- Hey ! Bavard ! Rappelle-moi combien de temps il nous reste avant que je meurs à nouveau, demande le professeur Starac au petit robot loquace. Bien qu'il tente d'être joyeux, il ne peut cacher le stress et une pointe de désespoir dans sa voix.
- Il reste cinq jours, dix-heures et...
- Ça va, c'est bon, te casse pas va, c'est juste pour parler, le coupe Frederik.
Il frotte cette barbe de plusieurs jours qui recouvre maintenant ses joues. Il n'a pas de miroir mais il sait qu'il n'est pas très beau à voir. Il a les yeux fatigués et injectés de sang. Il n'a pas dormi depuis pas loin de quarante heures. Il sait que c'est une erreur mais il ne peut se résoudre à abandonner. Les treize blackballs sont maintenant activées, et elles vibrent de concert dans l'espace restreint. Les décharges d'électricités statiques sont courantes et fortes. C'est la partie la plus dangereuse du processus, il le sait. La matrice de vide quantique qui sert de pile pour stocker de l'énergie capte les émissions des anomalies vers l'univers alternatif Zero.
Lors de l'expérience initiale, il n'avait que huit puits en actions synchronisés. D'après ses calculs, treize devraient suffire à ouvrir le pont d'ici un jour ou deux. Cependant, il lui restait le problème de l'accélérateur de particule. Sur Terre, il avait pu utiliser le HEP, un accélérateur à tachyons d'énergie haute. Ici, il ne disposait pas de cette technologie. Il ignorait donc encore comment synchroniser les blackballs entre elles. C'était une partie importante du processus. Il allait devoir réinjecter vers les anomalies quantiques leur énergie accumulée sur plusieurs jours en une seule femto-seconde. Si tout se passait comme la première fois, une singularité se produirait au sein même de cette structure, une rupture dans l'espace-temps qui donnerait accès à la proto dimension du Pilier. Où bien il serait vaporisé avec la moitié de la station dans l'espace par une explosion similaire à celle qui avait détruite l'humanité. L'issue de l'expérience dépendait de sa capacité à harmoniser les flux. Il se prend la tête à pleines mains et soupire. Cela fait déjà trois longues heures qu'il ne fait que penser à cela. Tout à coup il a une idée, il se remémore l'un de ses cours d'université, un cours d'histoire du 21e siècle.
- Petite boule de connaissance agaçante, demande-t-il à son F.A.M., as-tu dans ta base de données un schéma de l'effet Einstein-Podolsky-Rosen exploité par Lirka en 2037 ou 2038 je ne suis pas sûr ?
La petite machine réfléchit de manière caractéristique puis projette un hologramme devant elle représentant une structure fluctuante au niveau atomique. Un voile d'énergie exotique. Starac regarde le schéma. Il sait qu'il touche du doigt la solution à son problème mais n'est pas certain de son choix. De toute façon, il n'a pas le choix et surtout pas le temps de douter. Il n'a pas l'infrastructure nécessaire et dans cinq petits jours, il mourra avec tout les habitants de la station s'il ne trouve pas de solution. C'est étrange comme, même s'il se sait revenu de la mort, il ne souhaite pas l'expérimenter à nouveau. Il réfléchit à voix haute.
- Voyons voir. J'ai besoin de stabiliser les puits quantique selon un modèle de raisonnance afin que l'ouverture puisse se faire. Si les ondes gravitationnelles ne sont pas identiques, je ne sais pas si ça pourra fonctionner... Que faire... Et si... Non... Mais... Peut-être que ça peut marcher si je fais ça...
Frederik se précipite sur son panneau de contrôle et demande à la station de lui fabriquer la pièce qu'il vient d'imaginer. Hekel lui a mis à disposition un appareil qu'ils appellent une usine. En fait, une sorte d'imprimante 3D qui fonctionne selon un principe mécanique qu'il n'a pas eu le temps d'analyser mais qui peut fabriquer à peu près tout dans la limite de deux mètres de diamètres. Quelques minutes plus tard la machine achève de travail et libère une sorte de grosse pelote. Il s'agit une sorte de chaine de boules de carbone reliées entre elles par des nanotubes tressés. Vu à taille humaine, des billes reliées entre elles par une ficelle.
Il passe par une passerelle pour se rendre dans le centre du cercle que composent les puits quantiques.
- Bavard, diminue la taille des puits à cinquante-huit microns.
Immédiatement les blackballs deviennent moins actives et presque invisibles. C'est le point critique de cette état quantique, elles vont s'effondrer dans quelques minutes s'il ne réaugmente pas très vite leur puissance, mais il a besoin de mettre en place la chaîne dans risquer de mourir foudroyé ou aspiré par l'un de ces pseudos trous noirs. Il positionne alors le cercle de boules stabilisatrice le long des blackballs et ressort de la zone de danger.
- Rétablit leur diamètres initial à quatorze mille microns.
Alors la chaîne circulaire est aspirée simultanément vers les treize puits gravitationnels et se retrouve flottant entre tout ses points. Visuellement elle semble toucher l'horizon des événements bien que si ce fut le cas la structure aurait été détruite. Il observe les courbes de l'hologramme et pousse un soupir. Ce n'est pas parfait mais les ondes gravitationnelles suivent comme il l'avait imaginé la structure de carbone. Donc même non synchrone à la base, l'énergie émise se stabilise dans la continuité de la forme circulaire. C'est hors de toutes les normes qu'ils avaient établis lors de son protocole initial mais il pense que c'est suffisant pour ne pas faire exploser l'installation.
Soupirant il sent la fatigue le rattraper et il se traîne jusqu'à son lit installé dans un coin.
***
Alors que Starac a enfin dormi quelques heures, la pile quantique a finalement atteint le seuil suffisant pour une première tentative. Il a passé plusieurs heures à préparer cet essai. Le docteur Hekel est passée le voir la veille. Elle était inquiète et n'est pas restée longtemps. Elle semblait presque résigner à la fin.
- Robot, écarte toi, dit-il à la boule de métal en achevant de tapper une commande sur la console. C'est parti...
Il appuie sur un bouton pour lancer le programme. Rien ne se passe pendant quelques secondes. Puis soudain les puits quantiques s'illuminent et obligent l'homme à détourner les yeux...
Puis tout s'éteint dans un claquement sonore et l'obscurité devient totale. Starac pense qu'il a commis une erreur de câblage et que le réseau a été surchargé par l'énergie de la pile.
Puis le pont s'ouvre et immédiatement la pensée omnisciente du Pilier se déverse dans l'esprit de Frederik.
Il ressent de la peur, il ne comprend pas immédiatement pourquoi.
De la confusion... Il entend sans entendre...
Ton espèce a déjà tenté d'utiliser ma puissance auparavant. Vous en avez abusé et vous êtes mort.
La douleur vrille la tête de l'homme qui tombe au sol en hurlant. C'est trop puissant, il se sent mourir. La connexion s'effondre dans la même seconde.
Tu te trompes...
Il n'arrive plus à penser...
Elle te ment.
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Souvenir Réincarné
Science FictionAprès la destruction de l'humanité sur Terre, un homme se réveille dans une station orbitale lointaine. Son esprit sauvegardé en 2067 prend vie dans un corps cloné mille ans plus tard. Il détient une information capitale, un moyen d'accéder au po...