25- Flash-Back
Août 2008
En ce matin de rentrée, ma journée a assez mal démarré. Plus de recharges de café, je n'avais pas eu le temps de faire les courses. J'étais en manque de «potion magique» comme je l'appelais, pour me tenir éveillé après cette nuit agitée.
La veille, j'avais rompu avec ma petite amie qui m'avait été infidèle, je n'avais pas fermé l'œil, en proie aux souvenirs douloureux que j'avais, en vain, tenté de chasser et quand au petit-matin, elle a essayé de reprendre contact avec moi, j'ai failli arriver juste à l'heure au travail, moi qui ne tolère pas les retards. La bonne humeur n'était donc pas au rendez-vous. Aussi, quand la nouvelle élève de TL1 [Terminale L 1] est arrivée bien après que mon cours ait commencé, mon agacement est monté d'un cran. Comme les autres, elle a dû se présenter à la classe et remplir une fiche de renseignements. Elle s'appelait Camille Mussard et nous arrivait de métropole. Timide, asociale, en retrait, elle ressemblait à un chaton effrayé. J'ai de suite remarqué qu'elle tremblait de tout son corps.
À la fin, en guise de préparation pour le cours suivant, j'ai demandé aux élèves de rédiger leur propre poème afin qu'ils livrent leurs émotions et laissent libre cours à leur créativité. Ils ont tous joué le jeu et l'ont lu comme prévu. J'ai été agréablement surpris. Quelques-uns avaient réellement la fibre artistique et en quelques vers, j'ai pu apprendre davantage sur eux. Non pas pour les juger mais pour mieux les identifier et les aider par la suite. C'est néanmoins le poème de Mlle Mussard qui a retenu toute mon attention. Cette jeune fille était très douée, mais elle manquait tellement de confiance en elle. La maturité de ses vers, les émotions qu'elle y livrait, m'ont estomaqué. J'ai décelé chez elle un véritable potentiel littéraire.
En tant que professeur, je prenais ma mission très au sérieux, j'étais soucieux de faire ressortir le meilleur de chacun de mes élèves. Pour cela, je devais les pousser hors de leurs retranchements et de leurs limites, un défi que chaque année je me devais de relever. C'est pourquoi j'ai décidé de ne pas laisser Camille Mussard répondre à la légère à mes questions. Je l'ai donc questionnée sur sa compréhension des Pensées de Pascal. J'ai pu sentir sa crispation à mesure que je l'interrogeais. Elle était très intelligente, elle manquait seulement d'assurance.Plus tard, avec un de mes collègues, on discutait de notre métier et échangions sur nos élèves communs:
— Je te jure Mickaël, être un professeur dans la société d'aujourd'hui est un vrai défi. Tu sais, la semaine dernière, une des élèves n'a pas n'hésité à me faire des avances comme pour tester son pouvoir de séduction, m'a confié Jérôme.
— C'est de la folie ! Elles ne se rendent pas compte. Certaines de mes élèves arrivent en cours en tenues provocantes. L'une d'entre elles est arrivée en littérature comme si elle allait à la plage. Je l'ai virée de mon cours et je lui ai collé un rapport pour sa tenue vestimentaire inadéquate.
— Ben, tu ne plaisantes pas, toi !
— Elle a besoin d'une bonne leçon pour prendre conscience de sa mauvaise conduite. C'est surtout à elle qu'elle fait du tort. À la sortie des cours, je l'ai retrouvé dehors en train de fumer un joint en compagnie de mecs qui la tripotaient.
— Ça ne m'étonne même plus moi! a-t-il continué. Tu parles de Laure? Avec les autres professeurs, on en discutait au conseil pluridisciplinaire. Le plus dur est de gagner sa confiance pour pouvoir l'aider. C'est une fille paumée, insolente et tôt ou tard, elle va en payer les pots cassés.
— Oui, c'est triste. Tiens, il y a une nouvelle en TL1, Camille Mussard ! Elle m'a l'air perdue et marginale. Elle est comme ça aussi dans ton cours? ai-je demandé à mon collègue.
— Oui, en effet. Elle semble avoir du mal à s'intégrer, peut- être le choc de culture. Ce n'est pas évident de débarquer comme ça.
— Oui, c'est sûr!
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Jamais trop tard (histoire terminée)
RomansaJe suis face à un changement. Je suis face à un tournant. Je suis face à mes erreurs. Face à mes peurs. Face à moi-même. J'ai mal. Mal d'aimer. Mal d'avoir été rejetée. Mal de m'être trahie. Mal de me sentir salie. Mal de souffrir. Mal d'a...