Le capuché

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Naola se glissa dans le pub par la petite porte qui donnait sur la ruelle adjacente. L'entrée dérobée ouvrait sur un vestibule poussiéreux au bout duquel on accédait à la salle principale. Elle pénétra dans le bar pour se préparer un casse-croûte avant d'aller se changer, son butin sur l'épaule — elle aviserait de ce qu'elle en ferait plus tard — , et se figea sur le seuil de la pièce : Mordret, installé au comptoir, discutait avec un homme dissimulé sous une grande cape noire. Ce genre de scène était courante : le vampire recevait de nombreux individus louches. Ils se présentaient, commandaient à boire et, dans les minutes qui suivaient, quelle que soit l'heure, quelle que soit la forme de la lune, le patron apparaissait d'on ne sait où pour les emmener ailleurs. La serveuse ne cherchait jamais à savoir ce qu'ils se disaient. Cela ne la concernait pas. Mais là, elle avait faim.

Elle profita de la discrétion offerte par son vêtement pour se faufiler derrière le bar. Le passage vers la réserve ressemblait à un simple mur qu'elle traversa sans encombre. Le stock d'alcool y était plus conséquent que celui de victuailles, mais la jeune femme dégota tout de même un morceau de pain, du fromage et une grappe de raisin. Ce serait suffisant.

Elle goba quelques grains sans prendre conscience que, derrière elle, la conversation s'était interrompue. Elle se sentit d'un seul coup tirée par la capuche hors du dépôt. Mordret lui découvrit le visage et la fit pivoter vers lui. Il eut un grognement agacé en constatant l'identité de son intruse.

« Ma serveuse, précisa-t-il à son hôte.

— Lâchez-moi ! s'écria Naola en se débattant

— Pour qui espionnez-vous ? » demanda-t-il dans un grondement de fond de gorge tout à fait menaçant.

Le vampire tenait le fermoir de sa cape et elle devait se mettre sur la pointe des pieds pour que cela ne gêne pas sa respiration.

« J'espionne que dalle ! J'avais juste faim ! Je pensais pas que vous me verriez !

— Si vous voulez être discrète alors, procurez-vous du matériel de qualité ! » répliqua la créature en la reposant au sol d'un geste violent.

La jeune fille lui lança un regard noir, mais jugea préférable de ne pas trop bouger. Elle gardait les bras refermés sur son casse-croûte, ce qui tendait à renforcer sa justification.

« J'en ai rien à foutre de vos combines, ni de vos gars capuchés ! Je voulais juste être prête pour prendre mon service tout à l'heure !

— C'est bon, Mordret », calma ledit capuché.

Un homme, au timbre de sa voix.

« Elle n'a pas l'air bien méchante.

— La bêtise n'a rien de mauvais, pourtant le mal qu'elle cause est sans limites », grogna le vampire pour le principe.

Il attrapa la fille par l'épaule et la traîna jusqu'à la sortie de service.

« C'est bon ! C'est bon, je peux marcher ! » protesta Naola en se débattant.

Il la colla dans le couloir qu'il referma sur elle sans un mot de plus.

« Vampire à la con ! » s'énerva l'adolescente.

La porte se rouvrit immédiatement sur son patron, juste le temps de lui ordonner :

« Vous montez dans votre chambre. Vous ne quittez pas l'établissement.

— J'en avais pas l'intention, je bosse, moi, ce soir, Monsieur. Et si vous croyez que vous pouvez m'envoyer dans ma chambre comme une gamine, vous vous... »

Le claquement de la porte interrompit son plaidoyer. Elle insulta copieusement la créature à voix basse puis se résigna. Elle devait se préparer pour la soirée.

Bienvenue au Mordret's Pub - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant