Le soleil entre dans ma chambre par la fenêtre grande ouverte. La lumière pénétrante me tire aussitôt du sommeil. La tâche orangée des rayons à travers mes paupières me donne la force de soulever mon buste, de tirer le rideau de velour d'un coup sec, puis de me rallonge. Toujours en gardant les yeux fermés.
Je supplie mon cerveau de retomber dans sa léthargie, et il ne se fait pas prier. Déjà la chaleur des couvertures berce mon corps fatigué. Les nuages de l'inconscient viennent rapidement embrumer mon esprit avide de repos.Une heure plus tard, c'est un grognement de chien qui me fait ouvrir les yeux.
Mon regard croise les pupilles mordorées d'un labrador au poil clair.
"Salut mon beau !", dis-je la voix pâteuse.
Chuck pose son museau sur mon ventre, en écrasant mes bras engourdis sous son corps. Je fourre ma main dans son pelage épais et au moment où j'en viens à caresser sa tête, mon estomac me fait comprendre dans son language qu'il est l'heure de manger.Enfin levée, je file à la douche, histoire de me dire que je suis réveillée, pas seulement parce que je suis hors du lit.
Je pose un survêtement sur le rebord du lavabo, accroche ma serviette près de la douche et y entre.
Le jet froid d'abord, surprend mes orteils, et peu à peu coule chaudement sur mes jambes, mon ventre puis mon dos. La chaleur détend mes muscles ; je ferme les yeux et détache mes boucles brunes qui sont vite mouillées et pendent sur mes épaules.Quelques minutes après, en jogging, je dévale les escaliers suivie de Chuck.
J'ouvre un à un les placards de la cuisine et sors au passage de quoi préparer un copieux petit déjeuner.
Crispée par la faim, je me jette sur ce qui est le plus rapide à manger. La brioche au centre de la table.
La première tranche suffit à calmer les gargouillements et je peux réellement déguster la seconde. L'odeur de la crème, le moelleux de la mie et le doré de la croûte me donnent envie de la dévorer toute entière.
Mais quand j'approche une autre part de ma bouche, un noeud se forme dans ma gorge, qui paralyse peu à peu ma poitrine et ma gorge et vient engourdir mon estomac. Je la repose. Une impression de dégoût s'insinue en moi et je cours jusqu'aux toilettes en claquant la porte derrière moi. Là, mon corps rend tout ce qu'il peut dans la cuvette, j'ai juste le temps de relever mes cheveux pour leur éviter un nouveau shampoing.
J'entends Chuck qui gratte à la porte, comme pour s'inquiéter de mon état, et je lui dis entre deux vomissements :
-"Pas bougé Chuck ! C'est pas joli."Le psy avait raison, la dépression nerveuse peut créer un blocage de toutes les formes de plaisir, et la gastronomie y compris.
Merci doc', je confirme.{}
Le "Château des quatre frères" est en Bretagne, il appartenait à mon père...
Je n'aime pas trop parler de lui. Son souvenir, aussi douloureux soit-il, est la cause de tous un tas de problèmes, comme mon suivi psychologique et quelques déficiences mémorielles.C'était il y a presque 2 ans. Papa était le grand dirigeant de la société AirWear, une chaîne de magasins de sur mesure implantée dans toutes grandes villes dignes de ce nom.
Comme tout grand PDG, son emploi du temps était rempli des mois à l'avance. Quand mon père ne travaillait pas dans son bureau ou ne visitait pas l'usine, nous sortions souvent ensemble, à la patinoire ou voir un concert.
C'était lui qui veillait sur moi et me protégeait, ou quand il ne pouvait pas, c'était Margaux, ma femme de chambre, qui le faisait.
Maman est morte depuis longtemps et je ne l'ai jamais connue. Papa m'avait toujours aimée pour deux.Jusqu'au jour où tout a basculé.
La rue,
un homme,
mon père,
des mots,
puis des gestes.Un homme a poignardé mon père dans le dos, lui perforant la cage thoracique. Sa mort était inévitable. Mort.
Moi j'appelle ça mon "néant", une partie de moi aspirée par la violence, prise par l'inconnu. Inconnu dont j'ai peur aujourd'hui. Qui me guette de sa prison et prêt à en sortir bientôt.Quand le commissariat m'a appelé, j'ai appris du haut de mes 16 ans que mon père avait été assassiné.
Le meurtrier était un homme sans histoire, au chômage, sous l'emprise de l'alcool au moment des faits. Condamné à 2 ans de prison ferme et 8 mois de sursis pour "homicide involontaire", avec un bon avocat le tour était joué.
Je me retrouvais avec l'énorme héritage de mon père, son entreprise et sa fortune, et un paquet d'embrouilles.
Des gens qui prétendaient que Papa leur devait de l'argent, des contrats et je ne sais quoi d'autre. Tout ça pour salir sa mémoire, ce qu'il m'avait laissé et voler son fauteuil.
La petite fille que j'étais a surmonté la plus dure épreuve de ma vie. Pas de famille, pas d'amis qui pouvaient m'aider.
Heureusement pour moi, Margaux et Chuck étaient là, sinon je n'aurais pas tenu le coup. L'idée de quitter ce monde haineux qui m'a pris mes deux parents m'est plusieurs fois venue. Il n'aurait qu'à me prendre moi aussi.Margaux est ma nourrice depuis la mort de Maman, et Chuck le dernier cadeau d'anniversaire de Papa. Ils sont mes plus grands soutiens aujourd'hui.
Cela fait deux ans que je passe mes journées à espérer. À espérer que leur mort est simplement un cauchemar.
Mais maintenant, j'ai cessé de croire que ce n'est qu'un jeu de mon imagination. Je n'ai plus 16 ans mais bientôt 18.
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Invincible pour toujours
Teen FictionUne fille perdue, tourmentée par la mort de son père. Hantée par un mystérieux agresseur, elle tentera de résoudre l'énigme dont sa vie dépend. Avis - Invincible pour toujours Bonjour bonjour, je relance cette histoire que j'ai commencé il y a deux...