Nino ne savait plus quelle attitude adopter. Il s'en voulait terriblement d'avoir fait souffrir Abel et ignorait comment rattraper sa faute. Il savait qu'Abel ne la lui pardonnerait pas. Mais qu'aurait-il pu dire d'autre ? Ce n'étaient pas les garçons qui faisaient battre son cœur. Il avait préféré dire la vérité plutôt que de laisser de faux espoirs à son ami.
-Il surmontera sa douleur, Nino, ne t'inquiète pas.
Nino sursauta, comme chaque fois que la voix de Samuel résonnait près de lui sans prévenir. Il secoua la tête. Ils étaient seuls dans sa chambre, il pouvait à nouveau parler à son ami en toute tranquillité.
-Non, dit-il en secouant la tête. Il n'acceptera pas.
-Il tient à toi. Je sais qu'il tient à toi.
A ces mots, Nino ne put s'empêcher de rire.
-Toi ? Comment peux-tu le savoir ?
Sa question n'eut pas l'air de faire rire Samuel.
-Je te rappelle au cas où tu l'aurais oublié que je suis un fantôme. Les fantômes savent des choses que les humains ignorent bien souvent.
Il y eut un silence.
-Il y a...une question que je voudrais te poser depuis un certain temps.
-Je t'écoute.
Nino hésita.
-Dis-moi si elle te gêne, tu n'es pas obligé d'y répondre.
-Je te le dirai quand tu me l'auras posée.
Le jeune homme ne put s'empêcher de sourire. Mais quand il repensa à sa question, son sourire s'effaça.
-Te souviens-tu...de ton accident ?
Le silence s'étira. Il s'étira tant et si bien que Nino finit par penser que Samuel était parti. Mais la voix de son ami résonna bientôt dans la chambre.
-Oui. Je m'en souviens comme si c'était hier.
Il y eut un nouveau silence avant que Samuel ne reprenne finalement la parole.
-J'étais en voiture avec un ami. Nous rentrions d'une fête. Il avait bu, pas moi. Mais il avait son permis, pas moi. Je savais que nous aurions dû rentrer le lendemain matin ou très tard le soir, lorsqu'il aurait dessoûlé. Mais ce soir-là, je devais passer te voir. Et ça faisait un petit moment que l'on ne s'était pas vu, à cause des vacances. Alors, j'étais extrêmement impatient de te revoir. C'est donc moi qui ai insisté pour que l'on rentre le soir même. L'alcool avait ralenti ses réflexes et embrouillé légèrement sa vue. Il n'a pas vu le chevreuil qui traversait la route. J'ai senti un gros choc, une intense douleur, comme si des milliers de morceaux de verre me transperçaient le corps. Ensuite, plus rien. Quand j'ai « repris conscience », je n'étais plus qu'une voix. Une âme. Je n'avais plus d'enveloppe charnelle. Mon corps était mort.
-Cette fois, ça suffit !
Nino sursauta : pris dans le récit déchirant de Samuel, il n'avait pas entendu sa mère entrer. Il la sentit le prendre par le bras et l'entraîner de force dehors, puis le boucler dans la voiture et partir. Stupéfait, il n'osa plus prononcer le moindre mot, tandis qu'elle roulait en direction du centre-ville. Où pouvait-elle bien l'emmener ?
Ils s'arrêtèrent sur un parking et sa mère descendit. Nino la suivit à contrecœur, craignant le pire. Devant la porte d'entrée, sa mère le tira vivement par le bras, si bien qu'il n'eut pas le temps de lire les plaquettes indicatives. Ils furent introduits dans une salle d'attente. Puis, un homme vint les chercher et les entraîna dans une salle. Cette fois-ci, Nino put apercevoir l'inscription.
Docteur Albert Martial –Psychiatre.
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Abel et Nino
RomanceNino est un garçon peu ordinaire : pour oublier sa solitude, il converse avec Samuel, son meilleur ami mort des années auparavant. Par conséquent, il ne cesse de subir les moqueries, les méchancetés, voire la violence de ses camarades de classe, vio...