Terran contempla la maisonnette isolée dans les collines.
— La première permission depuis un an de service militaire... Et c'est pour retrouver la maison vide. Par Gaïa, Maman a reçu une partie de l'éducation des prêtresses de Lumière de Balidane, comment a-t-elle pu mourir si vite de maladie ? Pourquoi n'a-t-elle pas utilisé sa magie curative sur elle-même ?
— Le médecin du village voisin est venu l'examiner après son malaise, lui apprit Leen. Il a dit qu'elle devait être malade depuis des années. Elle a caché à tous sa souffrance. Elle s'est investie avec autant plus de force pour aider les autres. Le docteur a ajouté que, même si elle avait achevé sa formation de prêtresse de Clara, elle n'aurait pas pu se soigner. Elle avait développé une maladie qui rongeait lentement sa poitrine avant de se disséminer dans le reste de son corps. Or, nul n'a encore trouvé de remède à ce mal du Chaos... Après qu'elle ait subi ce malaise et qu'elle ait sombré dans l'inconscience, son état s'est rapidement dégradé. La Déesse Clara dans sa bienveillance lui a épargné la conscience de mourir, Terran.
Il hocha la tête, difficilement convaincu.
Il était un soldat. Il rassembla alors son courage et pénétra en premier dans la maisonnée. Leen et Firely s'entre-regardèrent. Après une hésitation, ils le suivirent.
Ils découvrirent Terran planté devant le grand tableau qui faisait face à la porte d'entrée. Un sanglot s'échappa de sa gorge. Le jeune homme s'enfuit en courant. Il remonta à toute allure l'escalier en colimaçon avant de s'enfermer dans sa chambre.
Firely lui-même se détourna de la toile.
Ses parents y figuraient. Sa mère se trouvait au centre de la scène. Blonde comme les blés, les traits pleins de douceur et de beauté. Derrière la chaise où elle était assise, leur père se tenait debout, en protecteur. Il s'agissait d'un jeune homme brun aux larges épaules. Son regard était franc, son sourire rieur. Sur les genoux de leur mère, Terran était maintenu en place par un bras maternel affectueux. Le garçonnet de deux ans accordait plus d'attention à jouer avec ses doigts qu'à regarder le peintre. Firely du haut de ses trois ans et demi avait parfaitement compris qu'on dressait son portrait. Il semblait adresser à l'artiste un petit sourire coquin. À l'époque, sa courte tignasse brune était déjà rebelle. La brillance de ses yeux gris traduisait les éclairs de malice rieuse de son esprit inventif et aventurier, ce fameux regard que ses proches redoutaient tant, car il était signe de catastrophes à venir et de punitions collectives en tout genre. Afin de se tenir pour une fois tranquille, le petit Firely avait posé une main sur le genou libre de sa mère. Malgré cette précaution l'aidant à rester droit et presque immobile, ses pieds semblaient danser. Discret détail qui soulignait la difficulté d'un enfant remuant de ce jeune âge pour demeurer en place bien longtemps. Le réalisme de la toile était intense. Le coup de pinceau trahissait le brio du peintre. Sa signature s'étalait au bas du tableau dans un gribouillis informe avec une petite couronne adjacente.
C'était justement la perfection de cette peinture qui la rendait si cruelle aujourd'hui à ses yeux. À son tour, Firely se dirigea vers l'escalier. Il entra dans sa chambre. Il se laissa tomber au bord de son lit. Leen hésita sur le pas de la porte. Firely lui fit signe de s'asseoir près de lui. Elle le rejoignit, mais tous les deux étaient gênés par leur promiscuité dans cette petite pièce.
Ils entendaient Terran sangloter de l'autre côté du mur. Ils constataient à présent à quel point l'insonorisation de la cloison était mince, pourtant Terran n'avait pas manqué de leur en faire la remarque acerbe plusieurs fois !
Firely soupira. Il s'agissait du passé...
Il se leva. Il rassembla quelques objets personnels qu'il avait abandonnés jadis sur ses étagères et dans ses tiroirs. Les uns après les autres, il les fit disparaître dans son space circus.
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Perfume of Time (VF)
FantasyJe m'appelle Leen. Leen Ylvolv. J'ai vingt ans, à moins que j'en compte plutôt deux cents. J'ai été extirpée de mon cercueil de glace par un jeune chevalier du Feu fasciné par mon mystère et par mon charme. J'ai donc rouvert les yeux dans un monde...