- Fallen hero -

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     ILS PRÉTENDENT QUE NOUS SOMMES LES HÉROS DE NOS VIES, mais c'est faux. Nous ne contrôlons rien de ce qui nous arrive. Certains se battent pour obtenir ce qu'ils pensent mériter. Pour ma part, je m'en contrefiche de ce qui peut bien arriver. Je sais qu'il ne reste plus rien à sauver. Je sais que le meilleur n'arrivera pas et je parviens à me convaincre que je peux très bien vivre avec. L'autre partie du temps, ça m'effraie. Cette partie du temps, c'est lorsque j'essaie de m'imaginer dans cinq ans. Et l'idée d'être seule à chercher éternellement l'endroit auquel appartenir, la personne à laquelle appartenir me terrifie plus que tout.

— Cette soirée était phénoménale quand même !

La remarque de Mira m'a fait revenir à la réalité. May a porté sa tasse de chocolat chaud oréos à ses lèvres pour masquer son sourire. Elle a croisé mon regard et elle a compris que j'étais sur le point d'étriper Mira.

May est ma grande sœur, d'un an plus vielle, et les gens ont tendance à la prendre pour ma jumelle, à cause de la forte ressemblance. On a les mêmes yeux gris, les mêmes cheveux blonds et les mêmes traits de visages. Mais là où je suis une écervelée têtue et pessimiste, May est raisonnable et possède une positivité à toute épreuve.

Pour en revenir à cette soirée que Mira caractérisait de phénoménale, je crois que c'était la pire de toutes à laquelle j'avais assisté depuis la reprise des cours. En réalité, je dirais plutôt que c'était l'après-soirée qui avait été la pire de toutes. J'avais dû ramener Mira jusqu'au kot à pied, alors qu'elle était complétement déchirée et que moi-même je voyais assez flou. Ce qui aurait dû nous prendre 15 minutes, nous avait pris une heure. Elle n'avait pas arrêté de vomir à chaque buisson et on s'était égaré dans les petites rues. Le lendemain, je m'étais retrouvée clouée au lit par une foutu migraine. J'avais décidé d'arrêter d'avoir des idées aussi géniales que celle de vider une bouteille de vodka à moi toute seule. J'avais d'ailleurs même l'intention d'éviter de sortir avec Mira, à l'avenir.

— N'est-ce pas June ? a lancé celle-ci avec un sourire.

Ce qui m'a donné l'envie meurtrière de lui faire avaler ses dents. Au lieu de quoi, j'ai siroté mon smoothie kiwi banane. Le meilleur qui soit. Toutes les trois ont avait l'habitude de se retrouver chez Coffe&More pour prendre notre déjeuner avant de rejoindre le campus pour les cours du matin. Sauf que ce matin-là j'étais d'humeur exécrable à cause de cette foutue soirée dans laquelle, je m'en apercevais à présent, j'avais placé trop d'espoir. Et Mira qui ne cessait de la remettre sur le tapis, m'agaçait fortement.

— Franchement, non, ai-je marmonné.

Elle a englouti une part de son oreo cheese cake en faisant la moue.

— Tu dis ça parce que tu n'as pas pu le pécho, c'est tout.

Elle s'était décidément mise en tête de remuer le couteau bien profondément dans la plaie. May a haussé ses sourcils ; elle ne savait pas de quoi on parlait, plutôt de qui, en réalité. Complétement déglinguée, il avait fallu que je parle à Mira, du garçon du parc, que j'avais en l'occurrence qualifié selon ses dires, de « supra délicieux et craquant à souhait ». Après quoi, cette folle furieuse n'avait pas arrêté de me rabattre les oreilles avec son éternel répétitif « Tu aurais dû l'embrasser, s'il te plaisait ! » Elle n'avait toujours pas compris que ce n'est pas parce qu'une personne nous plaît que ça nous donne droit de lui sauter dessus.

— Rien avoir. De toute façon il n'y avait juste pas moyen qu'il se passe quelque chose. Il n'avait pas l'air intéressé.

Mira m'a fait son regard oui-bien-sûr-mais-mon-œil-oui. J'ai fait comme si de rien n'était et j'ai terminé le dernier pancake qui restait dans mon assiette. May m'a fait signe que je devrais tout lui expliquer et j'ai secoué légèrement la tête pour lui faire savoir qu'il n'y avait clairement pas moyen que je lui raconte cette histoire ridicule.

Sauf que l'auteur de ma vie en a décidé autrement.

— Ah ben quand on parle du loup, a soufflé Mira. Une séance de rattrapage qui se présente à toi sur un plateau d'or.

Je n'ai pas compris de quoi elle parlait jusqu'à ce que je me retourne pour voir ce qu'elle fixait ainsi. C'est là que je l'ai vu.

Le garçon du parc.

Le garçon de la soirée.

Inexplicable AnatomieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant