombrer dans le néant. »

Alors que je m'attends à tomber sur le sol glacial de la ruelle, je sens une douce chaleur m'envahir. Est-ce une illusion due à l'alcool ? Je ne sais pas... Mais tout ce que je sais, c'est qu'enfin je vais pouvoir dormir et oublier.

Un Pirate Ne Rend Jamais Les ArmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant