Chapitre 7 - L'Ogedie

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Le mur était ma seule distraction. Je n'avais pas de façon de savoir quelle heure il était, car il n'y avait rien dans la petite salle. Je devenais de plus en plus irritable plus les jours passaient. Les deux infirmières qui avaient découverts le parasite, même si je suis surprise que personne ne l'ai vu avant, passaient me voir deux fois par jour pour me faire passer des tests. Je savais qu'elles venaient deux fois par jour car je comptais le nombre de repas qui m'étaient servis. Trois repas égalent à une journée. Carl était venu me parler quelques fois. Il travaillait sur un certain mélange qui pourrait combattre le parasite. De ce qu'il m'avait dit, ses recherches avançaient très bien. Il était le seul espoir que j'avais, maintenant.

Parfois, j'arrivais à voir le ver se promener sous ma peau. C'était dégoûtant, certes, mais intéressant. Il se tortillait dans mon bras, dans mon coup, dans mon dos... Je ne le sentais pas bouger, mais je le voyais. Je ne comprenais toujours pas pourquoi l'inconnu m'avait fait ça, surtout car le parasite en question était inoffensif.

Après près de 39 repas, Carl était enfin venu me donner des nouvelles. Le remède qu'il avait concocté devait enlever ce parasite. Il n'avait toujours pas trouvé pourquoi ce dernier avait été implanté en moi. La seule raison qu'il voyait était pour m'empêcher de retrouver mes souvenirs et par la même occasion mes "pouvoirs". Sinon, ce ver servait à quelque chose de plus sombre encore. Nous ne savions pas ce que ça pourrait être, par contre.

Pour la première fois depuis 2 semaines, j'étais enfin sortie de la prison dans laquelle j'étais. On m'avait amenée à la même salle de torture où j'avais eu la première injection infructueuse. Cette fois, on m'avait injecté quatre produits. Le remède, le calmant, la substance pour stimuler mon sang et finalement le liquide de l'Ogedie. La dernière chose que j'avais vue fut Carl, retirant le parasite de mon bras droit. Après, c'était le noir complet pour quelques secondes, suivie de plusieurs événements dans lesquels j'étais.

J'étais dans une autre époque. Les bâtiments modernes étaient remplacés par un château et des villages. Tout était vieilli par le temps. Sur un calendrier accroché au mur du château, il y avait une date : octobre 1687. Autour du château, il y avait quelques hommes qui s'afféraient à des tâches. Je m'étais approché de l'un d'eux, qui brossait un cheval.

- Où suis-je ? demandais-je.

Aucune réponse. La personne ne m'avait pas entendu, ne m'avait pas vu et n'allait jamais me voir. J'étais invisible aux yeux des autres, peu importe qui ils étaient. C'était comme si je flottais dans un monde auquel je n'appartenais pas. Curieuse, je m'étais dirigée vers les portes du château. Derrière ces portes, il y avait une plaine entourée de villages. Le ciel était bleu avec une teinte rosée magnifique. C'était le plus beau paysage que j'avais vu dans ma vie.

La nuit s'apprêtait à tomber. Les gardes qui protégeaient les alentours du château revenaient graduellement. Tous ceux qui étaient à l'extérieur s'empressait d'entrer. Lorsque la nuit était complètement tombée, les seules choses visibles étaient quelques feux dans les grandes tours et dans quelques maisons. Je continuais à errer entre les bâtiments. Je ne savais pas quoi faire. D'un coup, je m'étais vu. Exactement moi, mais blessée. La copie de moi-même était ensanglantée de la tête aux pieds et tremblait de tous ses membres. Elle était visiblement déterminée à atteindre quelque chose de précis. Elle grimpa sur le mur en brique d'une tour au sud du château, aussi agile qu'un chat. Quelques minutes après, il y eu un cri, puis un deuxième.

Ma copie descendait tranquillement de la tour, avec deux corps qui la suivait en flottant quelque peu au-dessus du sol. L'un d'eux gémit, et elle lui planta une dague dans la poitrine. J'étais figée. L'Ogedie devait me montrer mon passé, j'avais donc moi-même fait ces actes impardonnables ? La Katie du passé créa alors une croix en bois sur le haut des grandes portes de la muraille. Elle y accrocha les deux hommes, un en-dessous de l'autre. Après avoir bien fixé leurs corps sans vie, elle attendit le matin. Dès l'aube, des gens s'étaient rassemblés au centre de la grande place, devant les portes. C'était le silence complet. Ils paniquaient tous, c'était visible. Mon double les fixait avec un sourire sadique. J'avais de la difficulté à croire que c'était réellement moi, cette personne qui venait de tuer deux êtres vivants.

La meute de personnes se déplaça sur les côtés, afin de laisser un homme important passé. Carl. Il venait parler à ma copie, toujours aussi indifférente.

- Katie, pourquoi as-tu fait ça ? dis-t-il.

- Vous m'avez laissée croupir dans une cellule sans même essayer de m'en sauver !

Furieuse, mon double avait mis le feu à la croix, brûlant petit à petit les deux hommes sans vie. En m'approchant de la scène, je découvris avec stupeur que l'un des deux hommes qui brûlaient était Vincent ! La deuxième Katie partit finalement.

J'étais encore présente, stupéfaite de la scène qui venait de se produire sous mes propres yeux, quand Carl invita une femme à approcher. Puisque j'étais invisible, je m'étais placée aux côtés du chef des Xorans.

- Jasmyne, tu es plus jeune que Katia, mais tu devras agir comme sa mère dans sa prochaine vie. C'est pour cela que tu as l'air plus vieille. Elle ne sait pas qu'elle est la première femme, alors faites-lui croire que vous l'êtes. Elle est forte, mais elle ne peut vivre dans un monde peuplé seulement d'hommes. Donc, avec votre aide, elle arrivera peut-être à redevenir une bonne Xoranne obéissante.

- Bien sûr, Carl. Je ferais ce que vous voudrez.

- Vous pouvez disposer.

Elle partit, sans commentaires.

Tout devenait terriblement noir, suivi d'un nouveau paysage qui apparaissait tranquillement devant mes yeux. Dans celui-ci, j'étais dans la salle d'entraînement, chez les Xorans. La salle était identique à ce que j'avais vu quelque temps auparavant. Il n'y avait que deux ombres vers le fond de la salle. En m'approchant, je vis que ces deux ombres étaient moi et un homme que j'appelais Daniel. Daniel montrait à mon double quelques techniques d'affrontement. Je les mémorisais toutes, en regardant. Après avoir présenté ces techniques à mon double, il lui montra quelque chose qui me coupa instantanément le souffle. Il contrôlait, avec seulement sa force mentale, l'eau. Des gouttes lui tournaient autour du corps. En l'inspectant, je vis que ces paumes étaient lumineuses ainsi que son tatouage de goutte d'eau sur l'avant-bras que la copie de moi-même avait aussi. Du geste qu'il fit, les gouttes se dirigèrent toutes vers le côté et formèrent un mur. Un deuxième geste de sa part et il n'y avait plus d'eau. Ensuite, ma copie essaya. Étrangement, le même phénomène se reproduisit lorsqu'elle imita les mouvements de Daniel. Je regardais la scène, stupéfaite. Sans bouger, j'avais regardé tous les mystérieux phénomènes qui s'étaient produits. Les deux avaient réussis à se téléporter un peu plus loin, à faire apparaître des objets près d'eux et même à se parler télépathiquement. J'avais tout mémorisé dans les moindres détails, au cas où ça pourrait m'être utile. Après l'étrange entraînement, mon double et Daniel se séparèrent, et en quelques secondes à peine, je vis pleins d'images défiler sous mes yeux. Des batailles importantes, des réunions Xorannes, des tortures Frakinnes... Je revivais mon passé. Ensuite, j'ouvris les yeux. J'étais encore attachée sur la chaise de la salle où Carl m'avait fait entrer dans l'Ogedie. Il était au fond de la salle et il avait l'air satisfait. Il détacha les sangles qui m'emprisonnaient les poignets et les chevilles. Je restais tout de même assise sur la chaise. Je me rappelais petit à petit de mon passé et de qui j'étais. Je me souvenais de tout : la raison pourquoi j'avais tué Vincent dans ma première vie, qui était Daniel, qui était mon père... Mon père. Il entrait justement dans la pièce. J'étais restée assise, sans lui accorder le moindre sourire alors qu'il s'avançait vers moi.

- Katia, je suis content que tu connaisses enfin la vérité, dis-t-il.

- Je te croyais mort et tout ce temps tu m'as laissée tomber !

- Je suis désolé, mais j'avais d'importantes choses à faire.

- Je n'étais pas importante, moi ?

Sans lui laisser le temps de répondre, je partis à la course vers la salle qui était autrefois ma chambre. Comment pouvais-je le savoir ? Je me rappelais de tout. Absolument tout. Et je devais parler à Vincent le plus vite possible. 

Erreur: L'humanitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant