C'était le jour du départ pour la sortie scolaire. Il était seulement 6h du matin et nous étions tous sur le parking du lycée, devant les deux bus, prêts à partir. Il faisait frais, et les nuages dans le ciel gris semblaient se battre. J'enfilai mon bonnet blanc à pompon et enfouis mes mains au plus profond de mes poches. Il était l'heure de partir, alors les deux classes se mirent à grimper dans les autocars, tout excitées à l'idée de cette aventure qui nous attendait.
Bien que jusque là j'avais été moi aussi impatiente de ce voyage, je ne su pourquoi cette excitation ne faisait plus partie de moi ce matin. Pourtant c'était une bonne chose : j'allai découvrir de nouveaux paysages magnifiques avec mes amies. Je devais être contente, surtout que cette chance n'était pas donnée à tout le monde. Pourtant, quelque chose n'allait pas, et je ne savais pas quoi. Etre triste ou angoissée sans en connaître la raison était sans doute l'une des pires choses, car on ne savait pas contre quoi se battre. Je me sentais tout simplement vide et fatiguée mentalement depuis plusieurs jours, et je ne pouvais en parler à quelqu'un. En effet, je n'avais jamais été douée pour dire ce que je ressentais. Que ce soit de la joie ou de la tristesse, je ne trouvais jamais les bons mots pour décrire mes sentiments, alors je gardais toujours tout pour moi. Certes les jours où mes proches percevaient parfois que je n'allais pas bien me demandaient ce qui n'allait pas, mais j'étais assez bonne en comédie et leur affirmait que c'était juste ma tête normale; et ils me croyaient. Bref, je ne pouvais en vouloir qu'à moi-même. C'était moi qui refusais à quiconque l'entrée à mon coeur.
Nous roulions depuis environ 30 minutes, et il nous restait encore 4h de route : autant dire la mort. Heureusement j'avais emporté des livres et je pouvais écouter de la musique. Mais je voulais économiser le plus possible la batterie de mon téléphone jusqu'à ce que l'on arrive. Je m'étais débrouillée pour m'installer au fond du car contre la fenêtre, posant mon sac à dos à côté de moi pour dissuader quiconque de s'assoir près de moi. D'accord cela pouvait paraître bizarre de vouloir passer 4h sans parler à quelqu'un, mais personnellement moi la solitude ne me dérangeait pas.
Après maintenant plusieurs heures de route, une pause pipi, et des dizaines de chansons chantées par les autres élèves plus tard, je remarquai quelques sièges plus loin une longue chevelure brune immobile. Ces cheveux pouvaient paraître quelconque, mais au fond de moi je savais à qui ils appartenaient. Je me redressai pour mieux la voir. Son visage se retourna lentement côté couloir, les paupières fermées et la bouche légèrement entre-ouverte. Je ressentis quelque chose d'étrange en moi, et je ne parvins pas à décrocher mon regard de ce visage angélique assoupi. Même endormie, j'avais l'impression que Lauren me scrutait de ces yeux émeraudes.
Puis, une main apparue sur son doux visage et me tira de mes pensées. Cette main lui caressa doucement la joue, sans que je puisse percevoir à qui elle appartenait. Je me redressai vigoureusement et quand, deux secondes après l'avoir lâchée des yeux, je reposai mon regard sur Lauren, ses yeux me fixaient intensément. Soudain, c'était comme si j'avais perdu l'équilibre. J'étais prise en flagrant délit. Je détournai immédiatement les yeux et fis mine de regarder autour de moi les autres élèves. Je n'osai plus la contempler pendant les minutes qui suivirent. Je me remis à écouter ma musique pop, tout en me demandant si la belle s'était rendormie, ou si elle me regardait toujours... N'importe quoi, à quoi je pensais au juste ? Pourquoi perdrait-elle son temps à égarer son regard sur moi ? Je n'étais pas le centre du monde !
Soudain, alors que j'étais plongée dans mon univers musical et que mon regard était perdu dans le paysage qui passait sous mes yeux, on s'assit à côté de moi, poussant mes affaires.
- Salut, toi.
Je sursautai et ôtai mes écouteurs, avant de voir qui s'était assis à mes côtés. Lauren me regardait droit dans les yeux, attendant sans doute que je dise quelque chose. Mais je ne parvins pas à articuler de réponse. Je la fixai, comme elle me fixait, haussant les sourcils.
- Alors comme ça t'aimes bien regarder les gens dormir ? lâcha-t-elle enfin.
Je ne parvins pas à percevoir si c'était un reproche ou non.
- Euh non... Désolée, balbutiai-je.
Je vis enfin un léger sourire se dessiner sur ses lèvres pulpeuses, puis disparaitre aussitôt.
Elle saisit mon portable de mes mains puis jeta un coup d'oeil à ce que j'étais en train d'écouter.
- I was made for loving you ? lit-elle. J'aime beaucoup Ed Sheeran mais je ne connais pas les chansons de Tori Kelly, et en l'occurrence je n'ai jamais écouté celle-ci.
Sans que je n'aie le temps de répondre, elle enfonça un écouteur dans son oreille et mis play. Je la regardais dandiner de la tête au rythme de la musique. Quand la chanson vint à sa fin et qu'elle ôta l'écouteur, j'avais vraiment peur qu'elle n'aime pas et qu'elle fasse encore des critiques vexantes...
- Cette chanson est magnifique, déclara-t-elle simplement.
Puis sans me contrôler, je souris, soulagée. Lauren attendait toujours visiblement que je dise quelque chose. Elle passa une main dans sa chevelure puis commença à se lever, mais je la retins et elle retomba sur le siège. Maladroite et gênée, je baissai les yeux. Je finis par chuchoter :
- J'adore le pop/rock. J'aime beaucoup les groupes The Script et All time low, et j'écoute aussi un peu Oasis et Sum 41. Mais je suis amoureuse des ballades calmes comme celles d'Ed Sheeran, Trent Dabbs, et surtout Can't help falling in love with you d'Elvis Presley.
Après avoir cité tout ces groupes et chanteurs à une vitesse que je ne pensais pas possible, et surtout après la dernière chanson que j'avais mentionnée, mon interlocutrice me dévisagea de ses yeux verts qui s'étaient éclairés. Elle esquissa un nouveau sourire puis répondit de sa voix rauque :
- Je crois qu'on a au moins un point commun : on a le même genre musical.
Nous restâmes un moment assises l'une à côté de l'autre à d'abord parler musique, puis nous nous tûmes et écoutâmes le silence qui régnait. Le car était à présent silencieux, tout le monde s'était endormi. Je me sentis soudain comme apaisée, dans un autre monde. Je fixai le siège devant moi tout en souriant intérieurement, rien qu'en sachant que Lauren se trouvait juste à quelques centimètres de moi, nos bras s'embrassant presque. J'aurais souhaité que ce voyage dure une éternité.
Puis, prenant mon courage à deux mains, je me tournai lentement vers ma voisine qui avait les yeux fermés. Je savais qu'elle ne dormait pas.
- Lauren, est-ce que tu as vraiment tué ton ex petit-ami ? demandai-je timidement.
Je me posai cette question depuis le début et honnêtement, je ne savais pas quelle réponse attendre. Puis, elle ouvris les yeux et aussitôt je regrettai. Je vis dans son regard une lueur de colère et d'énervement. Ses yeux s'étaient assombris et ne brillaient plus.
A ce moment là, un jeune garçon de terminale vint à notre hauteur et s'adressa à Lauren :
- On est arrivés, ma belle.
Je reconnus sa tignasse : c'était le mec qui avait caressé sa joue endormie toute à l'heure.
J'aperçus sa main se déposer sur celle de la belle brune. Cette dernière se retourna face à moi et répéta froidement :
- On est arrivés.
Sur ce, elle se leva rapidement et s'en alla, attrapant le garçon par la main.
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Everything has changed
RomantikJe suis arrivée dans un nouveau lycée. Une nouvelle vie commence, tout est à refaire. Est-ce que cette nouvelle existence me permettra de fuir ma précédente et ses problèmes ? Puis elle m'est apparue.