En première classe

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38 ans.

Est-ce que ça se fête un âge comme celui-ci ? 18 ans, 20 ans, 25, 30... Ce sont des âges qui marquent et puis après ? Après on n'a plus vraiment envie de marquer le coup. On voudrait même parfois les oublier ces anniversaire. Alors le trente-huitième ? Ce n'est pourtant pas un nombre éclatant. A peine rappelle-t-il que les plus belles années sont passées et qu'on va entamer la phase descente pour de bon.

Pourtant Joséphine avait fait ses valises et n'entendait déjà plus son trouillard de mari resté sur le pas de la porte, qui hurlait une dernière fois alors qu'il la voyait se diriger vers le taxi.Pourquoi au juste ? Elle lui avait pourtant fermement annoncé ses intentions pour ce weekend depuis des semaines. Il s'était depuis renfermé dans une espèce de lutte psychologique et de travail de sape. Chacun de leur côté s'étaient fait une raison et une obsession pour contrarier l'autre. Mais ils ne savaient même plus pourquoi au juste. Joséphine voulait simplement profiter d'une opportunité offerte par un coup du sort, pour donner un peu de brillant et de lustre à sa vie morose, tandis qu'Alain voyait échapper la chance d'engranger un peu plus d'argent pour un pécule dont ils n'auraient aucune utilité. Forcément chacun considérait l'autre comme un égoïste de la pire espèce et aucun compromis ne fut trouvé jusqu'à ce moment fatidique où Joséphine claquait la porte du taxi qui l'emmenait vers la gare.

Le voyage pour deux personnes. La chambre pour deux adultes. Les tables pour deux, les spectacles pour deux. Et bien elle en profiterait pour deux, et sans doute même deux fois plus toute seule.

Le vague à l'âme ne dura guère. Passée la première crainte de s'aventurer seule et coupable, Joséphine se rassura, sachant très bien que même s'il l'envisageait par défi ou dépit, Alain ne profiterait jamais de ce moment seul avec les mioches pour aller consulter un avocat et échafauder un plan de divorce voué à l'échec. Il avait bien plus besoin d'elle qu'il ne l'admettrait jamais. Les hommes sont toujours prisonniers de leurs illusions et de leurs certitudes. La vie rêvée ne pouvait se permettre de telles incartades. Sans compter qu'Alain ne paierait jamais un avocat pour une consultation hors de prix et stérile.

Installée confortablement en première classe pour la première fois de sa vie, Joséphine souriait à son reflet dans la vitre aux multiples épaisseurs du train. Trois jours rien que pour elle. Et dans huit heures elle serait accoudée au balcon d'une superbe suite,admirant la méditerranée, humant le parfum du soir.

Un jeune homme vint interrompre sa rêverie pour venir s'asseoir en face d'elle dans le compartiment. A peine moins âgé qu'elle et très à l'aise dans son costume, il lui sourit aimablement.Joséphine le lui rendit de bon cœur laissant ses yeux se perdre dans les siens quelques secondes de trop. Son weekend s'annonçait des plus agréables.

Jos3phin8Où les histoires vivent. Découvrez maintenant