Sylv hoqueta.
Trois hommes allongés dans les herbes. Des traces de lutte multiples dans la clairière.
Du sang... Beaucoup de sang et des corps aux angles improbables.
La jeune fille ne put avancer d'un pas de plus. Sa tête bourdonnait, son visage la picotait, une vague de chaleur lui grimpait des entrailles alors que le froid s'emparait de ses mains, de sa poitrine, de son front et de toute sa peau.
— Des elfes, commenta Firely en se penchant au-dessus des trois morts.
Il se tourna vers la Native de Farence et la contempla d'un air compatissant.
— Des elfes blancs.
Bien sûr. Sylv avait déjà identifié les dépouilles dès son premier regard. L'un des cadavres présents était même un de ses oncles. Elle hoqueta le nom du vieil elfe tué et recula d'un pas incertain. Une main se posa sur le bras de la demi-elfe. Non, je ne veux plus avancer ! Elle tenta de se rebeller. Soudain, elle se retrouva non pas propulsée vers les corps massacrés, mais prise dans un doux enlacement inattendu. Une embrassade chaude et réconfortante. Aussi brûlante que les larmes qui ruisselaient sans fin de ses yeux.
— Mes parents... Mon village... laissa-t-elle échapper.
À moins que ce fut Leen qui prononça ses paroles ? L'esprit embrouillé, Sylv ne sut jamais qui avait dit ces mots, mais elle perçut chez l'humaine une indéniable empathie pour sa souffrance. Dans l'étreinte de l'humaine, la demi-elfe sentit que le partage de sa peine permettait à celle-ci de s'atténuer et que ses pensées regagnaient en clarté.
Finalement, la Fille du Vent la lâcha. La demi-elfe comprit que pendant que Leen l'avait détournée de la vue des morts, Terran et Firely en avait profité pour mener leur prospection. Manœuvre de diversion ou ultime acte de charité de la brune pour lui éviter un sursaut d'horreur supplémentaire à la vue de ses parents dépouillés par les humains ? Le pragmatisme naturel de la Demi-elfe reprit peu à peu le dessus sur ses émotions. Elle savait qu'ils avaient besoin d'armes. Elle savait qu'il leur fallait également de la nourriture et des fioles de soins.
Une arme récupérée à terre disparut soudain des mains de Terran. Sans doute, venait-il de les envoyer dans ce mystérieux circus dont les Humains ne cessaient de parler en touchant d'un geste automatique la petite broche épinglée sur leur thorax. Firely soupira en se redressant après une dernière inspection des corps.
Avec soulagement, la demi-elfe réalisa que les elfes noirs s'étaient « contentés » de tuer les trois natifs de Farence. Leurs ennemis ne semblaient ni les avoir torturés, ni n'avaient cherché à les dépouiller. Dans le désespoir, l'esprit exigeait de s'accrocher à de tout petit rien apaisant pour ne pas sombrer... Son oncle et ses amis étaient certainement morts en guerriers ! Ils n'avaient pu tomber sans résistance, ni opposition farouche : avant qu'ils ne quittent le village cet après-midi, le cercle des Sages leur avait confié une mission importante à remplir !
— Ont-ils le parchemin que les ancêtres leur avaient remis ? demanda Sylv d'une voix qui cassa. Ils devaient avertir votre Tour du début de l'invasion des Impériaux, parvint-elle à rajouter sans sangloter.
— Ainsi, murmura Leen, les elfes blancs ont bien essayé d'alerter les soldats de Balgar du danger. Par contre, ils ne voulaient pas confier cette mission dangereuse à de jeunes gamins de notre âge...
— Je n'ai aperçu de parchemin parmi leurs affaires, avoua Firely.
— Alors peut-être revenaient-ils de la Tour après avoir rempli leur mission ! s'exclama Sylv. Des renforts de Balgar vont bientôt arriver et nous repousserons les elfes noirs de nouveau de l'autre côté de la frontière !
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Perfume of Time (VF)
FantasyJe m'appelle Leen. Leen Ylvolv. J'ai vingt ans, à moins que j'en compte plutôt deux cents. J'ai été extirpée de mon cercueil de glace par un jeune chevalier du Feu fasciné par mon mystère et par mon charme. J'ai donc rouvert les yeux dans un monde...