Chapitre 8

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Nino faisait les cent pas dehors, inquiet. Pourquoi Abel mettait-il autant de temps à venir ? Avait-il réussi à prendre la clef ? Avait-il réveillé Arnaud ? Il guetta les cris, en vain. Tout était calme dans la maison. Abel l'avait-il oublié ? Il était peut-être parti se recoucher en le laissant seul dehors. Cette pensée fut comme une main glaciale qui s'emparait de son cœur. Abel était son seul ami. Ces jours-ci, les autres s'en étaient pris à lui d'une manière presque indescriptible, profitant de l'absence de son protecteur. Il revoyait encore la scène. Loris et Vincent qui s'approchaient de lui.

-Alors, susurrait Loris, où est donc passé ton protecteur ? Ton ange gardien ? Ou devrais-je dire ton petit ami ?

Il avait prononcé les deux derniers mots avec un mépris non contenu. Nino n'avait pu s'empêcher de frémir. La menace était palpable dans la voix de Loris.

-Oh, laisse-moi deviner, avait repris Vincent. Il t'a abandonné. Il est parti et a choisi de te laisser seul face à nous. Je me demande même s'il n'a pas trouvé un autre garçon à aller défendre...ou embrasser.

Nino avait frissonné d'horreur en entendant ces propos.

-Nous ne sommes pas ensemble !avait-il dit pour tenter de se défendre, tout en sachant que ce serait inutile.

-Mais tu en as envie, n'est-ce pas ? Tu en as envie autant que lui. N'essaie pas de le nier, Nino.

Autant que lui. Nino avait écarquillé les yeux en entendant ces propos. Cela signifiait-il qu'Abel aimait les garçons ? Il n'avait jamais été question d'amour entre eux. Ce n'était pas ainsi que Nino le voyait. Il le considérait comme son défenseur, oui, son ami, certes, mais ça n'allait pas au-delà pour lui.

-Je n'ai jamais été amoureux d'Abel. Au cas où vous l'auriez oublié, j'ai une petite amie, avait-il répliqué.

Et il était parti.

-Nino ? Mon dieu, que t'est-il arrivé ?

Nino sursauta : la voix d'Abel venait de résonner dans la nuit. Son ami l'avait vu à la lueur du lampadaire. Il venait de voir ses bleus, son visage tuméfié, sa joue gonflée, son œil entouré d'un halo jaunâtre.

-Ils m'ont battu, murmura-t-il.

Il vit Abel se raidir dès que les mots eurent passé ses lèvres.

-Qui ?

-Loris et Vincent.

-Pourquoi ?

Nino baissa honteusement les yeux. Comment pourrait-il lui avouer la raison qui avait poussé Loris et Vincent à le battre ? Il avait déjà du mal à se l'admettre. Alors, l'avouer à un autre...

-Pourquoi, Nino ? Dis-moi.

-Je ne peux pas...

-Si, tu peux. Je ne le répèterai à personne, fais-moi confiance.

Nino grimaça.

-Il ne s'agit pas de ça. C'est seulement que...je ne veux pas te blesser, Abel.

En relevant les yeux vers lui, il le vit froncer les sourcils, visiblement perplexe.

-Me blesser ? Pourquoi me blesserais-tu ?

-La raison pour laquelle ils m'ont battu a un rapport avec toi. Et je vais alors être obligé de te dire quelque chose que je ne veux surtout pas que tu entendes.

Il y eut un silence.

-Tu ne ressens pas la même chose que moi, comprit Abel.

Nino sentit son cœur se serrer en entendant ces mots.

-Je suis désolé. C'est juste que...je ne suis pas...

-Homosexuel, termina son ami.

Le cœur lourd, Nino hocha la tête. Voilà, il l'avait dit. Il l'avait dit et la Terre n'avait pas explosé. Abel ne s'en était pas pris à lui et ne l'avait pas brutalement congédié comme il s'y attendait.

-J'ai une petite amie, avoua-t-il. Je suis vraiment désolé, Abel.

Il vit le jeune homme hocher la tête à son tour.

-Je comprends. Est-ce parce qu'ils pensaient que nous étions ensemble qu'ils s'en sont pris à toi ?

Nino acquiesça, sans savoir quoi ajouter. Il ne voulait pas blesser Abel, mais il savait qu'il devait dire la vérité.

-Comment ont réagi les autres lorsque tu leur as annoncé cela ?

-Ils...Ils m'ont laissé tranquille.

-Je m'en doutais un peu.

-Abel, je...

-Non, ne dis rien, l'interrompit Abel. Je comprends parfaitement ta position, Nino, ne t'inquiète pas pour ça. C'est juste que...je vais avoir besoin d'un peu de temps pour digérer la nouvelle. Alors, ne m'en veux pas si je reste loin de toi pendant quelques jours, voire quelques semaines. Je reviendrai, je te le promets. Mais j'ai besoin de temps pour réfléchir à tout ça.

Nino hocha la tête.

-Je comprends.

Il vit Abel se lever et se retourner une dernière fois vers lui.

-Ne les laisse pas t'atteindre, Nino.

Et il lui tourna le dos pour s'enfoncer dans la nuit.

Nino resta seul, tremblant de froid et de honte. Il savait que ses mots avaient blessé Abel, tout comme il savait qu'il ne se le pardonnerait sans doute jamais.

-Tu as bien fait de lui dire ce que tu ressentais.

Il sursauta : la voix de Samuel venait de résonner dans la nuit. Il prit son téléphone.

-Non. Je l'ai blessé. Il n'acceptera jamais de me pardonner. Or, il était mon seul ami, toi excepté.

-Tu ne pouvais pas le laisser espérer. Il n'en aurait été que plus déçu en l'apprenant plus tard. Tu devais lui dire, Nino. Il finira par l'accepter. Et je te promets qu'il reviendra.


Abel et NinoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant