Inexplicable Anatomie

- Midnight Feelings -

     « ON NE S'ARRÊTE JAMAIS DANS LA VIE. » C'était sa philosophie, son art de vivre. Je commençais à en saisir le concept en observant Mira. Elle avait réussie à me trainer à une before, avant de me pousser à la suivre jusque cette soirée chez un certain Wayatt. Elle avait affonné les mélanges douteux de ces potes complétement déglinguées. « Déchéance » avait-elle dit. Je ne l'avais pas prise au sérieux jusqu'à ce que je la voie essayer de tenir sur ses deux jambes tant bien que mal. Nous n'avions clairement pas la même définition du mot.

Alors que je lui tenais les cheveux, tandis qu'elle rendait le contenu de son estomac, j'ai regretté de ne pas l'avoir empêchée d'ingurgiter autant d'alcool. Le problème avec Mira, c'était qu'elle ne se mettait jamais de limite et j'étais à chaque fois obligée de ramasser les restes. Or le babysitting c'était fort peu pour moi. Aussitôt a-t-elle eu fini de vider le contenu de son estomac qu'elle s'est relevée pour repartir à la charge comme si de rien n'était. Je l'ai suivie à nouveau à l'intérieur. Elle est retournée danser comme une folle au milieu de la foule. Je me suis dirigée vers le bar dans l'intention d'aller me chercher un coca. Cette soirée n'était pas prête de se terminer, j'avais besoin de sucre pour me faire tenir debout. Il y avait un attroupement devant le bar. J'ai poussé un soupir et j'ai foncé dans le tas. Ce que des personnes n'ont pas apprécié si bien que je me suis faite bousculée de tous côtés pour finir par atterrir contre le torse d'un garçon aux cheveux brun légèrement bouclés. Il m'a lancé un regard de travers avant de continuer à discuter avec ses potes. Ce qui m'a énervée encore plus, du coup je lui ai fait un doigt d'honneur. Je n'ai pas attendu qu'il réagisse, je suis partie redonner des coups de coude dans le tas. Ça m'a value des insultes et pas des moindre, mais au moins j'ai fini par obtenir mon verre.

À présent il me fallait retrouver Mira. J'ai promené mon regard autour de moi. Seulement j'étais de taille moyenne et la pièce était pleine à craquer de personnes plus grandes que moi. C'est à cet instant que je l'ai aperçu. Le garçon de Bridge Park. Il dépassait de plusieurs centimètres toutes les autres têtes. Sa grandeur, quelque chose de plus en plus rare, le rendait visible à des mètres. Il ne dansait pas, il était dans un coin et observait fixement quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. La fille basanée à la chemise à carreaux, qui dansait seule et que rien de semblait perturber. Il y avait quelque chose entre ces deux-là, j'en étais presque certaine. Sans raison quelconque, j'ai continué à observer l'échange muet qu'il y avait entre eux deux. La fille a fini par s'apercevoir de la présence du garçon. Leur regard se sont croisés pendant un bref instant, puis la fille s'est éloignée. C'était assez étrange.

Je me suis faufilée à travers la foule dans l'intention de retrouver Mira. Et en espérant qu'elle ne soit pas dans un sale état. Après avoir fait le tour des pièces de la maison sans la trouver, je suis sortie dans le jardin histoire d'aller fumer un coup. Il m'a fallu éviter des flaques de vomi à droite et à gauche et passer par-dessus d'un gars qui était écroulé à terre mort bourré et dont personne ne semblait se préoccuper. Une fille m'a cognée en passant devant moi. J'ai failli l'insulter, mais me suis retenue lorsque j'ai vu le mascara qui avait dégouliné sur ses joues avec les larmes. Un groupe de garçon jouait une partie animée de beerpong entouré de trois filles qui avaient égaré leur blouse.

« Déchéance » était vraiment le mot qui convenait à cette soirée. C'est là que je me suis rappelée que je devais retrouver Mira. J'ai balancé un mégot par terre et me suis dirigée vers la porte de la cuisine. Juste au moment où je rentrais, je me suis retrouvée nez à nez avec le garçon du parc. De tout près il était vraiment très grand, il devait sans doute mesurer dans les 1m85. Et il était très mignon aussi. Il m'a toisée avec ses yeux gris derrière ses lunettes. Je l'ai dévisagé avec les miens de la même couleur. Bizarrement ce non véritable échange assez étrange a suffi à me vider des émotions que j'avais accumulées depuis que mon cœur avait été réduit en miettes pour la énième fois. Ses lèvres se sont étirées en un léger sourire, ce qui m'a donné un pincement au cœur. Je voulais lui dire « Salut » ou « Hey toi ! », mais ma gorge était nouée et j'ai préféré continuer à le contempler avec une pointe de fascination. Et plus je le dévorais des yeux et plus je me disais qu'il était vraiment beau. Un tel garçon comme lui, ne pouvait être réel. Mon esprit devait me jouer des tours. Ou bien étaient-ce les étoiles qui se moquaient encore une fois de moi.

Lorsqu'il a enfin parlé, mon cœur a manqué un battement.

— Je peux passer ? a-t-il lancé, un rire enfui dans la gorge.

Son timbre de voix était spécial. Il avait quelque chose d'attirant dans sa façon de s'exprimer.

Je me suis sentie ridicule sur le coup. Depuis le début, je lui barrais le chemin. M'écartant du passage, je l'ai laissé passer. Il est sorti dehors sans se retourner. Ça m'a troublée bien plus que je ne l'aurais voulu. Quand j'ai rejoint la pièce où la fête se déroulait principalement, je suis tombée sur Mira. Elle embrassait Maxence qui avait ses mains sur ses fesses. Demain, elle pleura en me demandant pourquoi elle avait déconné à ce point. Je n'aurai évidemment pas la réponse à cette question. Celles qui me tourmentaient restaient en suspens dans le néant et revenaient me hanter dès que je baissais la garde. Dès que je permettais de ressentir à nouveau.

J'ai fini par admettre que ce non-échange avec ce garçon m'avait bien plus ébranlée que ce que je ne voulais m'avouer. Dans l'espoir de d'oublier les abeilles tueuses qui nouaient mon ventre, je suis retournée au bar dans l'intention de me faire servir quelques shoots de vodka. C'est après dix verres de vidés, que j'ai réalisé que ça n'allait pas du tout le faire si Mira et moi avions complément la tête à l'envers.

Mais il était déjà trop tard pour faire marche arrière.