Artificielle

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Le docteur Harmonie Hekel le regarde durement. Elle ne dit rien pendant un temps qui paraît infini à Frederik. Ce dernier prend conscient du bourdonnement qui les entoure. Il se rappelle alors qu'il est sur une station artificielle. Le F.A.M. réagit à ce silence et dit de manière complètement inappropriée.

- Saviez-vous que Starac vient d'une langue disparue, le bosniaque et signifiait vieil homme ? C'est assez impromptu puisque vous êtes virtuellement âgé de 1013 ans.

Cette interruption rompt le lourd silence qui s'était installé et Hekel prononce sur un ton qui ne souffre d'aucune négociation.

- Venez avec moi monsieur Starac.

Il prend conscience de la faiblesse de sa condition tandis qu'ils marchent dans les couloirs. Ses jambes peinent à le porter. Et pourtant quand il regarde ses mains il voit qu'elles sont plus jeune que lors de sa première vie. La lumière est douce dans la station et ne semble pas artificielle malgré son origine évidemment non naturelle. La femme remarque son regard et lui explique que toute la lumière de la station est synthétisée par une forme de vie bactérienne génétiquement modifiée qui se nourrit de gaz carbonique et sert donc de filtres atmosphérique en plus de sa fonction luminescente.

Il croisent quelques habitants qui ne les regardent qu'à peine. Frederik est un inconnu. Il y a sans doute des milliers d'humains ici. Ils n'est qu'un humains parmi les autres.

Enfin il arrive devant un sas qui révèle une odeur de pins lorsqu'il s'ouvre. Un léger souffle caresse sa peau. C'est subtile, pas un vent, à peine un déplacement d'air.

Sous une coupole de métal haute de dizaines de mètres, des arbres poussent paisiblement offrant la vision inattendue d'un parc où de nombreux individus flânent. Il y a même un petit ruisseau qui serpente d'un bout à l'autre de la pièce qui doit être grande comme trois ou quatre stades.

- Un parc...

- Le seul que nous ayons, le coupe le docteur. Le dernier parc de l'humanité. Une pâle copie de ce que fut la Terre à votre époque.

L'homme reste silencieux quelques secondes, observant la scène.

- Il n'y a pas d'oiseau, remarque-t-il.

- Ils n'ont pas survécus à la Grande Nuit. Comme la quasi totalité de la biomasse. Mais nous en avons encore le séquençage ADN de quelques espèces dans les archives qui contenaient votre mémoire. Si vous réussissez, alors je verrai peut-être un oiseau voler pour la première fois de ma vie.

Un enfant passe devant eux en courant et en rigolant vers la plaine artificielle en bas des quelques marches. Cette scène paraît à Frederik si surréaliste. Il ne se départ pas de cette sensation de vivre un rêve éveillé et que dans quelques minutes il va se réveiller au fond de son lit aux côtés de sa femme. L'enfant en rejoint un autre et ils se jettent dans l'herbe en tournant sur eux-mêmes et en poussant des cris aigus.

Pas de vent. Pas d'oiseau. Pas d'insecte. Plus l'homme observe la scène plus il se rend compte du caractère artificiel de cet endroit. Tout juste est-il face à une peinture grossière du berceau de l'humanité. Une copie imparfaite, un écran de fumée.

- Il y a combien de personnes sur cette station, demande-t-il d'un ton lointain.

- Un peu moins de 17 000 personnes vivent ici, dans la zone externe. La partie intérieure elle abrite un pont quantique qui alimente l'installation et les armes défensives sans lesquelles nous serions déjà morts. Nous pourrions accueillir trois fois plus de personnes mais les systèmes de survie sont anciens et nous limitons la population en prévoyance de l'évacuation à venir...

Hekel lui explique que ce qu'il voit sont les derniers humains libres de l'univers. Tout les autres ne sont que des pantins lobotomisés soumis à la volonté de l'IA qui contrôle la Terre et n'ont pas réellement de libre arbitre. Elle lui donne des détails sur la synchronisation, le processus de soumission de la pensée. Chaque esprit est relié à un flux maître d'informations globales et toutes les données sont déformées pour donner l'illusion de la beauté du dessein du Père-Monde. Virtuellement, les individus peuvent agir de manière individuelle, mais leur endoctrinement est trop profond pour espérer toute forme de soulèvement interne. Elle ajoute que même les assimilés tardifs finissaient par se soumettre à cette volonté omnisciente, sinon ils étaient éliminés... Comme tout les déviants. Un accès direct aux pensées permet de ne laisser échapper aucune contestation, ni aucune volonté de rébellion. Elle lui raconte que la Terre diffuse sans cesse des images d'exécutions ignobles de rebelles jusqu'au confins du système solaire pour décourager les humains libre de se battre.

Starac continue pendant son explication de regarder les enfants jouer dans l'herbe. L'humanité n'est plus qu'une ombre et a peu de chance de survivre à la menace que lui décrit le docteur. Il regarde ses mains, les plis de ses paumes si juvéniles.

- Avez-vous envisagé de fuir ce système solaire ? Hasarde-t-il.

- Malheureusement professeur Starac, malgré l'existence cette station et votre résurrection, il est des choses qui restent du domaine de la science-fiction. Malgré la disponibilité d'une propulsion à vide quantique, il faudrait des milliers d'années pour rallier les étoiles les plus proches et nous serions incapable de maintenir cette structure en état de fonctionnement durant ce laps de temps. Déjà ici...

- Je vais le faire, la coupe-t-il.

- Pardon...

- Je ne vous promets pas de réussir. Mais je vais tout faire pour ouvrir le portail vers le Pilier. Je vais tout faire pour nous sauver de l'extinction.

Souvenir RéincarnéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant