Chapitre 9

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Abel erra un long moment dans les rues, puis, lorsqu'il fut certain d'être hors de vue, il s'arrêta, pris de vertige. La réponse de Nino lui avait fait mal, à un point qu'il n'aurait jamais pu imaginer.

J'ai une petite amie.

Les mots ne cessaient de marteler son esprit. Il aurait dû s'en douter. Il avait été stupide d'espérer que le jeune homme ait pu partager ses sentiments. A quoi pensait-il ?

Un adolescent considéré comme fou parce qu'il parlait à un mort. Un adolescent homosexuel martyrisé par son frère jumeau. Voilà à quoi ressemblaient leurs deux misérables vies. Un fragment de bonheur leur serait-il un jour accordé, à l'un comme à l'autre ? Abel osait encore y croire, mais peut-être se trompait-il.

Comment les autres adolescents homosexuels parvenaient-ils à trouver l'amour ? A rencontrer quelqu'un qui partageait leurs sentiments ? Cela semblait si facile, vu de l'extérieur. Et cela semblait encore plus simple dans les romans ou les films. Pourquoi la réalité était-elle toujours plus compliquée que la fiction ?

-Tu vas me le payer, Abel !

Il n'eut pas le temps de se défendre : une masse venait de s'abattre sur lui, le clouant au sol. Il sentit une main lui prendre brutalement le poignet, un poing heurter son visage avec violence. Les mêmes mains le retournèrent violemment sur le dos, immobilisèrent ses poignets. Le visage d'Arnaud se pencha sur lui.

-Pourquoi as-tu fait cela ? Donne-moi une bonne raison de te punir.

-Comment es-tu sorti ?demanda Abel au lieu de répondre à la question de son frère.

-Ne change pas de sujet, s'il-te-plaît ! Tu sais à quel point il m'est facile de trouver des issues de secours. Réponds !hurla Arnaud en le secouant violemment.

Cette fois-ci, Abel en eut assez. La violence de son jumeau et l'abandon de Nino lui étaient par trop insupportables. Il en avait assez d'être toujours la victime de tout le monde. En poussant un cri de rage, il repoussa brutalement son frère et se releva.

-Arrête de toujours te prendre pour ce que tu n'es pas, Arnaud ! Tu n'es pas mon père, ni ma mère, ni même mon grand frère ! Nous sommes jumeaux ! Jumeaux ! Nous devrions être à égalité ! Cesse d'agir comme si j'étais ton cadet !

-Tu te comportes comme tel, ricana Arnaud. C'est pour t'empêcher de commettre un acte que tu risqueras de regretter que je t'interdis d'être avec Nino. Tu le sais aussi bien que moi. Tu ne dois pas être avec lui. Jamais.

A ces mots, Abel leva les yeux au ciel.

-Comme si je ne le savais pas ! De toute manière, je ne risque pas d'être avec lui. Il n'est pas homosexuel.

-Tant mieux. Reste loin de lui, Abel. Pense aux conséquences.

Abel serra les dents. Au plus profond de lui-même, il savait qu'Arnaud avait raison et cette pensée l'énervait plus que tout.

-Tu ne pourras jamais m'empêcher de le défendre, déclara-t-il.


Abel et NinoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant