Chapitre 33

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"Je ne peux rien dire"

L'infirmière me regarde, les yeux emplies de pitié. Puis se ressaisit et met sa main dans la poche de sa blouse. Elle en ressort un bout de papier, qui me semble être une enveloppe.

"Tiens. Si tes parents arrivent cache là. Je n'ai pas le droit de faire ça mais... Les événements se sont acharnés contre vous. Tiens."

Elle me pose l'enveloppe dans le creux de ma main et je referme mes doigts autour du papier. J'attends d'être seule pour me retrouver en tête à tête avec lui.

Je reste longtemps ainsi, les doigts serrant l'objet interdit et les yeux dans le vide. Je pourrais l'ouvrir et découvrir la vérité mais je me rend compte que celle-ci ne pourrait pas me plaire. Je sens mon cœur battre dans ma poitrine.

Finalement, la tentation est trop forte. Délicatement, je joins mes deux mains et déchire délicatement le papier. Je sors une feuille pliées en trois. Toute la surface de celle-ci est noircit de mots, de révélations et de vérités.

Je déplie la feuille et me laisse porter par les mots, au grès des lignes...

"Lilou,

Tu te souviens ? Au bord de l'eau samedi ? Tu m'as avoué que tu était amoureuse de moi... Voilà ma réponse :

En seconde, un garçon est arrivé le cœur meurtris par les changements. Le premier jour de lycée fut pour lui une véritable torture.. Il savait que sa vie allait se jouer cette année là. Mais il ne voulait pas, il souhaitait être encore un enfant le temps d'une année, d'un mois ou peut être d'un jour, si Dieu lui accorde.

Les profs défilaient, les heures couraient et les feuilles des arbres faisaient signés l'automne de venir.

Et puis, ce jour, il monta au troisième étage. Anodins n'est ce pas ? Il était bien sur son perchoir. D'ici, il avait une vu d'ensemble sur le lycée. Cet endroit serait son refuge, là où personne ne lui trouverait des choses à redire.

Sauf qu'une fille de sa classe voulait visiter ce troisième étage.

La suite, Lilou tu l'as connais. Mais ce que tu ne sais pas c'est tous les fois où j'ai pensé à toi le soir en m'endormant, toutes les heures passées dans toi où je me demandais ce que tu faisais, tous tes rires que j'ai pu te voler... Lilou...

Je suis rentré en seconde dans le groupe Jiloprez. Notre objectif était de faire tomber le Réseau d'Annecy.

Toutes les questions que tu te posaient sont résumé dans ces deux phrases... Oui Lilou, je savais de qui venait la photo... Oui Lilou, j'aurais pu te protéger... Oui Lilou, j'avais des réponses à tes inquiétudes...

Nous avions pour ordre de nous éloigner de ceux et celles qu'on aimait.

Tom s'est fait passer comme étant gay. Il est amoureux de mathilde.

Mais moi je n'ai pas été capable de m'éloigner de toi.

Tout est de ma faute Lilou...

Je te demande pardon...

Armand."

Mes yeux sont remplis de larmes. Sa lettre me dit tout mais ne me dit rien... Je n'ai rien envie de comprendre, je veux sortir d'ici ne plus avoir mal... Je ne sais pas si je doit serrer la lettre contre mon cœur ou la brûler et l'oublier pour toujours !

***

"Je suis calmée."

C'est ce que je répondais à ma mère quand j'étais consignée dans ma chambre. Au bout de dix minutes, je sortais de celle-ci, les mains dans le dos et la tête baissée. Je disais "je suis calmée".

Et la je suis calmée. J'ai arrêté de pleurer. Je plis la lettre d'Armand et prends l'enveloppe pour la remettre. Mais quelque chose attire mon attention : c'est un petit mot écris au fond de l'enveloppe. Je peux lire : "Tom chambre 304."

Tom est à l'hôpital ?

Je jette un œil à l'heure, il est 19 heure 52. Les visites sont terminées mais les infirmières ne vont pas tarder à m'apporter mon repas.

Je baisse la tête vers l'enveloppe et, comme si elle m'avait donné du courage, je décide d'y aller.

Je repère des béquilles contre le mur en face. Je soulève ma couette et vérifie mes jambes. Je n'ai pas mal. Je m'assoie doucement car mon cou, lui, me fait vraiment souffrir. Quant à mes bras, je ne peux pas compter sur eux pour m'appuyer sur quoi que ce soit. Je laisse donc tomber l'idée des béquilles.

J'arrive finalement à m'assoir mais je sens que je ne pourrais pas en faire plus. Au même moment la porte s'ouvre sur mon infirmière. En me voyant elle fronce les sourcils et referme la porte derrière elle.

"Que fait tu Lilou ?"

J'hésite à lui dire... Elle a déjà réussi à me faire passer un objet interdit, peut être qu'elle m'aidera à aller voir Tom qui sait ?

Quand je lui pose la question c'est un non catégorique qui s'empresse de sortir de sa bouche.

"Tu as des côtés cassées, un cou en charpie et le médecin hésite à opérer ton bras. Lilou tu ne bouge pas, peut être qu'en t'asseyant ainsi tu as augmenter tes chances de subir une intervention !

-Alors faites le venir ! S'il vous plait... Il faut que je sache où est Armand... S'il vous plait."

Elle se retourne et se tripote les mains. De nouveau elle hésite.

"Vous ne voulez pas me dire car vous avez peur que mes parents l'apprennent ou car vous avez peur que j'aille plus mal ?"

Son regard me donne la réponse : ma réaction lui fait peur.

"S'il vous plait, je vais bien."

Elle a un rictus. Non je vais pas bien, mais même si j'en veux à Armand je veux savoir si il va bien...

"Il a été arrêté par la police mardi..."

Quoi ?!

L'infirmière s'active autour de moi mais je n'entends plus rien...

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