Démoniaque

* Jusqu'à la fin de l'univers ! *

[Théo]

- Mr Thomson !

Je relève la tête d'un coup à l'entente de mon nom. Cela doit faire une demi-heure que je me suis endormi et la professeure de grecque me regarde assez méchamment. Oui j'ai fait grecque en option parce que ça me fascine. Remarquez ce n'est pas très compliqué d'avoir des bonnes notes dans cette matière. Le sujet d'aujourd'hui est la mythologie. Je n'ai pas besoin d'étudier, je connais tout par cœur.

- Si vous êtes venu pour dormir, ce n'était pas la peine de vous déplacez.

- J'aimerais bien vous voir expliquer mes absences à ma mère.

- Vu que vous m'avez l'air assez calé sur le sujet pour vous endormir, qui est le premier dieu sur terre ?

- C'est simple, c'est Zeus.

- C'est faux.

Je tourne la tête vers la petite voix suave qui vient de parler et découvre Clara. Elle ne prend jamais la parole en cours, d'habitude. Elle me regarde avec un petit air moqueur et énonce.

- Le dieu des dieux s'appelait Cronos. Il avait la particularité de manger ses enfants. Trois ont résisté : Hadès, Zeus et Poséidon. Ils ont détruit leur père grâce au trident de Poséidon et les restes de son corps demeurent dans le Tartare.

Je la regarde bizarrement ce qui la fait rire. Elle ne s'est jamais intéressée à tout ça, si elle a pris grecque c'est pour les points en plus au bac. La professeure la félicite oralement en disant qu'enfin « une de ses élèves apprenait ses cours ». Je regarde Clara du coin de l'œil. Elle a un chignon "coiffé-décoiffé" qui lui va super bien avec des yeux bleus entourés de cernes violets, mais elle reste magnifique quand même. Je sais ce que vous allez me dire : Tu l'aimes ? Oui je l'aime, mais mes sentiments n'ont jamais été clairs pour savoir si je l'aimais comme une sœur ou comme la femme qui partagerait ma vie. Clara et moi, on se connaît depuis la naissance. Nos parents sont très proches ; nous sommes nés dans le même hôpital, pas le même jour mais à une semaine de décalage. C'est comme ça que nos parents se sont rencontrés, nos mères respectives étaient installée dans la même chambre et ont commencé à sympathiser. De la maternelle jusqu'au début du lycée, on a toujours été dans la même classe, on passait tout notre temps collés l'un à l'autre. On nous appelait les jumeaux tellement on était fusionnels bien qu'on ne se ressemble pas tant que ça. Tous les après-midis, on allait au parc du village et on y restait pendant des heures à parler de tout ou rien. D'ailleurs je me rappelle de notre pacte...

Flash-back

Le jeune garçon regarde la petite fille aux boucles noires sur la balançoire à côté de lui. Elle est très belle mais c'est comme sa sœur, ils sont ensemble depuis trop longtemps pour être amoureux. Elle se retourne vers lui en lui souriant malicieusement.

- Dis Théo ?

- Oui ?

- Tu resteras toujours mon meilleur ami ?

- Bien sûr et toi aussi. Jusqu'à la fin de l'univers ! Renchérit le jeune garçon.

Ils éclatèrent de rire. Un rire enfantin et innocent qui résonna en un écho tellement puissant et irréel que même les anges auraient pu l'entendre. Ils ne savaient pas que ce pacte allait prendre plus d'ampleur des années plus tard et que le jeune garçon allait briser cette alliance autant qu'il lui a brisé le cœur.

Fin flash-back

Et oui. Je lui ai brisé le cœur. Je savais que si je me mettais en travers du chemin de Nick, il allait me faire souffrir par tous les moyens. Je tenais à laisser ma famille en dehors de mes histoires mais là je ne pouvais plus y remédier. J'ai fait énormément d'erreurs durant le passé que je n'ai jamais dites à personne et que je ne peux raconter à personne ici. Pour réparer ces erreurs, je devais faire ce qu'il me disait et c'était de me tenir loin de Clara. Soit il s'attaquait à ma famille soit à Clara, dans tous les cas il s'attaquerait à quelqu'un que j'aime. Elle était anéantie quand je lui ai demandé de ne plus m'approcher.

La dernière sonnerie retentit. Je sors en trombe de la classe, monte dans ma voiture et fonce chez moi. Mon courage de tout à l'heure va peut-être me coûter cher et il faut que j'empêche ça.

Je me gare devant chez moi et ouvre la porte lentement en redoutant ce que je vais voir. La respiration saccadée par l'angoisse, je rentre dans le salon et pousse un soupir de soulagement. Ma mère est assise dans le salon en train de feuilleter un magazine et mon père regarde la télé.

- Bonjour mon cœur, me dit-elle en souriant.

Je n'ai pas le temps de répondre que quelque chose, ou plutôt quelqu'un, me saute dessus. Je regarde la petite bouille brune sur mon dos et souris de toutes mes dents.

- Coucou trésor, dis-je à l'intention de ma petite sœur.

- 'zour Théo, ça fa ?

- On dit "ça va", princesse. Et oui ça va.

Ma famille est tout ce que j'ai de plus cher au monde et je ne veux pas la perdre. Si je venais à apprendre qu'on ait touché à mes parents ou ma petite sœur, j'en deviendrais cinglé. J'ai dû les abandonner pendant plusieurs années pour réparer mes erreurs et savoir qu'ils étaient ici vulnérables et sans défense m'a fait redouter le jour de mon retour et heureusement ils sains et saufs. Mais je vis dans l'angoisse quotidienne qu'ils leur soient arrivés quelque chose au moment où je rentre de cours.

- Et moi ze dis "ça fa" si ze veux !

- Ah ouais ?

- Ouais !

Sur sa dernière réponse, je la porte sur mon dos et vais la mettre sur l'autre canapé pour la bombarder de chatouilles. Le résultat est immédiat : elle se tord dans tous les sens en émettant un rire de bébé que j'adore. Ma mère nous regarde avec un sourire nostalgique, voire légèrement mélancolique. J'arrête de torturer ma princesse et lui fais un bisou sur le front.

Je m'assois sur le fauteuil et Lore vient directement se placer sur mes genoux et se blottir dans mes bras. Depuis toute petite, elle a toujours témoigné énormément d'attention, que ce soit pour sa famille ou ses amis. Nous avons nos moments rien qu'à nous que je n'échangerais pour rien au monde. Par exemple, la semaine dernière je lui ai montré comment monter aux arbres. J'ai cru que maman allait faire une crise cardiaque quand elle nous a vu tous les deux suspendus à une branche. Au bout de cinq minutes, ma mère brise le silence.

- Au fait, comment va Clara ?

Je déglutis avec difficulté et détourne le regard vers la télé qui ne m'intéresse absolument pas. Je n'ai jamais dit à mes parents ce qui s'était passé et comment elle va en ce moment. Remarquez, je suis la cause de son malheur... Ses parents ne sont pratiquement jamais là, donc à chaque fois que nos parents discutent, Clara laisse paraître qu'elle va bien.

- Hm... Ça va, je balbutie.

Ma mère sourit et se lève pour aller dans la cuisine. La soirée se passe tranquillement, sans encombre. Après avoir fait la vaisselle, vu que c'est mon tour ce soir, je monte dans ma chambre, me change et vais dans mon lit. Je prends mon téléphone et vais faire un tour sur les réseaux sociaux. Quelques amis postent des photos de leur soirée arrosée de la veille ou alors un horoscope bidon sur « comment sera mon avenir ? ». A vingt-trois heures, j'estime que je devrais dormir. Je ferme les yeux et essaye de penser à un moment joyeux. Au bout d'un bon quart d'heure, je m'endors dans les bras de Morphée en ayant l'impression d'avoir oublié quelque chose...

Mais quoi ?