Seuls

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Frederik Starac finit d'étreindre sa femme et se recule, fatigué, comme si la pression des dix derniers jours retombait soudainement. Il est encore sous le choc. Tout à coup, la station est secouée par ce qui semble être une énorme explosion. Un grondement part des entrailles de la cité stellaire remonte jusqu'à eux. Le hangar est fortement ébranlé et ils vacillent tout deux sur leur jambes.

Sa femme panique à nouveau et lui demande qu'est-ce qui se passe. Mais il n'en sait pas plus qu'elle. Il lui demande de le suivre. Il pense que peut-être la flotte ennemie est arrivée plus tôt que prévu. Pourtant un doute, une pensée ne cesse de lui envahir l'esprit.

Elle te ment.

Qui lui ment ? Sa femme ? Hekel ? Qu'a voulu lui faire comprendre le Pilier ? La connexion a été si brève, si douloureuse. Mais il n'a pas le temps de se poser plus de question. Il prend la main de sa femme et l'entraîne avec lui dans la station. Ils courent dans les couloirs déserts. Très vite, ils arrivent dans les quartiers d'habitation qu'il a traversé plusieurs jours auparavant. Il se rappelle les nombreuses personnes qui circulait. Mais là, il n'y a personne. Où sont les gens. Le grondement a cessé. Mais il sent bien que la vibration de la station a changée. Que ce passe t-il, il ne comprend pas. Sa femme ne cesse de poser des questions, elle a peur mais il n'a aucune réponse. Cette situation est douloureusement similaire à leur fuite après l'explosion qui a détruit la Terre. Ils fuient sans trop savoir s'ils vont survivre. La station a telle été évacuée sans qu'ils ne le sache. Qu'elle était cette explosion ? Pourquoi il n'y a personne.

Ils arrivent au parc que lui avait présenté le docteur Hekel. Il n'y a personne non plus ici, pas âme qui vive. Pas un souffle.

- Il y a quelqu'un, crie-t-il à l'intention des arbres qui ont pris une teinte grise sous cette lumière qui a perdu de son intensité.

Seul un long silence lui répond. Il finit par s'asseoir.  Sa femme qui ne comprend toujours pas la situation reste debout en retrait, n'osant plus parler. Son mari ne répond pas à ses questions ni n'essaye de le faire. Elle est perdue, choquée. Starac frappe du poing sur la marche et hurle vers le ciel avant de se prendre la tête à deux mains.

 La voix du docteur Hekel résonne soudain dans tous les couloirs de la station.

- Calmez-vous professeur Starac. Votre colère est inutile. Vous avez réussi, vous devriez être heureux de votre action. De plus votre femme vous a été rendue.

Starac et sa femme regardent surpris le plafond puis autour d'eux. Il se demande comment elle le voit, car assurément elle l'observe à cette seconde. Où est-elle, se demande-t-il.

- Taisez-vous ! Qu'est-ce qui se passe !? Où sont les gens !? Où est passé tout le monde ?! Qu'est-ce qui se passe bon sang !?

A nouveau, la voix de Harmonie Hekel lui répond provenant de toutes les directions en même temps.

- Les gens professeur ? Ils sont ici monsieur Starac. Ils sont tout autour de vous. Bien ranger dans leur boîte. Vous avez réussi, ils ne sont plus d'aucune utilité. Seul ce que vous avez fait compte. Il faut se réjouir, nous sommes déjà en route vers le firmament. Vous êtes le héro de ce millénaire...

Frederik ne comprend pas ce que la femme lui dit, il entend les mots mais n'arrive pas à trouver de sens à ces derniers. C'est comme s'il rêvait à nouveau, comme s'il flottait. Il a l'impression qu'il va s'évanouir. Il fixe son regard sur sa femme qui affiche une expression de complète perdition. Elle ignore ce qu'elle fait ici, elle ignore tout ce qui se passe. Elle est issue de son esprit et pourtant il ne peut s'empêcher de l'aimer, comme il l'a aimé, comme il l'aime encore.

Une détonation retentie. Le flanc de sa femme éclate sous l'impact d'une balle juste au dessous de son épaule gauche. Son expression de surprise tressaille quelque peu et se mue rapidement en un masque de douleur. Il s'entend hurler mais n'a pas conscience de le faire tandis qu'il se précipite sur elle alors qu'elle s'affaisse.

Il la retient, tombe à genoux avec elle. Il lui caresse les cheveux en pleurant. Son sang se déverse abondamment sur le sol et sur ses jambes. Il lui demande de ne pas mourir, il ne veut pas la perdre encore une fois... Mais il est trop tard. Déjà trop tard.  Un dernier souffle, elle ne prononce pas un mot, ses yeux voilés par l'évasion de sa vie... Elle s'affaisse, mourant une nouvelle fois.

Alors il relève la tête et la voit à travers le filtre de ses larmes. Le docteur Hekel, un regard dément et un sourire carnassier face à lui, pointant sur lui une arme à feu. Il n'arrive pas à comprendre. Tout s'est passé si vite... 

- Vous l'avait fait, professeur Starac. Vous avez utilisé le pouvoir du créateur pour donner vie à cette abomination, le fantôme de chair de votre femme ! Crie Hekel qui semble au bord de la rupture, portant encore sur lui son regard dément.

Elle s'approche de l'homme toujours à genoux, la tête de sa femme morte reposant sur sa main.

- Vous êtes folle...

Ce à quoi elle se met à rire. Elle lui dit que bien au contraire puis elle arme son pistolet.

Starac n'entend pas la détonation...

Souvenir RéincarnéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant