Black Jack

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Elle alla se coucher dans son lit étriqué et froid. Elle prit un dernier moment ce soir là pour passer en revue le contenu de son lot. Étalés sur la couette, les dépliants et descriptifs de son séjour la réconfortèrent un à un. Qu'importaient les idées trop bien arrêtées d'Alain, c'était son cadeau et elle était bien décidée à en profiter, quitte à y aller seule.

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Quel drôle de chiffre. Elle n'aurait jamais misé sur lui. Et pourtant il lui apporterait un peu de bonheur. Dans un demi-sommeil, elle pensa à toutes les choses merveilleuses que représentait ce nombre. Dans exactement trois semaines elle aurait trente huit ans, et ce voyage ferait une excellente occasion de fêter son anniversaire. Ça tombait un samedi en plus. En plein pendant le weekend. Elle regarda dans l'agenda de sa table de chevet – celui où elle notait ses périodes de règles et les rares rendez-vous et activités exceptionnelles de sa vie – à moitié engourdie. Mi-septembre,pendant la semaine trente huit. Quel heureux hasard.

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C'était un bon chiffre.

* * *

« Chéri? tu viens ?

— Attends,je finis...

— Tu fais quoi ?

— Je joue aux cartes.

— Montre voir. Faut faire quoi ?

— C'est le black jack, faut réussir à faire vingt et un avec les cartes.Les figures valent dix et les as valent onze.

— Je peux essayer ?

— Ouais,vas-y. Ah... tu as fait treize là. Un roi et un trois. Te faudrait une autre carte pour faire plus.

— J'en prends une autre ?

— Si tu penses que tu peux faire mieux, oui.

— Et là ?

— Et là ça fait vingt et un ! Tu as gagné !

— Trois et huit... trente huit, bizarre...

— Non, vingt et un !

— Laisse tomber. Tu viens manger ?

— Ouais!

— Tu crois qu'on pourrait gagner à ce jeu au Casino ?

— Je pense pas. Personne ne gagne jamais au Casino. C'est fait pour que ça soit toujours la Banque qui empoche l'argent.

— J'aimerais bien essayer quand même.Ça doit être marrant. En plus on a déjà les jetons, c'est pas comme si on jouait notre propre argent.

— Tu parles encore de ton voyage ?

— Oui ! C'est dans trois semaines ! J'ai réussi à convaincre mon boss de me laisser mon vendredi. De toute façon il y a plein d'étudiantes qui bossent avec nous l'été, elles sont toutes prêtes à faire des jours en plus. C'est chouette, non ?

—Ouais,pourquoi pas après tout. Et les enfants ?

— Ma mère les prendra évidemment ; c'est elle qui me l'a proposé.

—Dans trois semaines, tu dis ?

— Oui ! Tu bosses pas toi de toute façon le vendredi après-midi ?

— Euh... non !

— Parfait ! allez viens ! Ça va refroidir.

— Ok. »

Jos3phin8Où les histoires vivent. Découvrez maintenant