Abel avait menti en affirmant à Nino qu'il ignorait qui était l'homme de son cauchemar. Il savait très bien de qui il s'agissait. Mais comme il ne parvenait pas à le nommer, seulement à l'identifier physiquement, il avait prétendu ne pas le connaître. Il savait qu'il était dangereux. Il savait qu'il se rapprochait. Et qu'il recommencerait, comme il le lui avait dit dans son rêve. Le pire étant que personne ne pourrait rien faire s'il décidait d'intervenir à nouveau. Abel se sentait impuissant. Terriblement impuissant. Impuissant face à son jumeau. Impuissant face à cet homme. Il savait qu'il ne pourrait jamais agir et cela l'insupportait.
La respiration régulière de Nino non loin de lui le rassurait. Il avait besoin de lui. Il n'aurait jamais pu imaginer un seul instant qu'il aimerait quelqu'un à ce point. Surtout depuis ce qui s'était passé. Mais la vérité était là : il aimait Nino et il ne pourrait jamais le laisser partir, même si celui-ci ne partageait pas ses sentiments.
Il avait enfin réussi à tenir tête à Arnaud. Pour la première fois, il s'était senti plus libre. Plus puissant. Or, cette puissance l'effrayait. Il savait qu'elle pouvait s'avérer extrêmement dangereuse. Et il ne voulait pas devenir dangereux pour quiconque. Surtout pas pour Nino.
Son ami souffrait de l'abandon de sa mère. Abel le voyait bien. Il s'efforçait de dissimuler sa douleur, mais il y avait des signes qui ne trompaient pas. Les « non » qu'il murmurait dans son sommeil. Ses pleurs silencieux. Les tremblements de son corps.
Son corps... Abel devait se retenir de le toucher depuis qu'il était entré chez lui. Il s'efforçait de se répéter les propos de Nino, de se dire encore et encore qu'il n'était pas comme lui et qu'il avait une petite amie. Il tenta de se rappeler ce qu'avait vécu son jumeau pour s'empêcher d'approcher Nino plus que nécessaire. En vain. Il avait envie de lui. Envie de le prendre dans ses bras, de le serrer contre lui, de l'embrasser. Nino était proche de lui, très proche, si proche...Et en même temps si loin. Si loin, parce que ce que ressentait Abel n'était pas réciproque.
Le jeune homme repensa au départ d'Arnaud. C'était la première fois qu'il avait osé s'imposer face à son jumeau. Arnaud était parti, mais Abel savait que, tôt ou tard, il reviendrait. Et son retour risquerait de faire mal. Très mal. Il n'osait même pas imaginer la scène. Ce serait terrible.
Tu peux me faire tout ce que tu veux, me battre autant que tu voudras, m'enfermer, mais tu ne toucheras jamais à Nino. Jamais.
Il songea à ce qui s'était passé avec Arnaud, à cette blessure que son jumeau refusait toujours d'évoquer. Abel savait qu'il s'en souvenait, mais qu'il essayait de l'oublier. Tout comme lui-même aurait dû oublier Nino. Il savait qu'il aurait dû écouter son frère. Il savait qu'il avait commis la plus grosse erreur qu'un garçon ait jamais pu commettre. Cependant, il savait aussi au plus profond de lui-même qu'il ne connaîtrait sans doute jamais une douleur aussi grande que celle que son frère avait connue et endurée. Le passé était le passé. Abel avait envie de se tourner vers l'avenir et de l'imaginer meilleur. Il savait pourtant que son futur serait plus sombre que tout ce qu'il avait jamais connu jusqu'à présent. Nino ne l'aimerait jamais. Personne ne l'aimerait jamais. Et, au fond de lui, il se disait que c'était peut-être mieux ainsi. Peut-être qu'après tout, il ne le méritait pas.Peut-être qu'il était condamné à une vie sans amour où seuls les reproches de son jumeau pourraient jamais régner. Il espérait le contraire, surtout depuis que Nino était devenu son ami. Mais la réalité le frappait un peu plus à chaque seconde qui passait.
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Abel et Nino
RomanceNino est un garçon peu ordinaire : pour oublier sa solitude, il converse avec Samuel, son meilleur ami mort des années auparavant. Par conséquent, il ne cesse de subir les moqueries, les méchancetés, voire la violence de ses camarades de classe, vio...