Chapitre 14. Notre routine

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Le temps passe, des jours, des semaines. Une petite routine s'est installée dans ma vie. Je suis toujours stagiaire dans l'entreprise de Kader Brahimi, j'ai mes parents au téléphone très souvent et ils me manquent à m'en crever le coeur. Yamina, c'est froid et tendu je crois. On s'écrit peu, on ne s'appelle pas, j'ai préféré m'éloigner et elle aussi. Elle à cause de Toni et moi pour Kader. Pareil avec Issam, je ne l'ai jamais rappelé et lui n'a jamais essayé de me reparler. En tout cas pour l'instant.


Avec Kader on est ensemble, on construit notre histoire doucement mais sûrement. On apprend à se connaître, on partage des souvenirs de nos passés respectifs, on s'en crée également : des souvenirs rien qu'à nous deux.

A l'entreprise, beaucoup ont compris. Mais on ne s'affiche pas, hors de question, que se soit pour lui ou pour moi. En dehors, on se promène, restaurants, shopping, journée détente, je lui cuisine de bons petits plats aussi. Parfois chez lui, parfois chez moi.


En fait, on se comporte comme un vrai petit couple à la seule différence qu'il est autoritaire et qu'il ne supporte pas qu'on me regarde ou que je n'obéisse pas lorsque il m'ordonne quelque chose.

J'en parle comme si c'était normal, alors que je sais que non.

« Obéir »

« Ordonner »

Comme si je n'étais qu'une marionnette sans avis et sans sentiments.


Je cogite devant un café, il est vendredi matin et je ne suis pas allée au bureau. Il est 9h et ce n'est pas qu'un simple retard, je ne compte pas y aller de la journée. Hier soir, on s'est violemment disputé sur un de mes voisins qui me salue et m'a demandé du sel une fois. Comme si c'était la fin du monde. Et encore une fois, il a gagné, j'ai donné ma parole que je ne répondrai à aucun des « bonjour » de mon voisin du dessus.

C'est ridicule, je n'en reviens pas. Je n'ai que lui, ici à Paris, je n'ai vraiment que lui, et ça ne lui suffit pas?

Il m'appelle, j'hésite à répondre. Puis finalement, j'ignore et je me dis que ça lui apprendra. Il rappelle au moins 10fois mais je m'en contre fiche, il me fatigue.


Il fait bon, je prends un roman en italien et je m'installe sur ma terrasse, je savoure ce moment de paix, de solitude choisie. Je bois les mots un à un, je me plonge dans l'histoire et j'en oublie tout le reste l'espace de quelques heures.

« TU T'FOUS DE MA GUEULE C'EST CA LINA? LA TÊTE DE MA MÈRE JE VAIS TE FAIRE MAL »

Je sursaute et mon livre tombe par terre, il est là face à moi, noir de colère, ses yeux n'expriment que haine et rage. Il est rentré sans frapper, imaginez bien qu'il a voulu avoir un double des clés bon moi aussi j'ai un double des siennes..

- Arrête de crier j'ai mal à la tête

Il rigole d'un rire jaune.

- Tu réponds en plus

- Kader ça va c'est bon, on s'est disputé hier soir j'ai pas envie de recommencer

Il soupire et ne réponds pas. Ai-je gagné une bataille?

- Pourquoi tu répondais pas?

- Tu vois bien que j'ai pas mon téléphone sur moi

- Je.. Je me suis inquiété

- Je me suis levée avec un mal de tête, j'avais pas la force de venir à l'entreprise

Il ne répond pas, encore une fois. Il comprend peut-être?

Il s'approche de moi et me lève, il s'assoit et me met sur ses genoux. Je me laisse faire, depuis hier soir je suis pas bien vu le froid qui règne entre nous, je me colle à lui, ma tête dans son cou et je respire enfin. C'est mon oxygène.

On est bien, c'est calme et ça faisait longtemps qu'on profitait pas l'un de l'autre sans tension.

- Ca va mieux?

- Oui.. Et toi, ca va?

- Si tu vas bien, moi aussi

Je souris et le regarde dans les yeux. Je caresse sa cicatrice, ses lèvres, le contour de son visage. Il ferme les yeux.

- T'as quitté les bureaux comme ça?

- Ba oui je t'ai appelé 30fois et aucune réponse je me suis inquiété

- T'avais pas des rendez-vous avec des Chinois?

- Oui mais j'ai déplacé

- T'aurai pas dû

Je me mets à culpabiliser, si j'avais répondu il n'aurait pas mis en « danger son travail ».

- C'est rien je gère tu sais très bien

- Tu vas y retourner?

- Je suis obligé

- Mmmm

- On se voit ce soir

- Oui

- C'était pas une question

Je souris, son côté patron ressort h24.

- Tu veux je change d'avis?

- Tu peux pas bébé

Je frissonne, il utilise pas trop les surnoms mais quand il le fait, ça me rend dingue. Il sourit et m'embrasse. Il ne me dit pas d'aller à l'entreprise parce qu'il aime l'idée que je sois à la maison, je le sais. Il l'a déjà mentionné une fois, il préférait que je ne travaille pas. Je le laisse croire qu'il aura le dernier mot, mais à ce sujet? Jamais.


- Je dois y aller, je te prends à 21h, fais toi belle ce soir je t'emmène danser


Une danse.. Une danse avec le diable.

Une danse avec le diableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant